La manifestation gigantesque du 05 juin marque un tournant dans la contestation du régime en place, que les contestataires assimilent désormais à une calamité tant ses échecs ont été tragiques. Je note au passage qu’avec ce régime les manifestations sont devenues récurrentes et ont atteint une ampleur inédite faisant vaciller certains hommes qui animent les institutions de la république.
Les pourfendeurs du régime l’accusent d’être sourd à la détresse des populations et font pointer le risque de la confiscation du pouvoir et sa mise sous tutelle par une aristocratie érigée en système par une cour constitutionnelle aux ordres. Ses défenseurs, les plus avertis, diront qu’ils ne sont pas les seuls à avoir failli, et que l’échec total du pays doit être assumé courageusement par tous les partis de l’ère démocratique et dont certains se cachent, sous la couveuse de l’imam fort du moment. Ceux-là sont à la recherche d’une nouvelle virginité !
Sur ce point, je m’autorise à avancer que tous les partis démocratiques du pays ont échoué sur le plan de l’idéologie et de l’exercice du pouvoir. Ils n’ont pas su inculquer aux populations les notions de citoyenneté, de patriotisme, de travail, et d’exemplarité. Ils n’ont pas réussi à façonner un citoyen modèle, encore moins à garantir sa sécurité, et plus encore celle du pays, qui va vers l’implosion si des sacrifices abyssaux ne sont pas consentis par tous ! Rien ne les distingue à part des visages et des noms. Ce sont tous des blancs bonnets ou des bonnets blancs !
De fil en aiguille, la classe politique de l’ère démocratique, qui somme toute, vaut mieux que celle de la deuxième république, a perdu sa légitimité et ne peut plus gouverner convenablement. Ses ressorts ont été cassés. L’échec démocratique découle avant tout d’une faillite morale. Ce n’est pas un débat, c’est un constat !
L’existence du pays est actuellement menacée, il va droit au mur, d’où l’appel pressant à un changement d’hommes et surtout de système. C’est dans ce contexte de vide sidéral que se révèle l’imam providentiel, à la “morale irréprochable”, différent des hommes de sacs et de cordes auxquels nous sommes habitués jusqu’à présent. Avec lui le pays retrouvera ses repères moraux et partant de là un souffle nouveau, une fraîcheur exquise qui aideront à sa refondation et à celle de la société pervertie. C’est du moins l’avis de ses partisans.
L’homme est intelligent et il sait que la conquête démocratique du pouvoir est un exercice périlleux, qui requiert le courage de se prêter au suffrage universel direct, condition sine qua non de son exercice véritable et partant de là la mise en œuvre intégrale d’un programme de société. Cela demande un jeu d’alliances et de dupes d’où son rapprochement avec des hommes politiques déchus par le régime actuel, qui ont leurs parts de responsabilité dans le désastre actuel du pays, mais qui ambitionnent avec la nouvelle donne de peser sur le jeu démocratique. Il sait pertinemment que plus sa coalition est épaisse, plus elle pourra ratisser large et plus elle mobilisera pour sa cause dont lui seul et son staff connaissent l’agenda. Mais, le puissant imam sait, par-dessus-tout, que le peuple est volage et que les maliens sont particulièrement versatiles. Osera-t-il franchir le Rubicon ? Seul le temps nous le dira. Wait and See !