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Face à la confusion, la crise d’autorité et les violations tous azimuts : Le gouvernement se décrédibilise
Publié le mardi 19 juin 2012   |  Aurore


Présidence
© Reuters par DR
Présidence : Le président de la république reçoit le premier ministre Malien
Samedi 26 mai 2012 . Abidjan. Le président de la republique de cote d’Ivoire son excellence Allassane Dramane OUATTARA reçoit le premier ministre Malien Cheick Modibo DIARRA


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Redevable à la soldatesque de Kati jusque de son âme, le gouvernement de Cheick Modibo Diarra a du mal à faire face convenablement à ses responsabilités. Il en est confus et perdu dans les dédales, au point d’être souvent contraint aux exercices alchimiques. À son manque d’emprise sur l’autorité de l’État s’ajoute du coup une perte considérable de crédit, tant auprès des concitoyens qu’aux yeux de l’opinion internationale.

S’il est une priorité à laquelle le gouvernement doit se consacrer, c’est bien la conquête d’autorité. Et pour cause : confusion et absence d’autorité obligent, le gouvernement de transition se cherche au point d’en être réduit à la transformation du journal télévisé du principal canal médiatique public en rubrique des avis et communiqués. Le téléspectateur malien est ainsi sidéré de devoir consommer, dans le même journal de l’ORTM, deux jusqu’à trois »communiqués du Gouvernement ». C’est la façon que l’équipe du Dr. Cheick Modibo Diarra a choisi pour sortir du purgatoire où il se trouve, depuis qu’il est engagé dans le processus du retour à l’ordre constitutionnel. Ce processus comporte manifestement des implications, voire des contraintes pour lesquelles l’effectivité fait cruellement défaut et se fait encore attendre, depuis l’installation de cet organe de transition. Comme dans une jungle, la loi du plus fort – ou du moins celle du mieux armé – continue d’affecter le quotidien des Maliens, comme au lendemain de la mutinerie devenue coup d’État par la force des circonstances.

En attestent pour le moins les procédures extrajudiciaires tous azimuts, sous la forme d’arrestations abusives comme de perquisitions irrégulières, qui inscrivent depuis un certain temps le pays dans un régime de justice à multiples vitesses où les jugements d’une soldatesque rendent blancs ou noirs les citoyens, selon leur allégeance ou leur rejet du CNRDRE. Et quand il ne revient pas à celui-ci de rendre les verdicts, des orientations et des instructions fermes sont données dans le sens souhaité à qui de droit. Ce fut le cas, par exemple, pour le traitement diligent que les tribunaux ont réservé à l’épisode de l’affrontement entre unités de l’armée malienne, un dossier que le Comité National de Redressement de la Démocratie et de Restauration de l’Etat a réussi à faire passer pour « une atteinte à la sûreté de l’Etat », sans qu’aucun des protagonistes n’ait qualité pour représenter l’État.

Ce n’est pas tout. À l’instar des simples justiciables, les institutions de la République sont également assujetties au même régime sélectif, puisque protégés ou déprotégés par la puissance publique, en fonction de leur proximité avec le QG des putschistes sis à Kati. C’est ainsi que le président de la République se relève aujourd’hui à peine d’une agression sauvage perpétrée par de vulgaires vandales, tandis que l’Assemblée Nationale du Mali continue de vivre avec la psychose d’une possible invasion par des manifestants discrètement conditionnés par des mains invisibles.

Une atmosphère aussi peu lisible fait naturellement peu de place à la jouissance des droits les plus élémentaires. Ceux-ci sont ainsi constamment piétinés et violés, parfois au gré de la vénalité de groupuscules périphériques de l’armée, mais si souvent avec la caution et la bénédiction de la junte putschiste. L’escalade des violations n’a de cesse d’emprunter l’ascenseur, depuis les événements du 22 Mars, et continue de se traduire par la transformation de l’armée en machine d’enlèvements de paisibles citoyens, en instrument de règlements de comptes et de chantage, au mépris de tout ordre régalien et en dépit des engagements solennels passés avec la Cedeao.

La liste des victimes de cette terreur est beaucoup plus longue, mais les derniers cas en date remontent à moins d’une semaine. Ils concernent respectivement le Directeur Général de la Douane, Modibo Maïga, et le PDG de GDCM, Modibo Keïta. Le premier a été la cible de persécutions par des coups de fils au nom de la junte, suite à une visite du Ministre des Finances dans les locaux de la Douane saccagés par les putschistes, tandis que le second est quant est lui harcelé par des recherches actives à travers la ville de Bamako. Auparavant, un opérateur économique du nom d’Afourou N’Daou est passé par les mêmes misères et continue de payer un lourd tribut pour sa proximité avec l’ancien chef de l’État, Amadou Toumani Touré.

Ce registre ne comprend pas du reste les nombreux autres cas d’interpellations abusives de journalistes et d’empiètement sur les libertés d’opinion et de pensée. Après les confrères des journaux ‘Le Prétoire’ et ‘L’Indépendant’, c’était au tour de ceux d’AFRICABLE de faire l’objet, la semaine dernière, de perquisition irrégulière aux fins d’intercepter la diffusion d’un élément gênant pour la junte.
Ce n’est pas fortuit si le gouvernement, installé avec la bénédiction de la même junte, est comme contraint à cautionner toutes ces dérives liberticides qui lui passent visiblement par-dessus la tête. Par delà le fait que Cheick M. Diarra et son équipe lui sont redevables de leur existence, le contrôle et la mainmise sur la puissance publique n’ont jamais réellement quitté la caserne du Capitaine Amadou H. Sanogo. En dépit des engagements solennels à rendre le pouvoir aux civils, la junte y est demeurée à travers une emprise exclusive sur les principaux instruments de l’autorité de l’État que sont les forces de l’ordre, qui vouent plus d’obéissance à Kati que de loyauté aux organes de la transition.

Dans cette confusion faite de compromission et de péril sur sa notoriété, le gouvernement est manifestement aux abois et ne sait à quels saints se vouer. Privé de son autorité usurpée par la soldatesque, mais comptable de tous les agissements de celle-ci – y compris ceux qui portent le label d’un véritable gangstérisme – l’équipe de transition semble jeter son dévolu sur un recours très excessif aux moyens de communication, une démarche qui cache mal le malaise auquel l’expose sa complaisance dans l’aliénation.

Ainsi, face au torrent de dénonciations consécutives aux dérives privatives, Cheick Modibo Diarra et sa suite, au lieu d’affronter objectivement une question aussi cruciale que la crise d’autorité, a choisi plutôt de faire dans une dissimulation, quitte à assumer une partition de complice des faits incriminés. Il a choisi au fait de boire la coupe des péchés à la place des véritables fauteurs et se complaît si bien dans ce rôle protecteur de la junte que ses aptitudes n’ont rien à envier à celles des alchimistes. Faire passer du mica blanc pour du diamant ! C’est à cet exercice que le gouvernement a eu l’audace de s’adonner en s’essayant à une contestation des sonnettes d’alarmes sur la situation des droits de l’homme.

Mais en apportant un démenti formel sur la question – suite notamment à la dénonciation d’avocats sur les conditions des détenus du dossier « d’atteinte à la sûreté de l’Etat » -, le gouvernement de transition se rend pratiquement coupable d’insulte grave à la conscience publique. Car, au même moment où il prétend attirer l’attention de l’opinion nationale et internationale sur le respect de ces droits au Mali, des cas de violation défrayaient la chronique et se ramassaient à la pelle dans la capitale, abstraction faite d’ailleurs du sort des concitoyens sous le joug d’une invasion barbare au nom de l’Islam : le régisseur de la Maison Centrale d’Arrêt venait d’être enlevé et arbitrairement détenu à Kati, le siège d’AFRICABLE était la cible d’irruption musclée d’éléments armés de la même caserne, dans le but d’empêcher la diffusion d’un élément télévisé. Le gouvernement s’est du reste démarqué de tous ces agissements malencontreux, mais se démène paradoxalement pour défendre le respect des droits de l’Homme, comme si la dé-protection des libertés n’était pas synonyme de violation de droits.

A.Keïta

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