«Des réformes politiques sont nécessaires. Ce n’est pas chose facile à accepter, mais si la répartition des terres, des revenus et des possibilités est dénaturée au point de provoquer le désespoir, les dirigeants politiques doivent choisir entre la réforme sociale ou une révolte sociale.» (Marc Namara).
À titre de rappel de quelques missions dévolues au député disons que:
Le député vote les lois régissant la conduite globale de la nation tant sur le plan politique, économique, social que culturel.
Le député se doit de contrôler régulièrement les actions gouvernementales quant à l’éxécution correcte et responsable des lois votées par l’Assemblée nationale encore appelée Parlement.
Le député rend compte des activités de l’Assemblée au peuple à travers des séances de restitution.
Le député doit être l’intermédiaire entre les populations et l’administration.
Il convient de faire cette mise au point nécessaire à la compréhension responsable des rapports reliant le député et ses mandants. Ainsi, si le député a le devoir de défendre les intérêts fondamentaux des populations qui l’ont élu, il faut dire que celles-ci sont partie intégrante du peuple. Par conséquent, s’il y a clivage entre les intérêts des mandants et ceux du peuple tout entier, le député se doit de défendre les intérêts fondamentaux du peuple car, de toute évidence le peuple prime sur une collectivité ou une circonscription électorale déterminée. Ce choix, le député le fait en âme et conscience. C’est pourquoi la loi en son article 64 dit que ‘’tout mandat impératif est nul’’. Comme pour dire que ce n’est pas parce qu’une circonscription électorale a élu un député que celui-ci se voit contraint de s’aligner du côté des populations mandantes quand bien même celles-ci sont en porte-à- faux avec la loi fondamentale ou une partie de cette loi.
Mais quel constat faisons-nous de la mission dévolue au député malien ?
Dans les faits, il est établi que les députés maliens dans leur écrasante majorité tournent carrément le dos à ceux qui les ont élus. Une fois les échéantes achevées (les députés pour la plupart) foulent au pied leur devoir impérieux de faire une restitution régulière et fidèle des activités de l’Assemblée nationale à ceux qui les ont élus. Mieux, ils ne défendent pas les intérêts fondamentaux du peuple lorsque ceux-ci sont foulés au pied par le gouvernement. Mais il ne saurait en être autrement quand on sait que bien d’élus ne cherchent plus à retourner à leur base pour savoir et vivre avec leurs mandants les problèmes qui les accablent tant politiquement, économiquement, socialement que culturellement.
Dans bien des cas, ce sont les populations qui viennent à leurs députés et non l’inverse, quand bien même c’est au nom de ces mandants qu’ils reçoivent leurs salaires et conséquentes primes. On peut même dire que ces populations sont jetées dans les oubliettes jusqu’aux élections prochaines. Les raisons d’une telle attitude des députés sont nombreuses, entre autres:
– Le mode de scrutin à deux (02) tours favorise l’achat des consciences et le vote par défaut. Les alliances qui se tissent à cet effet sont souvent contre nature. Fréquemment donc on voit des ennemis politiques jurés s’associer sans état d’âme, sans le moindre souci de défendre les intérêts du peuple pour former des listes communes. L’on comprends donc pourquoi les taux de participation au deuxième tour frôlent l’ineffable parce que les électeurs se rendent compte que ce ne sont nullement les électeurs qui comptent vraiment.
Pour réussir leurs tours de force, les candidats sont prêts à s’allier au diable. Pourvu qu’ils siègent à l’hémicycle ! L’on comprend en ce moment que les députés maliens ne sont pas élus sur la base d’un projet politique mais de manipulations de consciences au moyen de promesses pompeuses de campagnes qui sont de nature à faire dormir débout. Dans ces conditions, la moralisation desdites campagnes devient un crime, une peste nocive aux dépens du peuple. Le constat chez nous se présente comme il suit:
– L’achat des consciences et le vote par défaut débouchent inévitablement sur la formation à l’Assemblée d’une majorité vraiment superflue. Les députés élus par le truchement d’alliances bigarrées ne peuvent servir la cause des intérêts populaires. Cela s’entend lorsqu’on sait que ces députés sont de facto liés par la loyauté au parti et donc au gouvernement dont ils dépendent. Quel rôle peuvent vraiment jouer les députés élus sur la base des alliances contre nature si ce n’est que celui de porte-porte à peine voilé du gouvernement ! De tels députés sont incapables de défendre les intérêts fondamentaux des électeurs et donc du peuple.
Dire donc que de tels députés peuvent être les intermédiaires responsables entre les populations mandantes et l’administration, c’est tout simplement se muer en marchand d’illusions ou jouer à l’aveugle. Si tout cela devait s’ajouter au caractère monocaméral de notre Assemblée, il n’y a pas de quoi compter sur ces députés quant à la défense des intérêts fondamentaux de la nation malienne. Alors, face à une telle configuration politique, il n’est pas exagéré de dire que la démocratie électoraliste malienne ne peut redonner confiance à notre peuple quant à des lendemains meilleurs. En lieu et place donc de l’espoir, c’est bien le désespoir qui s’empare du peuple. La conséquence prévisible d’une telle situation c’est, dans le pire des cas, une révolte et dans le meilleur des cas une révolution sociale. C’est dans ce contexte qu’il convient de rappeler le sieur américain Robert Mac Namara.
Il disait à juste titre: «Des réformes politiques sont nécessaires. Ce n’est pas chose facile à accepter, mais si la répartition des terres, des revenus et des possibilités est dénaturée au point de provoquer le désespoir, les dirigeants politiques doivent choisir entre la réforme sociale ou une révolte sociale.»
C’est, en tout cas peu dire que d’affirmer qu’un fossé profond s’est creusé de la chute de Moussa Traoré à nos jours, entre le peuple malien et les politiciens qui se réclament de lui et s’expriment à son nom. Le multipartisme intégral est tombé plus bas que le parti unique de Moussa Traoré qui, par son apatride coup d’État du 19 novembre 1968 contre le régime nationaliste de Modibo Keïta. Celui-ci avait engagé notre pays sur la voie de l’indépendance économique, politique et culturelle de notre peuple en vue de la reconquête de la dignité perdue. Aujourd’hui, bien de Maliens ont fait de la politique le créneau du gain facile mais surtout malveillant et malhonnête à tel point que ne pas faire aujourd’hui cette politique politicienne, c’est décider de rester à jamais misérable.
En tout état de cause, la vie honnête est aujourd’hui perçue comme la conséquence évidente d’une malédiction divine. Et ceux qui ne font ni de la politique à la malienne, ni ne s’adonnent aux affaires frauduleuses compradores sont condamnées à mourir dans le dénuement complet. Cela est aujourd’hui évident qu’au Mali ceux qui travaillent bien n’ont rien et ceux qui ne font rien ont tout ce dont ils ont besoin pour se construire leur paradis terrestre.
Au regard des alliances bigarrées qui ont marqué le second tour des législatives du 19 avril 2020, il n’est pas judicieux de s’attendre à plus grand exploit de la nouvelle Assemblée nationale. Sauf, surprise agréable ! En tout cas, le peuple malien n’a pas sacrifié ses filles et fils lors des tragiques événements de 1991 pour ensuite voir ses intérêts fondamentaux foulés au pied par des démocrates véreux et hypocrites.
Mais le président Modibo Keïta avait averti en ces termes: «Lorsque les propriétaires deviennent des observateurs, c’est le festival des brigands.»
Aujourd’hui, il faut de profondes réformes politiques, économiques, sociales et culturelles si l’on veut sauver le Mali du naufrage !