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Commission bonne gouvernance et justice sociale (CBGJS) : Des obstacles légaux risquent de plomber la lutte contre la corruption au Mali
Publié le mardi 19 mai 2020  |  Mali Tribune
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La Commission bonne Gouvernance et Justice sociale (CBGJS) du Réseau Media et Droits de l’Homme (RMDH) suit avec intérêt, les actions menées par la Justice dans la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite au Mali, notamment à travers le Pôle économique et financier. Des affaires en cours illustrent brillamment cette volonté de lutter contre la corruption et l’enrichissement illicite au Mali, malgré des obstacles. C’est le cas des affaires de l’avion présidentiel et des équipements militaires ; de ristournes des producteurs de coton au niveau de la Confédération des Sociétés Coopératives de Producteurs de Coton ; de contrat d’éclairage de la ville lors du cinquantenaire de l’indépendance du Mali en 2010 ; et bien d’autres…
Des enquêtes ont conduit à la mise sous mandat de dépôt de hauts cadres, révélant à l’opinion nationale et internationale, la ferme détermination de la justice malienne, à résolument lutter contre la corruption et l’enrichissement illicite au Mali, malgré l’insuffisance des moyens juridiques et matériels mis à sa disposition.

La Commission bonne Gouvernance et Justice sociale constate avec enthousiasme et admiration des avancées significatives engrangées, qui contribuent à renforcer la confiance du justiciable en notre justice, condition indispensable pour la restauration de l’autorité de l’Etat démocratique.

La Commission bonne Gouvernance et Justice sociale, au regard des insuffisances constatées (obstacles légaux), invite les pouvoirs publics, à renforcer les moyens juridiques du pôle économique, dans la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite, sans préjudice des droits de la défense, en l’occurrence, la présomption d’innocence, l’immunité, le privilège de juridiction. La CBGJS fait des constats et des propositions :

Nobles droits ou pervers obstacles légaux ?

Les immunités et privilèges de juridiction visent à mettre les bénéficiaires à l’abri de toute pression ou intimidation dans le cadre de leurs mandats ou fonctions, cependant un mauvais usage et l’abus de ces droits peuvent obstruer les actions du Pôle économique et financier, et constituer ainsi, un obstacle légal, qui pourrait entraver la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite. Conjugué avec la présomption d’innocence, les droits d’immunité et de privilège peuvent véritablement faire le lit au déni de justice et véhiculer l’impunité. De nouveaux moyens doivent permettre d’éviter de transformer de nobles dispositions de droit en de perfides subterfuges pour échapper à la justice. Peut-on comprendre autrement la candidature aux élections législatives, d’un détenu contre lequel pèsent d’irréfutables charges ?

Entorse à la démocratie et à la République

La justice étant une fondation essentielle de la démocratie, le cautionnement de la candidature par un parti politique, puis sa validation par la Cour constitutionnelle, d’un détenu, dans les liens de la justice pour des faits qualifiés antérieurs à cette candidature, interpellent le bon sens. Au-delà des subterfuges et arguties juridiques, ils constituent des pratiques incestueuses qui mettent les auteurs (le parti RPM et la Cour constitutionnelle) en rupture avec la démocratie et la République.

Le Mali croule sous le fléau de la corruption et l’enrichissement illicite, qui jettent leurs tentacules sur toutes les activités de gestion des ressources mobilières et immobilières du pays, y compris la gestion des ressources humaines. Il est certainement temps de mettre un frein à l’utilisation abusive et perverse des nobles droits d’immunité et de privilège de juridiction, dans le but d’échapper à la justice, notamment aux procédures judiciaires engagées par le Pôle économique. La justice est rendue au nom du peuple malien et nul n’est au dessus.

Des gens soucieux de leur honneur en arrivent à renoncer à leur immunité pour (mieux préparer leur défense) se mettre à la disposition de la justice. Mais, nous sommes en face d’une pratique à contre-courant de l’histoire, avec la complicité d’aussi importants maillons de la démocratie que sont le parti politique et la Cour constitutionnelle. Il est temps que le peuple malien se réveille et que le justiciable soit un rempart de la justice.

Rétroactivité de l’immunité sur des faits qualifiés antérieurs ?

La Commission bonne Gouvernance et Justice sociale s’interroge sur le bien-fondé de la rétroactivité d’une immunité acquise pour couvrir un élu contre la poursuite d’une procédure concernant des faits qualifiés antérieurs, ayant conduit à un mandat de dépôt bien avant son élection.

Immunité parlementaire VS Justice rendue au nom du peuple souverain

L’élection dans une circonscription électorale, donc par une fraction du peuple, d’un candidat déjà dans les liens de la justice, est-elle de nature à l’y extraire, et à freiner l’action de la justice, qui est rendue au nom du peuple malien ? Même si le candidat devient un élu du peuple, il n’en demeure pas moins qu’il a été élu dans une localité (à la différence du président de la République, qui est élu par tout le peuple). Avec de tels élus à l’Assemblée nationale, comment se jouera le rôle du député relatif au contrôle de l’action gouvernementale ?

Barrer la voie à l’impunité

La Commission bonne Gouvernance et Justice sociale exhorte la Justice malienne, sans préjudice de la présomption d’innocence, à se donner les moyens juridiques nécessaires à la poursuite de la procédure, y compris en interrogeant les instruments internationaux ratifiés par le Mali, relatifs à la bonne gouvernance, à la lutte contre la corruption, l’enrichissement illicite, le détournement de deniers publics, le blanchiment de capitaux, afin que le boulevard, ainsi ouvert à l’impunité, soit une voie sans issue.

Une justice indépendante et crédible nécessite un soutien indéfectible des justiciables

Avoir une justice indépendante et crédible, garante de libertés, de bonne gouvernance dans la gestion des biens publics et la conduite de l’Etat, exige un soutien indéfectible à la justice de la part des justiciables. Ce soutien implique également un devoir de vigilance visant à mettre l’appareil judiciaire à l’abri d’instrumentalisation pour des arrangements à la petite semaine. En effet, les citoyens doivent avoir la certitude qu’ils ne sont pas dupés, bernés et que les décisions de justice sont réellement rendues au nom du peuple malien.

Appel aux hautes Autorités maliennes

La Commission bonne Gouvernance et Justice sociale lance un appel aux pouvoirs publics, aux Hautes Autorités du Mali, à prendre toute la mesure et la portée des actions du Pôle économique et financier, qui ont permis en moins d’une année, de redorer le blason de la justice malienne, de redonner confiance aux Maliens, et de faire en sorte que notre espoir déçu depuis les promesses présidentielles manquées de 2014, d’une année de lutte implacable contre la corruption au Mali, ne soit plus qu’un mauvais souvenir. A rendre plus dynamique la volonté politique affichée de lutter contre la corruption.



Appel aux partenaires techniques et financiers du Mali

La Commission bonne Gouvernance et Justice sociale en appelle à la vigilance des partenaires techniques et financiers du Mali, les exhorte à veiller davantage sur une bonne utilisation des fonds venant de leurs contribuables, à renforcer la lutte contre la corruption, afin que l’aide octroyée au Mali soit plus efficiente et qu’elle ne devienne pas un fardeau pour la postérité.



Appel aux Nations-Unies

La Commission bonne Gouvernance et Justice sociale demande aux Nations-Unies d’élargir le champ d’investigation de la Division des Droits de l’Homme et de la Protection de la Minusma, à la bonne gouvernance, celle-ci étant une condition préalable à la réalisation des droits de l’homme. Il s’agit ainsi d’intégrer la prévention, sachant qu’en l’absence de la bonne gouvernance, les droits de l’homme ne peuvent pas être respectés et protégés durablement.



Recommandations

Ces recommandations s’adressent au gouvernement et à l’Assemblée nationale (initiative législative) ; à la Cour suprême (création de jurisprudence) ; au Pôle économique et aux hautes autorités du Mali (volonté politique) ; à la société civile (soutien manifeste à la justice, défense de l’indépendance de la justice) ; à l’Organisation des Nations-Unies à travers la Minusma.

Introduire dans le code électoral l’irrecevabilité de la candidature d’individu faisant l’objet de poursuites judiciaires ;

Introduire de nouvelles règles (moyens juridiques nécessaires à la poursuite de la procédure) afin d’éviter l’abus des immunités et privilèges de juridiction pour échapper à la justice ;

Rendre non opposable à la poursuite de la procédure déjà enclenchée contre lui, l’immunité acquise par un individu déjà dans les liens de la justice ;

Introduire une requête auprès de la Cour suprême aux fins de prononcer la non-rétroactivité de l’immunité parlementaire concernant tout élu, pour des faits et procédures antérieurs à son élection ;

Rendre plus dynamique la volonté politique des hautes autorités, de lutter contre la corruption ;

Se constituer en rempart, tout justiciable, pour une justice rendue au nom du peuple malien à travers un soutien indéfectible ;

Elargir le champ d’investigation de la Division des Droits de l’Homme et de la Protection de la Minusma, à la bonne gouvernance.



Le Président CBGJS du RMDH

Boukary Daou
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