Il était conducteur de pousse-pousse à Bamako et n’avait jamais imaginé qu’il allait jouer au basket-ball à plus forte raison devenir le premier Malien à évoluer en NBA aux côtés des légendes de la balle au panier, comme feu Kobe Bryant, Shaquille O’Neal, Stephon Marbury, Derek Fisher pour ne citer que ces noms. Dans l’interview
qui suit, Soumaïla Samaké, puisqu’il s’agit de lui, revient sur son long parcours, de N’tentou
Kouroulamini (Bougouni), sa ville natale, à Bamako, en passant par la Slovénie, les états-Unis, la Chine, l’Italie, la Pologne et l’Arabie Saoudite. Avec le franc parler qu’on lui connaît, l’ancien joueur du Stade malien dit tout
sur sa carrière, y compris sa suspension pour dopage, lorsqu’il évoluait avec les Lakers de Los Angeles
L’Essor : Vous avez été le premier Malien à évoluer en NBA, le championnat américain de basket-ball. Racontez-nous comment vous êtes arrivé au pays de l’Oncle Sam ?
Soumaïla Samaké : Je dois dire que j’ai commencé le basket-ball par hasard. Je suis né à Bougouni où j’ai obtenu mon diplôme du DEF (diplôme des études fondamentales). Après le DEF, je suis venu à Bamako en 1994 pour poursuivre mes études. Parallèlement à mes études, j’allais travailler au marché à chaque fois que je n’avais pas cours. La vie était difficile, il me fallait travailler pour pouvoir gagner un peu d’argent. Mon travail, vous allez peut-être en rire (sourire, ndlr) consistait à pousser les chariots, communément appelés «pousse-pousse».
C’est comme ça que je gagnais ma vie. Un matin, alors que je partais à l’école, un Monsieur m’a appelé pour me demander si j’étais intéressé par le basket-ball. Je mesurais 2,15 mètres et partout où je passais, les gens me regardaient et s’étonnaient de ma taille. Pour revenir au Monsieur qui m’a demandé si je voulais faire du basket-ball, il m’a donné rendez-vous, avant de m’amener chez le coach Boubacar Diallo que tout le monde appelait par le sobriquet Sy.
Il s’agit de l’actuel entraîneur de la sélection nationale féminine junior. J’ai joué au Stade malien, avant d’être sélectionné en équipe nationale junior, puis chez les seniors. Ensuite, je suis allé poursuivre ma carrière aux états-Unis. Voilà résumer brièvement comment j’ai fait mon entrée dans le monde du basket-ball avec coach Sy, comme premier formateur.
Depuis sa retraite, Soumaïla Samaké travaille dans une société de transport comme chauffeur de gros camions
L’Essor : Parlons de votre parcours du Mali jusqu’aux états-Unis. Autrement dit, après votre rencontre avec coach Sy, que s’est-il passé ?
Soumaïla Samaké : Mon parcours est très long. Il a commencé ici au Mali, précisément au Stade malien. En 1996, alors que je jouais au Stade malien, j’ai fait la connaissance d’un autre homme, feu Abraham Telly qui était membre de l’équipe stadiste. Il s’occupait des jeunes du club et je peux dire que c’est grâce à lui que j’ai été sélectionné en équipe nationale des moins de 20 ans pour un tournois amical en France. Lors de ce tournoi en France, auquel a participé la Slovénie, j’ai été approché par l’entraineur de ce pays. à notre retour à Bamako, le technicien slovène m’a envoyé un contrat et un billet d’avion pour rejoindre l’équipe junior de son club en Slovénie.
Très honnêtement, je n’avais pas un grand niveau, mais ma taille était un grand atout. J’ai passé 3 ans en Slovénie et cela m’a permis d’améliorer considérablement mon niveau. Je peux même dire que c’est en Slovénie que j’appris les fondamentaux du basket de haut niveau. En 1999, alors que j’étais en Slovénie, j’ai été sélectionné en équipe nationale senior pour la coupe d’Afrique en Angola. Lors de cette compétition, mon ami et coéquipier Saliou Telly avec qui je partageais la chambre et qui jouait dans une équipe universitaire des États-Unis, m’a conseillé de tenter ma chance en NBA.
C’est comme ça que je suis arrivé aux états-Unis, mais quand je suis arrivé là-bas, les règles ne me permettaient pas de jouer au niveau universitaire et je n’étais pas prêt pour être sélectionné pour la NBA. Mais une fois encore, la chance sera de mon côté. Une nouvelle ligue différente de la NBA, venait de démarrer; mon ami Telly m’a mis en contact avec les responsables de cette ligue qui ont accepté de me prendre. C’est ainsi que je me suis retrouvé dans l’équipe de Cincinnati Stuff.
Avec cette formation, j’ai été élu meilleur défenseur de la ligue, ce qui m’a ouvert les portes de la Draft 2000 de la NBA, en tant que 36è sélectionné des New Jersey Nets, l’équipe de l’état du New Jersey.
Pour la petite anecdote, avant mon départ du Mali, un entraîneur avait dit que j’allais être le meilleur pivot en 2000. Il m’appelait même par le sobriquet «le Pivot de l’an 2000». Voilà comment j’ai commencé ma carrière en NBA. Après New Jersey, j’ai porté les couleurs de plusieurs autres équipes de la NBA, dont les Los Angeles Lakers où j’ai eu la chance de jouer avec le duo légendaire Shaquille ONeal-feu Kobe Bryant, deux joueurs exceptionnels qui ont marqué l’histoire du basket mondial. Après les états-Unis, j’ai joué en Italie, en Pologne, en Iran, en Chine, en Jordanie et en Arabie Saoudite.
L’Essor : Pourriez-vous parler un peu de votre passage chez les Lakers ? Comment vous avez été accueillis par feu Kobe Bryant et ses coéquipiers ?
Soumaïla Samaké : Comme dans les autres équipes où j’ai joué, j’ai été très bien accueilli par mes coéquipiers des Lakers. C’est ça la beauté du sport, il permet d’éliminer les barrières religieuses, raciales, économiques, culturelles, de langues, etc. Aux Lakers, c’était vraiment bien, tout le monde était heureux de m’avoir comme coéquipier. L’équipe regorgeait de Noirs Américains qui me disaient qu’ils étaient fiers de voir un Africain à un tel niveau.
Ils me considéraient, selon leur propre expression, comme un enfant de la terre de leurs ancêtres. J’ai passé des moments inoubliables avec les deux stars de l’équipe, Shaquille O’Neal et feu Kobe Bryant. Je me rappelle encore, après ma première séance d’entraînement, j’ai été invité à manger par les deux joueurs et lors de cette rencontre, ils m’ont dit qu’ils sont impressionnés par mes aptitudes techniques. Cela m’a beaucoup marqué et m’a mis en confiance et j’avoue, honnêtement, que je ne m’attendais pas à une telle considération de la part des deux joueurs.
L’Essor : Avez-vous rencontré des difficultés ?
Soumaïla Samaké : Bien sûr. Quand on quitte son pays pour l’étranger, il faut toujours s’attendre à rencontrer des difficultés. Ma première difficulté a été la barrière de la langue qui a commencé depuis la Slovénie où j’ai eu à apprendre le Slovène. Quand je suis arrivé aux États-Unis, il fallait tout de suite apprendre l’anglais et en même temps continuer à jouer au basket. Il y a aussi les barrières ou différences culturelles, je venais de l’autre bout du monde et je devais m’adapter à la culture locale, tout en gardant la mienne pour faciliter mon intégration.
Autrement dit, il fallait tout faire pour ne pas céder à la mauvaise tentation et à l’influence des mauvais aspects de la culture américaine. Je tiens aussi à mentionner une des plus grosses difficultés de ma carrière, à savoir ma suspension pour quelques matches en NBA pour utilisation de produits interdits.
Un incident malheureux qui a écourté mon séjour chez les Lakers.
Le produit en question était un supplément nutritif que mon entraîner physique me donnait pour augmenter mon poids. Par rapport à ma taille et au poids de mes coéquipiers (certains avaient près de 30kg de plus que moi, ndlr) il a estimé que j’avais besoin de quelques kg et me donnait ce produit.
Malheureusement, je ne savais pas que ce produit était interdit. Je n’ai pas honte de le dire, cet incident a ternis mon image et joué sur ma carrière. Je conseille donc à la nouvelle génération de faire beaucoup attention et ne jamais prendre un produit sans poser des questions et prendre des conseils. Je ne souhaite pas que ce qui m’est arrivé, arrive à un autre sportif malien.
L’Essor : Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans votre carrière ?
Soumaïla Samaké : Ce qui m’a le plus marqué dans ma carrière, c’est la rencontre avec des gens comme feu Kobe Bryant, Shaquille ONeal, Stephon Marbury, Phil Jackson, etc. Jamais, je n’imaginais, moi qui poussait les charriots au grand marché pour gagner 25 à 100F cfa, que j’allais un jour rencontrer ces célébrités, à fortiori joué aux côtés de certaines ou prendre le même avion qu’elles. En plus, ces stars du basket-ball mondial m’ont fait confiance et m’ont traité de façon très amicale et fraternelle.
C’est dire que le sport est une bénédiction dont la portée est immense. Il permet aussi de comprendre que nous sommes tous des humains, que ces stars qui sont enviées dans le monde entier, rêvent aussi de rencontrer des personnes modestes comme moi.
L’Essor : Vous êtes dans la vie civile depuis quelques années, que faites-vous depuis votre retraite ?
Soumaïla Samaké : Depuis quelques années maintenant, je travaille dans une société américaine de transport comme chauffeur de gros porteurs. Notre société transporte les marchandises à travers tous les états-Unis, nous allons dans les états.
Personnellement, je peux dire que j’ai parcouru toute l’Amérique. Pourquoi ai-je choisi ce métier ? La réponse est simple : parce que c’est un rêve d’enfance.
Depuis ma tendre enfance, je rêvais de devenir chauffeur de gros porteurs. Quand je voyais les gros camions traverser Bougouni, j’étais émerveillé, surtout par le physique des chauffeurs. J’ai passé plusieurs années sur les parquets, mais je n’ai jamais oublié ce rêve d’enfance.
Mon ambition est de créer une société de transport dans les années. J’y travaille avec un de mes frères-cadets que j’ai fait venir ici pour des études supérieures et qui travaille maintenant dans le domaine de l’investissement au Canada. Nous envisageons de créer une société familiale avec plusieurs camions sur tout le territoire des état Unis et éventuellement au Mali.
L’Essor : Est-ce que ce métier vous permet de mieux vivre ?
Soumaïla Samaké : Oui. Après une longue carrière au cours de laquelle j’ai sillonné le monde entier et jouer au basket, dormir dans les avions, et les hôtels, il est temps de mener une vie simple, c’est une excellente chose. Maintenant, j’ai ma petite famille, je vais au Mali de temps en temps, je m’entraîne quand je le veux c’est-à-dire sans la moindre pression. Je fais quelque chose qui me passionne, à savoir le métier de chauffeur de gros camions. Je ne peux demander mieux.
L’Essor : Est-ce que vos enfants jouent au basket-ball ?
Soumaïla Samaké : Mon premier garçon joue actuellement avec son collège, il me demande nuit et jour comment faire pour atteindre mon niveau. Mon deuxième garçon n’a que 10 ans, il est très grand et joue également au basket. Quant à mon troisième enfant, une fille de moins de deux ans, elle ne fait que du bruit.
L’Essor : Avez-vous des projets pour le basket-ball malien?
Soumaïla Samaké : Je n’ai jamais quitté le monde du basket, ni aux États-Unis, ni au Mali. Tous les entraîneurs des sélections nationales féminines et masculines sont mes amis, mes aînés ou anciens coéquipiers. Je suis en contact permanent avec eux. J’essaie d’encadrer certains jeunes qui me demandent conseil ici ou au Mali et je continue à supporter les centres de développement du basket-ball.
Je serai toujours disponible pour aider le basket-ball malien. Quand j’étais joueur, je répondais toujours aux convocations en équipe nationale, je n’ai raté aucune compétition d’envergure. J’ai d’autres projets, comme par exemple aider les jeunes talents du Mali à venir aux états-Unis ou ailleurs pour poursuivre leur carrière.
Pour terminer, je voudrai adresser mes sincères remerciements à L’Essor pour m’avoir donné l’occasion de m’exprimer après plusieurs années de silence et de partager mon parcours avec le peuple malien. Je remercie aussi tous ceux qui m’ont assisté de loin ou de près dans ma carrière. Ils sont trop nombreux pour être cités.
Interview réalisée par
Seïbou S.
KAMISSOKO
Basket-ball : Une session en ligne pour les photographes
La Fédération malienne de basket-ball (FMBB) et FIBA Afrique organisent, du 27 au 28 mai, un stage de formation destiné aux photographes. En raison de la Covid-19, la session se fera en ligne (visioconférence). Pour prendre part à cette formation, les photographes doivent être outillés de matériels informatiques.
Autrement dit, précise le président de la FMBB, Harouna B. Maïga, les participants devront disposer d’un ordinateur ou d’un téléphone avec une connexion.
Les inscriptions ont déjà commencé et la date limite de dépôt des candidatures est fixé au lundi 25 mai à 13h. «Dans le cadre du programme de formation en ligne FIBA Afrique, nous organisons cette formation destinée aux photographes opérant du continent.
L’objectif de la session est de partager les attentes de FIBA Afrique, en termes de couverture des événements et permettre aux photographes d’utiliser au mieux la plateforme de stockage FIBA basket-ball mondial», a indiqué le premier responsable de la FMBB, Harouna B. Maïga. «La formation aura lieu le jeudi 28 mai de 15h à 16h30 via l’outil numérique Zoom. Les participants retenus seront convoqués par mail».
Comme les autres disciplines, le basket-ball est à l’arrêt depuis début pour cause de crise sanitaire. Mais si aucune compétition n’a eu lieu depuis trois mois, l’instance dirigeante du basket national elle, n’est pas restée les bras croisés et se projette, déjà vers l’après-coronavirus. «Nous avons profité de la période morte pour nouer de nouveaux partenariats et organiser des rencontres avec nos partenaires traditionnels, dans la perspective de la reprise des activités», a indiqué Harouna B. Maïga.
Concrètement, dira le président de la FMBB, «nous avons fait deux programmes, à savoir une reprise progressive des activités en fonction de l’évolution de la situation et la possibilité de disputer les matches à huis-clos. La phase aller du championnat national était presque terminée parce qu’il ne restait qu’une journée». «Si les autorités donnent leur feu vert, nous allons commencer d’abord avec les matches à huis-clos mais que les supporters pourront suivre sur Youtube et sur Facebook.
Rappelez-vous, lors de la dernière journée du championnat, avant l’arrêt de la compétition, nous avons ce système qui a bien fonctionné. Si le championnat reprend, les supporters pourront donc suivre les matches en direct à travers les réseaux sociaux», assure Harouna B. Maïga.
Sur le plan international, trois échéances attendent le basket malien : les éliminatoires des championnats d’Afrique de catégorie d’âge, la Coupe du monde et la Basket-ball africa league. Mais tout dépendra de l’évolution de la pandémie du coronavirus.