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Entretien avec Abdoulaye Konaté, artiste plasticien malien : “En création artistique on ne dit pas qu’on est supérieur à l’autre, on dit qu’on a quelque chose à apporter à l’humanité”
Publié le samedi 25 avril 2020  |  Aujourd`hui
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Formé à l’Institut nationale des Arts de Bamako (INA) et à l’Institut supérieur des arts plastiques de la Havane à Cuba, Abdoulaye Konaté est incontestablement l’un de grands noms des arts plastiques au Mali et sur le continent, compte tenu de ses multiples expositions individuelles et collectives (plus de 40) à travers l’Afrique et le monde. Après des débuts dans la peinture, sa pratique évolue dans les années 90 pour s’orienter vers le textile (notamment le basin) qu’il redécouvre et se l’approprie pour réaliser ses œuvres. Konaté est lauréat de nombreuses distinctions dont le Grand Prix Léopold Sédar Senghor de la Biennale d’Art Contemporain Africain de Dakar en 1996, Premier Prix National de peinture du Salon 13 (1985) et le prix passeport-Créateurs sans Frontières, France (2008). Il est décoré officier de l’Ordre national du Mali en 2009 et de Chevalier des Arts et Lettres de la République française en 2002. Nous l’avons rencontré pour un entretien exclusif.
Aujourd’hui- Mali : Bonjour, comment vit le monde artistique en cette période de crise sanitaire ?

Abdoulaye Konaté : Cette crise sanitaire impacte énormément le secteur artistique, pas seulement au Mali, mais de façon mondiale sur le plan financier et en termes de la visibilité pour les artistes car toutes les expositions sont annulées ou reportées. Cependant, je pense que les artistes doivent faire de cette crise un moment de réflexion, de repos, de recherches et de création. Nous espérons que cette pandémie prendra fin très vite afin que la vie reprenne son cours normal.

Quelles sont les composantes de vos créations artistiques ?

Comme matériaux de création, j’utilise essentiellement le bazin depuis les années 1990. Mais à l’époque où j’etais plus dans la peinture et les installations, j’utilisais beaucoup de matériaux comme la peinture, l’huile, l’acrylique, entre autres. Il y’a beaucoup d’autres objets qui intervenaient dans mon travail comme du bois, sable, miroir et squelettes. Mais aujourd’hui, j’utilise essentiellement le textile, notamment le bazin qui est très prisé au Mali et en Afrique. Vu que je réalise mes œuvres artistiques en grandes dimensions, je me suis dit que le textile serait plus adapté pour mes créations. Je me sens plus à l’aise en utilisant le textile que par exemple la peinture à l’huile.

Quels sont généralement les thèmes abordés dans vos créations ?

J’aborde essentiellement deux thématiques dans mes créations, notamment la société où je traite des sujets comme la maladie, la guerre, le fanatisme religieux et ma deuxième ligne de travail est plus basée sur la recherche de l’esthétique, les couleurs et la composition.

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur le monde artistique malien ?

L’art a toujours été important au Mali notamment dans différents domaines comme la musique, sculpture, la photographie. Le Mali a toujours un pays de création artistique et je pense que le Mali a beaucoup de choses à donner au monde dans le domaine de la création artistique. Nous avons très grands noms dans la musique et presque toutes les disciplines culturelles. Nous assistons aujourd’hui à l’émergence de jeunes talents dans le domaine artistique au Mali et je crois que l’avenir est meilleur pour la culture malienne. Mais cela ne se fera pas sans la contribution des anciens qui doivent suivre et soutenir la jeune génération.

Comment trouvez-vous l’évolution des arts plastiques au Mali ?

Je crois qu’il y’a une évolution salutaire des arts au Mali parce qu’à une cératine époque, surtout lors des premières expositions, par exemple quand Lamine Dolo exposait dans les années 70-80, c’étaient généralement des étrangers qui venaient voir l’exposition. 90 % des visiteurs étaient des étrangers. Par contre, aujourd’hui, il y a beaucoup de Maliens qui viennent voir les expositions. Cela veut dire que les arts plastiques sont en train de se faire découvrir au Mali, ce qui est une très bonne chose pour l’essor de la discipline au Mali.

Je crois que les arts plastiques sont en train de se faire connaitre au Mali. La vulgarisation de cet art se fera à travers le travail des jeunes qui doivent doubler d’efforts et sensibiliser le public à travers leurs créations. Cependant, je pense que la culture en général au Mali a besoin du soutien de l’Etat malien et du secteur privé qui forcément sera soutenu par le travail des artistes.

Quelle comparaison faites-vous aujourd’hui entre l’art malien et celui des autres pays africains ?

Je ne ferai pas de comparaison entre la création artistique du Mali et d’autres pays car nous nous avons des réalités différentes. Je pense qu’aucune culture n’est supérieure à l’autre. Je dis tout simplement aux jeunes de travailler car quel que soit l’endroit où ils se trouvent, ils peuvent changer les données dans le cadre artistique. Ils peuvent apporter du nouveau. Quand tu fais l’analyse de notre passé artistique, il y a eu énormément de variétés. Il suffit juste de prendre par exemple dans le domaine de la sculpture, le plateau dogon, on y trouve une abondance de variétés dans les créations telles que les masques et les costumes. C’est valable dans d’autres domaines au Mali comme la musique avec le Manding et le Wassoulou. Au nord, nous avons la culture des Tamasheqs et des Sonrhaïs, entre autres. Nous avons des cultures peulh, bozos, senoufo, entre autres. Toutes ces richesses culturelles peuvent être exploitées par des artistes sans avoir à se comparer à d’autres pays en termes de création artistique. Dans la culture, en créations artistiques on ne dit pas qu’on est supérieur à l’autre, on dit qu’on a quelque chose à apporter à l’humanité.

Quel est votre message à l’endroit des jeunes artistes maliens ?

J’exhorte les jeunes artistes à sa se former, se renseigner à travers des recherches et qu’ils travaillent beaucoup, surtout. Dans ce travail, il faut qu’ils cherchent à trouver leur personnalité ou leur ligne propre à eux-mêmes. Tout cela vient uniquement avec le volume de travail, avec l’analyse du travail accompli. L’essentiel, c’est de travailler et d’être sincère dans son travail. Ce n’est pas du jour au lendemain qu’on peut aboutir à un résultat souhaité. Dans tous les secteurs de travail, pour arriver à un résultat, il faut énormément d’efforts et je pense que cet effort doit être doublé au niveau de l’artiste parce que l’art est non seulement une démarche intellectuelle, mais il se fait avec la pensée humaine qui cherche les arrière-fonds de l’humanité pour essayer d’éveiller, attirer, provoquer, émouvoir les gens et les sensibiliser. C’est un secteur de recherche très avancé, dans lequel les jeunes se positionnent au Mali et du coup il va nécessiter des efforts énormes.

Quels sont vos projets ?

Nous sommes actuellement dans une période difficile avec cette crise sanitaire, mais en projet j’ai des expositions individuelles à Accra (Ghana) et à Casablanca au Maroc et d’autres sont prévues hors de continent. Mai avec la crise, les dates seront reprogrammées au moment opportun.

Quel sera votre dernier mot ?

C’est dire aux jeunes de travailler, d’être patients et de faire beaucoup de recherches. Ça ne s’arrête jamais, la création artistique.

Réalisée par Youssouf KONE
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