“La possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale”, préambule de la Constitution de l’Organisation Mondiale de la Santé, OMS. En dépit de cette assertion de l’OMS œuvrant pour le bien commun et le bien-être de l’humanité, la maladie du Coronavirus (Covid-19) continue ses ravages sur la planète.
Le Covid-19 est à la fois révélateur des dysfonctionnements à l’œuvre sur chaque territoire et de l’efficacité des décisions politiques des gouvernants. Le Covid-19, au-delà de son traitement sanitaire, fait éclater au grand jour les inégalités à l’œuvre dans l’accès aux soins ainsi que le manque de réponses aux besoins de première nécessité (se nourrir, se loger…).
Il souligne aussi les déséquilibres de prise en charge suivant les zones géographiques, l’âge, le statut, le milieu social… Le bien-être de tous est loin d’être un acquis. Aujourd’hui, les chiffres pleuvent. A la date du 19 avril 2020, il y a 2 342 293 cas, 161 330 décès, 602 793 guérisons dans le monde. Selon le Centre de contrôle de l’Union africaine, l’Afrique compte 21 096 cas, 1 055 décès, 4 975 guérisons, et le Mali compte 216 cas, 13 décès et 41 guérisons. Ces chiffres donnent le tournis et font ressortir l’originalité du Coronavirus : sa dimension pandémique, donc mondiale. Ni les différents cordons sanitaires (confinement, gestes barrières, fermetures des écoles…) ni les fermetures des frontières n’ont limité le développement du Coronavirus.
L’humanité entière est infectée. Le Coronavirus rappelle ces catastrophes du début 20eme siècle où une bonne partie de la population de l’Afrique occidentale française, et notamment de la région de Mopti (Mali), a été foudroyée par une famine en 1914, faute d’offres de soins adéquats, comme le décrit si bien Amadou Hampaté Bâ décrit dans Amkoullel l’enfant peul : “C’est un horrible et incroyable charnier à ciel ouvert. Des morts et des mourants y sont entassés les uns sur les autres. Certains corps sont enflés au point d’éclater, d’autres se vident de leur contenu, entourés de membres et de chairs éparpillés que se disputent des vautours”.
On n’en n’est pas encore là. Mais la situation actuelle du monde ressemble à ce spectacle macabre observé par Amadou Hampaté Bâ à Mopti sur le chemin des vacances pour Bandiagara, dans le pays Dogon. Qu’il s’agisse de la famine de 1914 dans le centre du Mali, qu’il s’agisse du Coronavirus, la privation ultime est la mort. Il en est de même pour les conséquences dramatiques d’autres fléaux, comme la grande peste à Raguse (actuelle Croatie) au 14eme siècle ou du Choléra en Asie (Inde) au 19eme siècle.
Quelques années plus tard, l’histoire nous renseigne que le choléra gagnera l’Amérique et l’Europe. Les questions sanitaires, au-delà des malades et des morts posent tôt ou tard la question de l’accès à la nourriture. Il y a un grand écart ceux qui ont les moyens de stocker des denrées alimentaires (peur du lendemain) et ceux qui ne peuvent même pas respecter le confinement, car il en va de leur pain quotidien (cas de l’Inde notamment). Hier comme aujourd’hui, face à ces crises sanitaires, la capacité de l’humanité à avoir le sens de l’urgence et des solutions globales est mise à l’épreuve. Pour aller à contre-courant des semeurs de panique et de ceux qui dénient la réalité, cet article est un appel à ne pas reproduire les erreurs du passé. Une des leçons de cette crise sanitaire, c’est d’en profiter pour remettre de l’ordre dans le désordre. Sur ce point, la lutte contre les inégalités est primordiale.
Au Mali par exemple, le fait que le Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita, et son Premier ministre, Dr. Boubou Cissé, renoncent respectivement à deux et trois mois de salaire est un signe de solidarité. Pour une fois l’esprit de solidarité l’a emporté sur celui des antagonismes de partis. Cependant, ceci ne doit pas rester seulement un élan symbolique, mais plutôt durable grâce à une vraie politique ciblée à destination des couches de la société les plus fragiles : réfugiés, déplacés, ruraux… Car le préambule de l’OMS ne doit pas rester un vœu pieux.
Le bien commun de l’humanité repose sur un traitement égalitaire des citoyens du monde, à commencer par reconnaître que toutes les vies se valent et que chaque Etat doit œuvrer à une offre de santé crédible, égalitaire et accessible. Car une crise peut en cacher une autre.