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Chronique : COVID-19, le cortège de la résilience
Publié le lundi 18 mai 2020  |  L’aube
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« Dieu a donné une sœur au souvenir et l’a appelée espérance ». (Michel-Ange)
Insensiblement, l’humanité sort progressivement de l’œil du cyclone créé par la maladie à coronavirus. Les premiers pays, les pays touchés brisent le cercle du confinement avec la timidité des pas d’un enfant qui apprend à marcher. Petit à petit, avec la discrétion qui sied à la psychose ambiante, l’on sort del’ombre. Non pas par espritde défiance mais, parce qu’au fil du temps et de l’expérience, la pandémie provoque moins d’inconnues dans l’esprit scientifique et moins de frayeur dans l’opinion populaire.



A force de nous fréquenter,nous infligeant les pertes humaines et les ravages multiformes que l’on sait, le COVID-19, même s’il conserve encore ses secrets, s’est fait davantage connaître et l’inventivité de nos scientifiques et autres créateurs va avoir raison de la peur. Des médicaments commencent à être proposés et des annonces de vaccin sont de plus en plus à l’ordre du jour.Qui plus est, les technologies sont mises à contribution pour appuyer le travail des chercheurs et des médecins. Toutes choses qui nous éloignent de la panique du début.

Ce qu’il est encore difficile de nommer décrue, sans être taxé d’optimiste excessif, reste pourtant source d’espoir et l’on voit en pointillé le début de la fin. Sans tapage inutile, la science cerne les contours du mal avec l’apparition de certains remèdes à valider et à diffuser à l’échelle planétaire à la dimension de la pandémie. Des annonces de vaccins sont faites à un rythme régulier estompant la terreur au sein de populations armées des mesures barrières et du masque pour tenir à distance le COVID-19 et même vivre avec lui.

Dans le mental des malades, des guéris et des épargnés, être testé positif n’est plus synonyme de pestiféré. Le dire n’entraine aucune stigmatisation ni culpabilité. Il ne s’agit donc pas, dans l’acception populaire, d’une maladie honteuse, comme le furent d’autres en d’autres temps pas si lointains. Nous sommes donc témoins d’un progrès au niveau de l’approche psychologique du coronavirus.

Peu d’époques, avant la nôtre, auront accueilli tant de douleurs et de malheurs en un laps de temps aussi court, à une échelle aussi large que la planète terre. La grande peste du 14è siècle et la grippe espagnole d’il y a cent deux ans ont eu avec elles la durée et ont frappé une période qui n’avait pas autant d’atouts techniques ni de telles connaissances scientifiques. Cette hécatombe ignorant la région, la religion, le sexe, la richesse, l’extraction sociale ou le pouvoir sonne le glas des égoïsmes nationaux. Elle met en relief, par le tragique et l’épreuve, la nécessaire solidarité que l’on considérait, jusqu’à récemment, comme un concept manipulé par des pauvres tendant une sébile où l’on déversait aides, subventions compassion ainsi que mépris et condescendance.



Tout voir et faire autrement



En raison de cette décrue, légère il est vrai mais encourageante, il faut se préparer à rejoindre le cortège de la résilience en voie de constitution pour vivre l’après-pandémie et affronter le temps d’après. Pour dure qu’elle soit, la crise actuelle ne saurait nous faire oublier que l’avenir s’écrit aujourd’hui dans cette douleur sans nom qui s’est imposée à nous au cours des six derniers mois.

Le temps d’après, c’est celui où la résilience se substitue à la résignation. C’est le résultat de notre manière de supporter les contraintes d’hier en nous préparant à les dominer pour mieux les adapter à la vie de demain. Nous devons nous armer du passé pour affronter l’avenir. Il s’impose à nousde tout voir et de tout faire autrement, comme nous l’avons prouvé dans l’épreuve. Il y aura désormais, dans notre façon d’être et de nous conduire, un avant et un après COVID-19.



L’avantage d’une crise est d’offrir la possibilité de réorienter ses conceptions et ses acceptions de la vie après le choc. La vie sociale, politique, culturelle et économique doit être abordée différemment aussi bien au niveau individuel qu’au plan collectif. Cela dit, il faudra une période de transition vers une nouvelle façon de vivre. Il s’agit du moment de la rupture psychologique et sanitaire avec le virus que nous soupçonnons encore d’être niché derrière le mal de tête le plus anodin ou la plus petite quinte detoux.

Le bouleversement des habitudes a développé des réflexes de résilience et nous a prémunis de l’effondrement humain tant redouté. Cette flexibilité nous a aidés à vivre avec le virus tout en essayant d’en percer les mystères et les faiblesses. Il faut se persuader que le passage au temps d’après obéit à des étapes plus longues et même plus contraignantes que l’adoption des mesures barrières et l’instauration des restrictions administratives. C’est un combat au long cours. Il faut s’y résoudre.

La fin d’une sédentarisation longue et forcée approche, même si c’est à pas feutrés. Elle annonce aussi le début des comptes du confinement et plus généralement de la pandémie. Le premier solde positif est la préservation des vies humaines. Notre savoir a plié mais n’a pas rompu. On mesure à cette prouesse l’hommage dû à ceux que le COVID-19 a emportés comme agneaux sacrificiels pour que l’espèce humaine ne sombrât pas entièrement et pût demeurer éternelle. En plus de l’énorme coût humain, il y aura aussi les frais économiques, financiers, sociaux, culturels, cultuels, psychologiques et autres entrainés par la maladie. Les principales activités de production qui huilent notre quotidien, nos pratiquesplusieurs fois centenaires ainsi que les structures génératrices de revenus ont été mises à l’arrêt.

Nous, citoyens modernes du 21è siècle, avions tendance à prendre les fusées comme des instruments domestiques. Au même titre, la santé, les congés payés, la liberté d’aller et de venir, les voitures, les trains et les avions étaient considérés comme des acquis indéboulonnables de notre vie au jour le jour.Le COVID-19 nous a administré la preuve du contraire.

Face à la nouvelle réalité, il faut de nouveaux comportements avec l’adaptation de nos réactions et des mesures futures à la familiarisation que nous avons de la pandémie. C’est sur cette base que la résilience sera collée au réel au lieu de ne représenter qu’un cataloguede vœux pieux etde résolutions utopiques. Il ne fautpas se faire d’illusion, monter dans le cortège de la résilience n’est pas renouer immédiatement avec la vie d’avant. Faut-il d’ailleurs renouer avec la vie d’avant ? Nous avons découvert, à défaut de les avoir inventées, de nouvelles façons de vivre etde faire qu’il faut considérer avec intérêt pour vivre autrement et surtout mieux.



Urgences sanitaires et préoccupations économiques



Dans le temps d’après, il nous faudra aussi apprendre un nouvel environnement professionnel, un nouvel espace de loisirs, donc une nouvelle manière de nous regrouper et d’être ensemble et surtout de ne pas être ensemble avec le masque qui fera encore longtemps partie des éléments de notre uniforme ou devenir un supplément vestimentaire comme le manteau en hiver ou l’imperméable pour protéger de la pluie.

La résilience est l’ambition de faire coïncider les nobles urgences sanitaires avec les légitimes préoccupations économiques. Elles sont intimement liées et ne doivent pas nous imposer le dilemme cornélien consistant à devoir choisir entre l’être et l’avoir. La santé sans soutien financier est précarité. La richesse sans santé est stérilité. C’est cette conviction qui guide les défenseurs du déconfinement actuellement en cours avec le tact et la prudence qu’impose un monde en devenir.

La résilience suppose le renversement de la place secondaire accordée à la santé qui, pourtant, passe avant la vie économique, la vie sociale et même la vie politique comme on l’a vu dans certaines grandes démocraties qui ont bousculé leur calendrier républicain et même accepté des compromis idéologiques pour s’ajuster à la crise.

Longtemps négligé, le secteur sanitaire nous rattrape en imposant son importance. Il nous contraint à distraire tous les fonds qui lui avaient été refusés dans les arbitrages budgétaires au profit de l’acquisition de masques et de respirateurs ainsi que de matériels destinés à stopper la propagation de la pandémie. Une vision politique lucide eût évité ce qui ressemble fort à un colmatage de brèches trahissant une improvisation etunsauve-qui peut dans la gouvernance.

Si nos partenaires nous ont sommés de ne consacrer que la portion congrue à ce qui garantit la vie tout court, changeons de partenaires. Leurs fourches caudines sont à rebours de notre besoin de survie et de vie. La course contre la montre engagée au niveau mondial pour l’obtention de masques et l’achat de respirateurs a situé le niveau d’indigence d’un secteur aussi vital que tout nous impose de réhabiliter. Quelle ironie que de voir l’importance unique de la vie au moment d’être au bord de la mort !



Priorité à la vie tout court



La grande leçon face au COVID-19, c’est l’instinct grégaire qui a donné la priorité à la vietout court. Elle s’est imposée et a, en même temps, mis à nu notre insouciance d’hier dans la protection de cette même vie. Des centres de santé à l’abandon, des hôpitaux-mouroirs mal pourvus en ressources techniques, humaines et financières. Des structures insalubres d’où les patients venus espérer la guérison ressortent avec de nouvelles maladies.

Répétons-le. Le COVID 19 ne nous aura pas entièrement vaincus si, à l’heure d’embarquer dans le cortège de la résilience, il permet de revoir à leur juste valeur les budgets squelettiques de santé que nous tentons de renflouer par des appels pathétiques aux contributions volontaires et à l’aide internationale. Cet élan désespéré montre que nous avions oublié d’assurer notre bien-être physique, moral et mental. La santé ne doit pas être vue comme une urgence permanente ni comme un secteur à gérer dans l’improvisation et la précipitation, comme l’a fait notre monde. Même avec le prétexte fallacieux de l’irruption de l’imprévu que des dirigeants visionnaires auraient dû prévoir.

Ne nous trompons pas de bataille. Les rituels de la vie quotidienne ne vont pas revenir immédiatement et il faut se garder de considérer le temps d’après juste comme la fin d’une douloureuse parenthèse favorisant le retour au laxisme à cause duquel notre vigilance a été prise en défaut avec l’explosion mondiale de la pandémie.

Au-delà de la victoire contre une pandémie, le combat contre le COVID-19 doit aller plus loin et avoir comme finalité de nous aider à inventer une autre manière de voir notre monde et notre mode de fonctionnement. Ce n’est pas de l’angélisme.

La remise en cause qu’a subie notre planète autorise l’amorce d’un nouveau départ. L’humilité retrouvée peut devenir salutaire si elle nous ouvre les yeux sur la hiérarchie à établir entre nos priorités. La crise actuelle ne doit pas obstruer les chemins de l’avenir. Hier doit donner naissance à des lendemains meilleurs. Comme l’a dit le génie italien Michel-Ange : « Dieu a donné une sœur au souvenir et l’a appelée espérance ».

Hamadoun TOURE

Journaliste
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