À Bamako comme dans les autres grandes villes, les «bonnes» sont incontournables dans les foyers. Leur retour au village à l’approche de l’hivernage plonge de nombreuses femmes dans une grande détresse
«Hali n’tè se kabo bilen, k’a sababukè baara yé » (en bambara : je ne peux même plus sortir de chez moi à cause des tâches ménagères). Cette trentenaire, mère de trois enfants, qui préfère garder l’anonymat, se plaint ainsi du départ de son aide-ménagère pour le village, depuis quelques jours. La plupart des «bonnes» à tout faire (appellation dévalorisante collée à elles par les citadins) retournent au village dès le début de l’hivernage. Elles reviennent en ville après les récoltes.
En effet, chaque année à l’approche de l’hivernage, Bamako se vide ou presque de ses domestiques, parties pour le village pour aider leurs parents dans les travaux champêtres. Certaines se marient dès leur retour au bercail et, probablement, ne reviendront plus en ville. Ce départ programmé n’est pourtant pas sans conséquence, surtout sur le quotidien des citadines. Même celles qui ne travaillent pas dans des administrations (service public comme privé) ou qui n’ont pas d’occupations particulières, en pâtissent.
Car presque chaque épouse, en ville, a son aide-familiale. En témoignent les complaintes de Mme Diallo Ténin Traoré (nom d’emprunt), patronne de la «bonne», Awa Téréta, âgée d’environ 13 ans. Celle-ci venait, ce jeudi 25 juin à Sébénikoro, faire ses adieux à sa patronne. Désemparée, cette dernière appelle sa sœur au téléphone pour lui annoncer le départ de la servante. Elle supplie sa frangine de faire tout pour lui trouver d’urgence une autre aide-ménagère. «Seule, je ne peux pas faire face à toutes les tâches domestiques. Je n’ai pas de grands enfants qui peuvent m’assister. La famille est grande. à force de travailler des heures sous le soleil ardent, il m’arrive de sentir des douleurs atroces au dos», se lamente l’épouse Diallo.
Et comme pour inciter la petite Awa à prolonger son séjour, elle poursuit : «la fille est tout pour moi, elle est respectueuse. J’aurais préféré qu’elle reste même si je devais revoir son salaire à la hausse». Ces compliments, venant de celle qu’elle considère comme sa maman, semblent affecter l’adolescente qui reste ferme sur sa décision de rentrer au village. Elle a alors profité de ces moments d’adieux pour exprimer sa reconnaissance à «Tanti» (nom générique utilisé par les aide-ménagères pour s’adresser aux patronnes même moins âgées qu’elles).
«Quand je tombe malade, c’est ma patronne qui prend en charge les frais médicaux. Lors des fêtes, c’est pareil : elle m’achète deux à trois habits neufs, en guise de cadeaux. Elle le fait par pure bonté», témoigne la jeune Awa. Elle dit vouloir rester si elle le pouvait, ne serait-ce que par «devoir de reconnaissance».
Mais, ses parents l’appellent sans cesse, tente-t-elle de convaincre. Ils comptent sur elle pour participer aux travaux champêtres. Sa famille mise également sur les soldes de ses deux années de travail à Bamako. Estimé à plus de 200.000 Fcfa, cet argent servira à payer de l’engrais pour le champ familial, des pagnes, des tasses, des marmites pour constituer son trousseau de mariage, ajoute-t-elle, avant de prendre congé de sa désormais ex-patronne.