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Dénoncer la mauvaise gouvernance, oui ! Et après?
Publié le jeudi 18 juin 2020  |  Le Démocrate
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Aussi longtemps que l’Etat se montrera incapable de satisfaire les besoins élémentaires de la population, le terrorisme, les rebellions, les contestations populaires dans la rue se poursuivront. Bien au contraire, la dénonciation de la mauvaise gouvernance fera naître de nouveaux héros ou permettra aux anciens de se refaire chaque fois une nouvelle virginité politique.
La rébellion touarègue a toujours pu trouver les hommes et la motivation nécessaires pour se reconstituer au fil des années grâce au discours originel qui est resté intact et d’actualité durant plus de cinquante ans : « Nous sommes délaissés par l’Etat central », « Nous subissons de l’injustice », etc. Ce discours, bien que transposable dans la quasi-totalité du Mali, tombe toujours dans des oreilles attentives puisque s’appuyant sur des réalités (amplifiées) vécues par des populations locales en manque de perspectives d’amélioration, donc ouvertes à toutes « bonnes volontés » inspiratrices de changement.

Il ne faut pas chercher loin les causes de la bonne santé du terrorisme au centre du pays malgré les patrouilles de la Minusma, les renseignements et les opérations commando de Barkhane. Il se nourrit, comme la rébellion cyclique, des frustrations internes pour embarquer nos compatriotes. Comme la rébellion touarègue, il continuera de toucher de plus en plus d’esprits dérangés par la misère.

A Bamako, tout le monde parle de la nécessité de lutter contre la corruption en ayant en tête ce voisin habitant une villa cossue ou celui-là qui passe au volant d’une voiture luxueuse et que l’on montre du menton avec dédain. Mais en règle générale personne ne considère son propre comportement, même en le sachant illicite, comme étant de la corruption. Chacun est indulgent avec soi-même, aveugle avec ses propres parents, amis ou associés. Ce trait indique que les premières armes à utiliser contre la corruption sont l’information et l’éducation en ce sens que la meilleure façon de lutter contre le vice est de répandre la vertu.

La bonne gouvernance est l’unique chemin qui mènera à la prise en charge par l’Etat des préoccupations vitales de la population. Elle suppose une vision globale de production de richesse, d’utilisation transparente des deniers publics et des réformes visant à rapprocher les institutions des populations. A la longue, il faudra s’affranchir de l’aide internationale qui bien souvent motive le gaspillage des ressources de l’Etat dans des projets inutiles dictés par les bailleurs de fonds.

Il est évident que l’application des méthodes passées et présentes n’ont pu affaiblir la corruption dans notre pays. Ces méthodes ont consisté essentiellement à menacer d’emprisonnement les personnes convaincues d’une seule forme de corruption qu’est le détournement des fonds publics. Mais lorsqu’on sait que toute corruption est, à terme, nécessairement et par nature un phénomène lié au pouvoir politique, on comprend qu’il est alors très difficile de mettre les corrompus et les corrupteurs en prison. Et d’ailleurs puisque la prison au Mali est une création du système colonial, aller en prison n’a pas forcément une mauvaise image dans l’imagerie populaire, puisque certains de ceux qui y sont allés sont devenus des héros historiques.

La manière la plus efficace, me semble-t-il, de lutter contre la corruption serait d’exploiter nos traditions et bien évidemment l’islam plutôt que de compter uniquement sur des arguments juridiques abstraits. L’exploitation du pouvoir d’influence des “djéli (griots)” et des chefs religieux afin de raviver le sentiment de honte et le pouvoir de l’exclusion sociale.

De nos jours, les “djéli” sont uniquement connus pour chanter les louanges des gens, mais traditionnellement ils avaient aussi l’habitude de composer des vers subtils pour dénoncer ou attirer l’attention sur les mauvais comportements. Ces vers restaient attachés à une personne à vie et couvraient de honte la famille. Les éducateurs (imams) religieux peuvent également peser considérablement sur le niveau de la corruption au plan social quand on sait qu’au Mali les individus jugent leurs semblables à travers ce qu’ils font de leur richesse car, la façon dont ils l’ont obtenue n’a aucune importance. Même si vous êtes traduit en justice et emprisonné pour détournement de fonds publics, tant que vous avez utilisé cette richesse pour aider votre famille, vos voisins et votre communauté, les militants de votre parti,… les gens vous soutiendront jusqu’à votre remise en liberté.

Seuls les Maliens peuvent arriver à bout du terrorisme comme tous les autres défis auxquels nous sommes confrontés. Certes, nous serons tous appelés à des sacrifices. Mais le jeu n’en vaut-il pas la chandelle ?

Ina Maïga
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