Les groupes djihadistes présents en Afrique de l'Ouest gagnent de l'influence dans la région du nord-ouest du Nigeria, qui pourrait devenir un «pont» entre les différents mouvements entre le Sahel et la région du lac Tchad, a mis en garde International Crisis Group (ICG) lundi. En plus de la présence djihadiste, le nord-ouest du Nigeria est le foyer depuis de nombreuses années de groupes criminels qui terrorisent les populations, commettent des attaques contre les civils pour voler le bétail ou les terres.
Ces violences ont causé la mort de quelque 8.000 personnes depuis 2011 et ont déplacé plus de 200.000 civils, selon les estimations des chercheurs d'ICG, ONG spécialisée dans les questions de sécurité basé à Bruxelles.
Ces groupes armés, communément appelés «les bandits» au Nigeria, sont particulièrement violents mais n'agissaient jusqu'à présent sous aucune influence idéologique. «Au fur et à mesure que la situation sécuritaire s'est détériorée, la région est tombée sous l'influence des groupes djihadistes, qui ont également commis quelques attaques sur les forces de sécurité dans la région», peut-on lire dans le nouveau rapport d'ICG sur les violences dans le nord-ouest du Nigeria.
«L'augmentation de l'activité des groupes djihadistes dans cette zone peut faire craindre que cette région ne devienne un pont entre les insurgés situés dans le Sahel (Mali, Burkina Faso, Niger vosin) et la région du lac Tchad, dans le nord-est du Nigeria», est-il indiqué. Le nord-est du Nigeria (Etats du Borno et de Yobe) est ravagé par dix ans de conflit contre le groupe djihadiste Boko Haram, qui a fait plus de 36.000 morts et des millions de déplacés. Des pans entiers de territoire nigérian sont encore aux mains des groupes djihadistes, et l'armée souffre d'attaques constantes contre ses positions. «Deux groupes émanant de Boko Haram s'imposent dans la région, tracent des voies de relai, entre l'est et l'ouest en tissant des liens importants avec les populations locales, les groupes armés d'éleveurs nomades et les gangs criminels», implantés dans cette région carrefour du Sahel, note le rapport.
L'une de ces factions, Ansaru, liée à Al-Quaïda et qui a fait scission de Boko Haram en 2012, était pendant de nombreuses années plus ou moins dormante, après une intervention militaire massive. L'autre faction, le groupe Etat Islamique en Afrique de l'Ouest (Iswap), a été adoubé par l'EI en 2016, et mène de nombreuses attaques dans le nord-est, notamment contre les forces militaires ou le personnel humanitaire. Ces deux groupes semblent vouloir étendre leur zone d'influence en envoyant des imams et des vivres dans le nord-ouest (Etats de Zamfara, Kaduna, Sokoto,...) et en revendiquant des attaques dans cette zone.
En février, la police nigériane a annoncé avoir tué plus de 250 combattants d'Ansaru, mais ICG s'inquiète des «frontières peu sécurisées» entre le Niger et le Nigeria, qui «facilitent les trafics d'armes et les mouvements des djihadistes». Le nord-est du Nigeria est l'une des dernières régions entre le nord du Mali jusqu'au lac Tchad qui a pour l'instant échappé à un contrôle des djihadistes, mais, malgré un important déploiement militaire, la zone reste peu sécurisée. Le Nigeria, géant de 200 millions d'habitants, doit faire face à de nombreux conflits et problèmes sécuritaires sur son territoire. Les agences de sécurité et l'armée sont débordées et en nombre insuffisant dans ce vaste territoire aux infrastructures défaillantes.