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Au Mali, la guerre des imams n’aura pas lieu
Publié le vendredi 12 juin 2020  |  sputniknews
Meeting
© aBamako.com par A.S
Meeting de la plate forme de la société civile.
Bamako, le 02 mai 2015 la Plateforme des organisations de la société civile a organisé un meeting au stade omnisport
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Annoncée tambour battant, la manifestation des partisans du Président malien, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), en réponse à celle organisée quelques jours plus tôt par l’opposition, a été annulée in extremis. Le Président serait lui-même intervenu auprès du très controversé prêcheur musulman Chouala Haïdara, initiateur de la marche de soutien.
Soulagement dans les rues de Bamako. Le souci de préservation du climat social tant clamé l’a finalement emporté sur les velléités vengeresses ou provocatrices. Initialement prévue samedi, une contremarche en soutien au Président malien Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) et aux institutions de la République du Mali n’aura finalement pas lieu.



Mahamadou Chouala Bayaya Haïdara, alias Chouala, le visage qu’il faut associer à l’organisation de cette marche, a annoncé jeudi 11 juin que c’était le Président lui-même qui avait demandé l’annulation.
«Il nous invite à la retenue», a mentionné l’uléma musulman à ses partisans, devant un parterre de journalistes locaux. Ainsi, la figure de proue de la marche souligne que le mot d’ordre est venu du Président.

Aucune réaction officielle à la mi-journée de ce vendredi 12 juin, de la part de la présidence. Toutefois, des sources dans l’entourage du Président ont confirmé l’information à Sputnik: «Le Président craint une effusion de sang et des risques d’affrontements entre son camp et celui de l’opposition, qui mettrait à rude épreuve le climat social», justifie-t-on dans l’entourage d’IBK.


​C’est à l’initiative de ce prêcheur de Bamako que les partisans du pouvoir malien devaient battre le pavé, ce samedi 13 juin, Boulevard de l’Indépendance, l’une des principales artères de la capitale. Cet appel au rassemblement lancé par le religieux malien sonnait comme une véritable riposte à la marche inédite organisée vendredi 5 juin, qui réclamait la démission du Président IBK, et qui a rassemblé plusieurs milliers de manifestants.


Le prêcheur, la cinquantaine à peine, avait d’abord menacé d’organiser une contremarche le 5 juin pour casser la dynamique de l’imam Mahmoud Dicko, organisateur de la grande marche exigeant le départ d’IBK, avant de se rabattre sur la date du 13 juin.
Mercredi 10 juin, celui qui semble avoir troqué son chapelet contre des actions de soutien au pouvoir malien avait indiqué à des médias locaux: «Nous allons montrer à l’opinion nationale et internationale combien il est impérieux que les Institutions républicaines, acquises au prix d’engagements et d’énormes sacrifices du peuple malien, soient préservées».

Soutien ardent réaffirmé

Même si la marche n’aura pas lieu, les alliés du Président malien semblent mobilisés et ont désormais à leur tête un prêcheur. Reconverti en ardent défenseur d’IBK et de son système de gouvernance depuis quelques années, Chouala, qui entend délivrer celui-ci «des griffes de l’ennemi», aurait à plusieurs reprises bénéficié des largesses du pouvoir, selon ses détracteurs. Certes, le prêcheur –que certains disent «fabriqué» par le régime lui-même– ne se prononce pas à ce sujet. Il ne cache toutefois pas son soutien inconditionnel à IBK. Ses nombreuses vidéos sur les réseaux sociaux en témoignent.


​Très souvent pris à partie par les internautes pour ses sorties «inconséquentes et partisanes», le leader spirituel enchaîne, en effet, des vidéos qui pourfendent surtout l’image des opposants au pouvoir.

«Notre objectif est différent de celui des autres habités, plutôt par Satan et déterminés à mettre le feu à la maison commune», lâche-t-il, en langue nationale bambara, dans une vidéo diffusée après la grande manifestation du 5 juin.
Le prêcheur, qui assimile les sorties de son coreligionnaire l’imam Dicko à un pur règlement de comptes, défend que l’heure n’est pas à l’appel à la démission du Président, mais plutôt à un rassemblement et une synergie d’action pour sortir le pays des difficultés. «Nous n’avons pas besoin d’ajouter une crise à une autre», conclut-il dans le même enregistrement, en allusion à la crise sécuritaire que traverse le pays depuis des années.

De l’argent pour mobiliser

Pour garantir à la manifestation qui devait avoir lieu samedi ses chances de réussite, ne pas perdre la face et gagner le pari de la mobilisation, les soutiens du Président n’y étaient pas allés de main morte. Depuis quelques jours, ils s’étaient lancés dans le porte-à-porte devant les cabinets des ministres ainsi que des chefs d’administration pour collecter les fonds nécessaires à la mobilisation. Une pratique courante au Mali, confirmée par des sources concordantes contactées par Sputnik.


​Un conseiller technique au ministère malien de l’Agriculture a confié à Sputnik que son ministre avait fait une contribution de 500.000F CFA (762 euros) à une délégation du comité d’organisation de la marche. Il n’a toutefois pas précisé s’il s’agissait d’une contribution personnelle ou faite sur les deniers publics.

«Le financement vient dans la plupart des cas, directement des comptabilités des structures et ils vont dans les poches des organisateurs sans aucun schéma de traçabilité. Ces ministres et chefs de services publics veulent seulement préserver leur fauteuil», accuse, dans une déclaration à Sputnik, Moussa Fane, un militant du parti d’opposition Union pour la République et la Démocratie (URD).

Des accusations contre lesquelles se défendent régulièrement les donateurs, plaidant que les dépensent se font sur leurs fonds personnels, avec pour seul objectif d’être conséquents avec leur engagement et conviction politiques.
Élu en 2013 au terme du long processus de sortie de la crise née du coup d’État militaire du 22 mars 2012, IBK avait réussi à revêtir l’étoffe de l’homme providentiel. Son score de 77% à la Présidentielle, avec un taux de participation historique de 45%, était sans précédent.

Mais face aux épreuves, et notamment la crise sécuritaire, une forme d’enlisement, sinon d’essoufflement a émaillé sa gouvernance, avec en toile de fond une très grande influence de sa famille sur les affaires publiques. Il a malgré tout réussi à se faire réélire en 2018.


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