Au lendemain de la chute de Moussa Traoré en 1991, les libertés publiques ont été rétablies par le Comité de transition pour le salut du peuple, dirigé par le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré, sous l’égide duquel sont organisées les premières élections libres du Mali indépendant. C’est ce même Amadou Toumani Touré qui a été renversé le 22 Mars 2012 par une junte dirigée par un jeune officier, le capitaine Amadou Haya Sanogo.
Le 11 août 2013, le Mali a montré et démontré au monde entier qu’il reste un grand pays démocratique, en dépit des insuffisances inhérentes à ce processus que des pays comme les Etats-Unis ou la France ont mis plusieurs siècles à construire.
Depuis 18 mois, le pays était empêtré dans une crise politico-militaire aux dimensions énormes, attisée par des circonstances souvent exogènes. C’est finalement l’organisation d’une nouvelle élection présidentielle transparente et ouverte qui a permis de revenir à une situation normale. Depuis lundi soir donc, le pays semble respirer un air nouveau, avec la victoire annoncée d’Ibrahim Boubacar Keïta au suffrage universel direct, félicité par son adversaire, Soumaïla Cissé, bien avant la proclamation des résultats officiels par le Conseil constitutionnel.
Au fond, les Maliens ont compris que personne d’autre ne bâtira cette nation à leur place. Cette construction commence par le choix d’un président et d’un gouvernement responsable qui incarnent les légitimes préoccupations du peuple. Conscients de la gravité de la situation du pays, les Maliens sont sortis en masse le dimanche 28 juillet pour voter au premier tour de scrutin. Une manière pour eux de répondre à ceux qui jugeaient prématurée l’organisation d’une élection présidentielle.
Les propos prémonitoires du président intérimaire Dioncounda Traoré, qui avait qualifié le scrutin de « meilleure élection » dans l’histoire du pays, viennent d’être confirmés par ce beau geste démocratique que les deux candidats ont montré au peuple malien et au monde avec le déplacement de Soumaïla Cissé au domicile de son adversaire pour le féliciter.
Aujourd’hui Ibrahim Boubacar Keïta va prendre les commandes d’un pays pour continuer à écrire son histoire au cours des cinq prochaines années. Mais une histoire qui sera sans doute la plus attendue et la plus suivie dans ce pays millénaire.
Avec la question du Nord du pays, un dossier qu’il connaît depuis son passage à la Primature, IBK va devoir affronter d’autres réalités, celles auxquelles avait été confronté le Président Alpha Oumar Konaré à partir de 1991. Cette fois-ci, Amadou Toumani Touré n’aura pas le temps de dire a IBK : « Il faut être fou pour diriger ce pays ». Mais cela reste un grand défi pour le nouveau président.
L’un des enseignements du scrutin du 28 juillet et du 11août 2013 est que le Président de la République ne pourra plus faire ce qu’il veut dans la gestion du pays, et des conflits, etc. Les Maliens ont appris à remettre leurs dirigeants à leur place en cas de risque de dérapages. En cela, le projet politique de IBK sera particulièrement surveillé dans sa mise en œuvre lors du quinquennat.
Avec cette présidentielle globalement satisfaisante au regard des difficultés qu’il fallait surmonter, le Mali a commencé à relever le défi de sa souveraineté nationale après avoir stoppé l’hémorragie d’une guerre et la déliquescence de sa classe politique, deux phénomènes qui ont affaibli les institutions républicaines.
Cela nous amène à rappeler les propos de Cheikh Tidiane Gadio, ancien ministre des Affaires étrangères du Sénégal : « dans un pays, nous n’avons pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes capables de contenir n’importe quel désir humain de s’adjuger le pouvoir sans passer par les voies clairement indiquées dans les textes ».
Nous prions pour que le nouveau Président puisse relever le défi d’un Mali fort et uni, toujours dans la dynamique d’une union africaine.