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« Elu député » pendant sa détention pour avoir détourné plus de 9 milliards : Pourquoi Bakary Togola ne sera pas couvert par l’immunité !
Publié le jeudi 23 avril 2020  |  Le challenger
Cérémonie
© aBamako.com par Androuicha
Cérémonie de lancement de la campagne agricole 2017-2018 de l`Office du Niger.
M`Bewani (Région de Ségou), le 17 juin 2017. Le Ministre de l`Agrculture, Dr Nango Dembélé a, en présence du président de l`Assemblée Permanente des Chambres d`Agriculture du Mali (APCAM), M. Bakary Togola et du PDG de l`office du Niger M. Mamadou Mbaré Coulibaly, procédé au lancement de la campagne agricole 2017-2018 de l`Office du Niger
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Le Président de l’APCAM, Bakary Togola, incarcéré depuis septembre 2019 dans une affaire de détournement de deniers publics, ne peut pas être couvert par l’immunité parlementaire. Il ne peut pas prétendre à ce privilège pour bénéficier de la liberté ou espérer une suspension de la poursuite.
Depuis la proclamation des résultats provisoires du second tour des législatives du dimanche 19 avril, l’ancien président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture du Mali (APCAM) espère une libération, si la Cour constitutionnelle confirme son élection comme député dans la circonscription électorale de Bougouni sur la liste RPM-URD-MPM. Les soutiens de Bakary Togola, incarcéré depuis septembre 2020 dans une affaire détournement de deniers publics, sur la base de faux et usages de faux, soustraction frauduleuse et autres malversations estimées à 9. 462. 152 071 FCFA entre 2013 et 2019, jubilent déjà. Ils ont commencé une vaste campagne de communication à travers divers supports.

Selon eux, l’ex-patron de l’APCAM va faire prévaloir son statut de député bénéficiant de l’immunité parlementaire pour s’échapper des mailles de la justice. Ils espèrent pour cela, que l’Assemblée nationale va adopter une résolution afin de demander la suspension des poursuites engagées contre l’intéressé. Ils fondent leur argumentaire sur l’article 62 de la Constitution du 25 février 1992 qui traite de l’immunité parlementaire. Selon cet article, «les députés bénéficient de l’immunité parlementaire. Aucun membre de l’Assemblée Nationale ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé du fait des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions.

Aucun membre de l’Assemblée Nationale ne peut, pendant la durée des sessions, être poursuivi ou arrêté en matière criminelle ou correctionnelle qu’avec l’autorisation de l’Assemblée Nationale, sauf en cas de flagrant délit.

Aucun membre de l’Assemblée Nationale ne peut, hors sessions, être arrêté qu’avec l’autorisation du bureau de l’Assemblée Nationale, sauf en cas de flagrant délit, de poursuites autorisées ou de condamnation définitive.

La détention ou la poursuite d’un membre de l’Assemblée Nationale est suspendue si l’Assemblée Nationale le requiert ».

L’immunité concerne les députés ayant acquis le statut avant la poursuite

Cette disposition constitutionnelle traite le cas des membres de l’Assemblée nationale, objet des poursuites pendant l’exercice de leur mandat. Elle n’évoque nullement le cas d’une personne en prison avant son élection au parlement.

La situation pouvait se présenter autrement si Bakary Togola avait été élu député avant son inculpation et son placement sous mandat de dépôt. Dans ce cas, il aurait pu faire prévaloir les avantages liés à l’inviolabilité parlementaire, un principe qui n’est jamais absolu. L’inculpation et la détention de Bakary Togola étant antérieures à son probable statut de député, il ne peut pas prétendre bénéficier des privilèges liés à l’immunité parlementaire. Dans un tweet daté du mardi 21 avril 2020, Me Mamadou Ismaël Konaté, ancien ministre de la Justice, Garde des sceaux a donné d’amples éclairages. «La loi est claire. La poursuite ne précède pas le statut. L’immunité concerne les députés ayant acquis le statut avant la poursuite et non l’inverse. Ce fut le cas dans le dossier Khalifa Ababacar Sall. Ce dernier était en préventif au moment où il a été élu », a souligné Me Konaté. Avant lui, un autre avocat, non moins ancien ministre de la Justice, Me Mohamed Ali Bathily, avait défendu la même thèse. Pour Me Bathily, «ceux qui disent à Bakary Togola que l’immunité le protège de la prison lui mentent. C’est du mensonge, elle n’a aucun effet pour celui qui est déjà en prison».

Si le cas de Bakary Togola est inédit au Mali, il y a eu au Sénégal et

Madagascar, ceux de l’ancien maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall et des députés Hasimpirenena Rasolomampionna et Ludovic Raveloson dit Leva. Personnalité forte du Parti socialiste sénégalais, Khalifa Ababacar Sall a été élu député pendant qu’il était incarcéré à la Prison de Rebeuss à Dakar pour escroquerie aux deniers publics dans l’affaire de la Caisse d’avance de la mairie suite à un rapport d’audit de l’Inspection générale d’Etat (IGE). La suite est connue de tous. Le député-maire de Dakar a été condamné à cinq ans de prison à l’issue d’un procès qualifié de politique par ses partisans. Il a été aussi déchu de son statut de député suite à sa condamnation. Gracié par le président Macki Sall, il a recouvré sa liberté mais reste toujours frappé d’inéligibilité.

Pas d’immunité pour les personnes incarcérées avant les élections législatives !

Rasolomampionna était en détention préventive dans une affaire de vente du domaine privé de l’Etat et Raveloson sous le coup d’une condamnation de cinq ans de prison. Une fois élus, ces deux députés malgaches incarcérés avant leur élection avaient déposé une requête auprès de la commission de levée de l’immunité parlementaire de l’Assemblée nationale pour une suspension de leurs poursuites judiciaires. Le ministre malgache de la Justice, Jacques Randrianasolo, a opposé un niet catégorique à cette requête du Parlement.

Selon lui, un acte de l’Assemblée nationale ne peut pas remettre en cause une décision judiciaire. «Nous avons expliqué à l’Assemblée nationale qu’il n’était pas possible d’accepter sa demande, puisque ce serait aller à l’encontre de la constitution. Un placement en détention préventive est une décision de justice. Pareille démarche de l’Assemblée nationale ne peut pas effacer un acte juridictionnel. D’autant plus, et je tiens à le souligner, que les deux personnes ont été incarcérées bien avant les élections législatives. Ils ne peuvent donc pas prétendre à une immunité parlementaire», a expliqué le ministre Randrianasolo. La Présidente de l’Assemblée nationale malgache, Christine Razanamahasoa, s’est prononcée sur la question en disant que «la décision de la commission ne contraint en rien les autorités judiciaires». Le Président du Syndicat des Magistrats de Madagascar (SMM), Clément Jaona, a enfoncé le clou en déclarant : «si les deux députés croupissent actuellement en prison, c’est suite à des décisions de justice. Ils ne peuvent donc s’en sortir que par des décisions de justice».

Voilà qui est clair. Ainsi, au nom de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance de la justice, l’Assemblée nationale ne peut pas donner d’injonctions à la justice allant dans le sens de la libération de Bakary Togola à plus forte raison un abandon des poursuites. Sauf complot politico-judiciaire contre le peuple malien, le célèbre paysan prisonnier ne peut pas bénéficier des avantages liés à l’immunité parlementaire. Il s’agit maintenant de voir quelle attitude adopteront le Président de la République Ibrahim Boubacar Keïta, le Premier ministre Dr Boubou Cissé et le ministre de la Justice, Me Malick Coulibaly.

Chiaka Doumbia
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