PolitiqueAffaire avion présidentiel et équipements militaires : Mahamadou Camara, Soumeylou B. Maiga, BoiréFily Sissoko et Moustapha Ben Barka toujours mouillés…
Contrairement à une idée répandue, et conformément à la volonté exprimée par le Procureur du Pôle Economique et Financier, l’affaire dite de l’achat de l’avion présidentiel et des équipements militaires, qui aura vu même des rappeurs mués en marchands d’armes dans notre pays, est loin d’être un simple éléphant blanc ! Et pour cause : le Procureur du Pôle Economique et Financier de Bamako avait, dans le cadre des procédures se rapportant à ce dossier, interpellé et placé sous mandat de dépôt, le vendredi 27 mars 2020, Mahamadou Camara, ancien ministre et ancien Directeur du Cabinet du Président de la République pour complicité de favoritisme.
Si l’homme a été libéré le 21 avril dernier sur la base d’une ordonnance d’annulation des poursuites à son encontre de la Chambre d’Accusation de la Cour d’appel de Bamako, il n’est cependant pas la seule grosse pointure de l’entourage présidentiel à être inquiété dans cette affaire. En effet, il y a aussi d’autres anciens ministres dont SoumeylouBoubèyeMaiga, le « Tigre » pour ses amis, passé entre temps Premier ministre, aujourd’hui ex – Premier ministre, BoiréFily Sissoko et Moustapha Ben Barka très proche de l’épouse du chef de l’Etat.
En effet, suite à l’interpellation de Mahamadou Camara, le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de la Commune III du District de Bamako, chargé du Pôle Economique et Financier de Bamako, avait produit un communiqué dans lequel on notait : « En Décembre 2019, suivant instructions écrites du Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux, le Parquet a décidé de la réouverture des enquêtes dans l’affaire relative à l’acquisition d’un nouvel aéronef (avion présidentiel) et à la fourniture aux Forces Armées Maliennes d’un important lot de matériels d’Habillement, de Couchage, de Campement et d’Alimentation (HCCA), ainsi que des véhicules et pièces de rechange ; laquelle affaire avait préalablement fait l’objet d’un classement sans suite.
Les investigations complémentaires menées par la Brigade Economique et Financière du Pôle Economique et financier de Bamako ont permis de conforter les graves manquements à l’orthodoxie financière et comptable, relevés par le Bureau du Vérificateur Général, avec des faits de détournements de deniers publics sur fond d’opérations frauduleuses pour un montant de 9 350 120 750 F CFA et de surfacturation par faux et usage de faux pour un montant de 29 311 069 068 F CFA.
Après exploitation des différents documents, le Parquet a requis l’ouverture d’une information judiciaire et un Cabinet d’instruction spécialisée du Pôle Economique et Financier de Bamako a été désigné pour instruire sur les faits de faux en écriture, usage de faux et complicité de ces faits, de complicité d’atteintes aux biens publics par usage de faux et autres malversations et de complicité de favoritisme contre les nommés Sidi Mohamed KAGNASSY, Amadou KOUMA, Nouhoum KOUMA, Soumaila DIABY, Mahamadou CAMARA et Marc GAFFAJOLI.
Par ailleurs, en raison de graves présomptions de faits de faux en écriture, usage de faux, atteinte aux biens publics, corruption et délit de favoritisme, qui ont pu être relevés à l’encontre des nommés SoumeylouBoubèye MAIGA, Mme BouaréFily SISSOKO et Moustapha BEN BARKA, qui étaient tous Ministres au moment des faits, le Parquet a procédé à la transmission des éléments d’enquêtes au Procureur Général de la Cour Suprême pour saisine de l’Assemblée Nationale, conformément aux dispositions pertinentes des articles 613 du code de procédure pénale et 15 de la loi portant composition, organisation et fonctionnement de la Haute Cour de Justice… ». En des termes plus clairs, c’est désormais à cette dernière de prendre le relais dans ce dossier aux fins de jugement des mis en cause, dont le plus en vu est l’ex-PM Soumeylou B. Maiga.L’étau se resserre-t-il sur l’ancien Premier ministre ?
En tout cas, il va bien lui falloir plus qu’une simple gymnastique intellectuelle pour opposer des arguments plus solides à ceux du bureau du Procureur anti-corruption, et éventuellement pour convaincre ses juges de la Haute Cour de Justice. On se souvient en effet que dans un mémorandum en défense, l’ancien Premier ministre SoumeylouBoubèyeMaiga, avait remis en cause le rapport même du Vérificateur Général, qu’il trouve d’ailleurs « pas qualifié » pour toucher au dossier de l’achat de l’avion présidentiel et des équipements militaires, puisque frappé du sceau de la confidentialité pour secret défense !
Aussi mettait-il en avant le mandat donné, le 5 novembre 2013, par le Président de la République, Chef Suprême des Armées, à un intermédiaire qui était disposé à mobiliser le financement nécessaire à l’acquisition des besoins de l’Etat et procéder au règlement des fournisseurs à la livraison, tout en acceptant, sur la base d’une convention, d’être payé sur une durée de deux ans avec un différé d’un an.
«Je voudrai d’abord relever qu’il y a une question préjudicielle fondamentale : au regard des dispositions du CMP, du Code Pénal et de la Loi organisant le BVG, le Vérificateur Général ne pouvait mener cette mission. Il n’a pas l’attribution d’interpréter des dispositions législatives, surtout quand celles-ci sont «obscures» ou «imprécises». Cette mission relève de la Chambre Consultative de la Section Administrative de la Cour Suprême. Cette violation de la Loi vicie et corrompt tout son rapport, lequel est fait par une structure qui n’en a pas la compétence légale. Or en droit, lorsque la compétence est violée, le fond ne peut être validé… », avait-il laissé entendre, à l’époque, en guise de conclusion !
Ces mêmes arguments vont-ils suffire pour disculper Soumeylou B. Maiga et ses anciens collègues ministres dans ce dossier ? Les regards sont désormais tournés, en tout cas pour ce qui les concerne, vers le Procureur de la Cour Suprême, chargé de saisir l’Assemblée Nationale pour saisine de la Haute Cour de Justice.
A noter que d’autres dossiers impliquant l’ex-PM d’IBK, notamment celui relatif aux « avions cloués au sol », suivent normalement leurs cours au niveau du Pôle Economique et Financier. De hauts gradés de l’armée, sur autorisation du ministre de la Défense et des Anciens combattants, le Général de Division Ibrahima Dahirou Dembélé, ont déjà été entendus dans ce dossier par le Pôle Economique.