Cette semaine nous devrions avoir comme héros de la rubrique ” Que sont-ils devenus ?”, Ousmane Guindo, ex international du Stade malien de Bamako dans les années 1979-1980. Il nous dirigea vers Moctar Sidibé, ancien gardien de but du Djoliba et des Aigles. Ceux qui connaissent Guindo témoigneront qu’il a carrément viré dans la religion. Donc, l’avoir en ce mois de carême, n’était pas un exercice facile. En composant le numéro de Moctar Sidibé, nous étions dans l’expectative d’entendre la voix d’un homme que nous avons connu au Stade Mamadou Konaté, lors des entrainements des Rouges de Bamako. C’est son épouse qui décrocha notre appel, pour nous informer que son mari se reposait. D’ailleurs il est très malade, ajoute-t-elle. Néanmoins, nous prenons un rendez-vous pour l’après-midi après avoir expliqué les motifs à Mme Sidibé, et surtout, le sens de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”. Arrivés dans la famille Sidibé aux environs de 16 heures, Moctar Sidibé, son épouse et leurs enfants nous accueillent chaleureusement, nous installent dans le salon et, tous assistent à l’entretien. Premier constat après les salutations d’usage : Moctar Sidibé a perdu la vue à cause de la tension. Deuxième constat : l’homme est malade, son état physique le démontre. Assis à côté de lui, nous lui posions la question de savoir de quoi il souffre ? Voici sa réponse : ” Vous constatez que j’ai perdu la vue à cause des effets du glaucome. En plus, je souffre des problèmes gastriques qui me fatiguent énormément. Aujourd’hui, mon seul soutien est Yacouba Diarra dit Yacou Pelé du Stade malien de Bamako. Seul le bon Dieu peut le récompenser, pour tout ce qu’il continue de faire pour moi.” Très humblement nous appelons au sens social de toutes les personnes de bonne volonté, notamment le président de l’UNAFOM, les acteurs du football dont Makan Kéïta dit Lebry est l’un des administrateurs sur les réseaux sociaux, afin qu’ils viennent en aide à l’ancien joueur du Djoliba, Moctar Sidibé. Déjà, Abdrahamane Kaba Diakité dit Pagala, un ancien joueur du Djoliba AC, très actif sur les réseaux sociaux pour la défense des intérêts du football malien et des anciens joueurs, s’est manifesté. Quand nous l’avons informé de la situation, afin qu’il en parle aux différentes associations des sportifs, il était très ému. D’emblée, il nous envoya cinquante mille (50 000) F CFA, comme contribution personnelle. En recevant cette aide, l’ancien gardien du Djoliba était aux bords des larmes. Nous n’en dirons pas plus, sauf que donner le numéro de téléphone de Moctar Sidibé qui est le : 78 86 27 02.
Après ce cri de cœur émouvant et pathétique, nous abordons maintenant la phase carrière du joueur. Qui est Moctar Sidibé ? Comment s’est-il retrouvé à Bamako pour être une icône du football malien ? Quelles furent les conséquences de la chute de Tiécoro Bagayoko sur sa vie ? Comment vit-il aujourd’hui ? Autant de sujets que nous avons discutés avec lui, dans une atmosphère parfois perturbée par l’émotion.
é en 1948 à Sikasso, Moctar Sidibé était dans sa jeunesse un avant-centre, non seulement avec l’équipe de l’école, mais aussi avec le Stade malien de Sikasso. Rien ne le prédestinait à la garde des buts, poste auquel nous l’avons connu et approché entre 1980 et 1982 au Stade Mamadou Konaté, terrain d’entrainement du Djoliba AC à l’époque.
Avant-centre de métier dans les compétitions inter scolaires, et au Stade malien local, il décida, sous le coup de la déception, de changer de poste.
Mandat de recherche contre le chauffeur
En 1971, lors d’un match de ligue entre son club et l’AS Babemba, le gardien du Stade commit une bévue qui déboucha sur une défaite. Choqué par cette bourde, Moctar Sidibé manifesta sa volonté de garder désormais les buts du Stade malien de Sikasso. L’encadrement technique qui au début n’a rien épargné pour le décourager, finira par le laisser dans sa logique. Un mois après à Kayes, il crée la sensation. Le correspondant régional de Radio Mali a usé de tous les bons qualificatifs pour commenter ses prouesses. Cette rencontre considérée comme son baptême de feu le propulsa au-devant de la scène dans la région de Sikasso. Paradoxalement Moctar Sidibé, lui-même n’accordait pas trop d’importance à son talent de gardien, dont les clubs de Bamako chercheront plus tard à le débaucher.
Chauffeur de son état, il continua son emploi, tout en se donnant plus de temps pour s’entrainer. Parce qu’il s’est dit que la garde des buts est un nouveau challenge, un défi à relever au prix du maximum d’efforts.
En 1974, un dirigeant de l’AS Réal à Sikasso lui fait une proposition intéressante : jouer la coupe Corpo assorti d’une embauche à la Société Malienne d’Importation et d’Exportation (SOMIEX), et son transfert au Réal. S’il a apprécié cette opportunité, la psychose du portier réaliste Seydou Traoré dit Guatigui l’intriguait. Néanmoins, il donna son accord et s’en va en Côte d’Ivoire pour décharger son camion. Au cours de ce voyage, il est convoqué à Sikasso, arrêté et envoyé à Bamako. Pourquoi ? Moctar Sidibé l’explique : “J’ai profité de mon séjour à Abidjan, pour m’entrainer et livrer deux matches amicaux avec l’ASEC Mimosa. C’est par la suite que mon grand frère par le canal de mon patron m’informa que je suis recherché, et qu’il fallait que je rentre à Sikasso. Cela m’a beaucoup effrayé, parce que je ne sais pas ce qu’un simple chauffeur peut commettre comme crime. A mon arrivée, mon frère me conduit au Commissariat ; de là je me retrouve devant le gouverneur. Celui-ci me dit que c’est Tiécoro Bagayoko qui les a chargés de me dénicher, parce qu’à travers un journal ivoirien, il a appris que je dois signer à l’ASEC. Or, je pouvais être utile pour le Mali. Le gouverneur me donna le transport pour Bamako. Je joue la coupe Corpo.
Tiécoro, après avoir appris que j’ai été contacté, n’a pas voulu que j’aille au Djoliba. Il me conseilla de le voir pour tout ce dont j’aurai besoin.”
Sa belle performance à la coupe Corpo changea les données. Le vieux Mody Sylla n’a pas attendu la fin de la compétition pour le convaincre de jouer au Stade malien de Bamako. Il signa sa licence la même année, et quelques mois après il est sélectionné en équipe nationale pour un match des éliminatoires de la CAN de 1976, contre le Ghana à Bamako.
En 1977, il rejoint le Djoliba à la suite d’un incident, consécutif à son entrevue avec Tiécoro Bagayoko. Moctar Sidibé soutient que ce jour, il revenait de la pharmacie quand il a croisé l’homme fort du CMLN qui lui a remis cinquante mille (50 000) F gracieusement. Ce geste a été rapporté et mal interprété au terrain d’entrainement du Stade. Ce qui conduit à sa disgrâce et précipite son départ de l’équipe. Après sa lune de miel, force est de reconnaitre que Moctar Sidibé ne s’est jamais découragé à un moment où l’encadrement technique l’a relegué au second plan au profit de Sory Kourouma. Les différents entraineurs de l’équipe nationale, convaincus de ses qualités, l’ont toujours sélectionné jusqu’à sa retraite en 1982.
Au Djoliba, il remporta quatre coupes du Mali (1977, 1978, 1979, 1981) et deux titres de champion (1979, 1982).
Vie et carrière gâchées !
Comme bon nombre de ses camarades, Moctar Sidibé est formel que le football malien ne lui a pas rapporté quelque chose de concret sur le plan matériel et financier.
Logé chez Tiécoro Bagayoko, qui l’entretenait, il ne se plaignait pas trop au Djoliba. C’est surtout la chute de Diango qui le déboussola. Ce 28 février 1978, informé au terrain qu’il n’y aura pas d’entrainement, il aura la surprise désagréable d’apprendre que tous ses biens ont volé en éclat, le domicile de Tiécoro ayant été saccagé par les manifestants.
L’ancien gardien du Djoliba et de l’équipe nationale dit avoir tout perdu, hormis la tenue qu’il portait. Le même jour, Karounga Kéïta “Kéké”, alors entraîneur du Djoliba AC, lui réconforte le moral et l’héberge. Selon lui, ces moments obscurs de sa carrière lui cassent parfois le moral, parce qu’il était bien parti avec le Djoliba, et le soutien de Tiécoro lui garantissait tout : un emploi, un terrain à usage d’habitation etc.
Pour la circonstance, il a pu avoir une audience avec le président Moussa Traoré, par le truchement d’un frère qui était membre de la garde rapprochée de GMT. Celui-ci, après l’avoir écouté, a promis de faire quelque chose pour lui. Malheureusement, les choses en sont restées là jusqu’aujourd’hui.
C’est seulement après sa retraite footballistique que Moctar Sidibé a pu décrocher un emploi à l’ambassade du Canada au Mali. Il vit actuellement dans la précarité, mais bénéficie au moins d’une pension pour juste survivre.
Avec son état de santé dégradé, nous avons évité de parler de ses mauvais souvenirs. Pour retenir ses bons souvenirs, il se rappelle de sa première sélection en équipe nationale, l’ambiance au Djoliba, son match décisif à Kayes en 1971.