Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Annonces    Femmes    Nécrologie    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Politique
Article
Politique

Saccages-repressions-arrestations : Le spectre de mars 91 plane !
Publié le lundi 13 juillet 2020  |  L’aube
Les
© aBamako.com par AS
Les manifestants qui réclament la démission du président IBK bloquent les ponts de Bamako
Bamako, le 11 Juillet 2020, les manifestants qui réclament la démission du président IBK ont bloqué les ponts de Bamako.
Comment


Que l’on dise que l’histoire est en train de se répéter ou qu’elle est en plein bégaiement, l’atmosphère qui a prévalu en mars 1991 est en tout cas des plus prégnantes depuis vendredi passé. À la détermination d’Ibrahim Boubacar Keïta de réprimer ceux qui contestent son pouvoir, l’écrasante majorité du peuple malien répond qu’il est disposé à en découdre…




Les évènements ont pris une tournure dramatique le vendredi, 10 juillet, avec l’utilisation par les forces de l’ordre des balles réelles contre les manifestants. Certains, cependant, tant il leur est difficile d’admettre l’idée de policiers maliens conditionnés pour tirer dur des Maliens, préfèrent porter ces bavures au compte des miliciens venus d’un pays limitrophe du Mali. Mais ce qui n’est pas niable, c’est que la contestation populaire a tout fait pour éviter les violences et, d’ailleurs, l’absence de ripostes sanglantes de sa part atteste qu’elle a été victime d’agressions préméditées.

Déjà, dans sa première adresse de minuit à la nation, IBK avait laissé entendre que par devoir, il garantirait l’ordre public, “cela se fera”, avait-il martelé, comme pour signifier qu’il n’hésitera point à user des moyens, alors même que dès les premières mobilisations citoyennes contre lui, le M5-RFP avait administré la preuve que ses manifestations étaient pacifiques. Ce qui indexe clairement le pouvoir comme fauteur de troubles et coupable d’exactions mûries à l’avance.

Les évènements du vendredi ayant eu lieu à moins de 72 heures d’intervalle du discours du 08 juillet, Ibrahim Boubacar Keïta a réagi comme d’un pris la main dans le sac, en tentant d’inverser les culpabilités dans une nouvelle adresse à la nation datée du 11 juillet. Mais ses derniers propos comme les précédents n’auront servi qu’à exacerber les tensions. Ils ont été jugés moqueurs, narcissiques et méprisants par les populations. Alors qu’il ordonna l’arrestation de plusieurs responsables du M5-RFP, il les qualifiait tous de démolisseurs du pays en s’octroyant le beau rôle d’amoureux du même pays. Les choses ne tarderont pas à s’envenimer, les citoyens, malgré une insistante pluie, ont continué dans la journée du samedi les actes de désobéissance civile. Toujours, les forces de l’ordre ont fait usage de leurs armes en tuant plusieurs personnes dans différents endroits de Bamako. Le summum a été atteint chez l’imam Mahmoud Dicko où, selon plusieurs sources, au moins dix-sept personnes ont perdu la vie en s’interposant devant les agents envoyés pour se saisir du dignitaire religieux et non moins autorité morale de la contestation populaire. Sept des victimes ont été enterrés le dimanche, 12 juillet, après la prière mortuaire sur leurs âmes dirigées par Mahmoud Dicko lui-même en la mosquée de Badalabougou où il officie comme imam.

L’épisode sanglant du samedi, qui a atteint son point culminant dans la même journée, livre des pistes de lecture de la psychologie d’Ibrahim Boubacar Keïta. Il est très rancunier, comme le rappelait récemment El Hadj Oumar Touré, président de l’association Kaoural international. Il poursuit donc l’imam Mahmoud Dicko de sa vindicte indicible puisque celui-ci a refusé ses offres de corruption ; quand IBK lui a dit que c’est par estime pour lui qu’il ne constitue pas encore un nouveau gouvernement, Dicko savait pertinemment que ce n’était pas vrai. Ensuite, Elhadj Ibrahim Boubacar Keïta cherchait à faire baver les responsables du M5-RFP, raison pour laquelle il fit des offres très alléchantes à Mahmoud Dicko afin que celui-ci le laisse face à face avec ces derniers, dans un combat naturellement inégal, disproportionné, lui ayant les forces de sécurité et les Forsat (forces antiterroristes), les autres ne disposant que de leurs bonnes raisons de se mettre debout devant tout ennemi du Mali qui découvre son front au dedans ou au dehors. Enfin, IBK n’a pas souci des souffrances des Maliens ; il ne reculera devant rien pour se maintenir au pouvoir.

Il y a en ces moments des ressemblances avec les journées chaudes de mars 1991. Il a été dit que le général Moussa Traoré a fait sortir des blindés, des BRDM et des hordes de miliciens et autres mercenaires pour tirer sur les manifestants. Au procès dit crimes de sang, il a pu faire comprendre, d’autres militaires aussi, que la sortie des BRDM était purement dissuasive afin de protéger les édifices publics ; sinon, un seul BRDM aurait suffi à détruire tout Bamako. Aujourd’hui, on ne voit ni blindés ni soldats de l’armée malienne dans les rues. Il faut saluer la hiérarchie militaire d’avoir sagement choisi, dès l’annonce de la mobilisation du 05 juin, de se mettre en marge de la situation politique. Il faut la saluer de cette attitude hautement citoyenne qui lui épargnera de se salir les mains du sang des Maliens. Par contre, on voit bien les forces de l’ordre, dont les Forsat, tirer à balles réelles sur des manifestants à mains nues. Des balles réelles, ce ne sont évidemment pas des pétards mouillés, elles ne sont pas non plus dissuasives, elles tuent tout simplement, elles mutilent par chance. Les forces de répression, on les voit aller brutalement arrêter les responsables du M5-RFP alors qu’une convocation du procureur de la République aurait suffi à les interpeller si tant est que l’État de droit est une réalité et que la justice est respectée. Et l’on entend IBK menacer que les circonstances qui ont causé des pertes en vies humaines et des blessés seront élucidés, inchallah, par une enquête. Faut-il rappeler qu’au procès dit crimes de sang, feu Me Demba Diallo a résolu cette douloureuse question ? “La question la plus bête qui est posée au procès, c’est celle de demander qui a donné l’ordre de tirer. Donner aux soldats l’ordre de garder un lieu, ils tireront après les sommations”, avait-il argumenté en substance. Cela fera une jurisprudence quand il s’agira, tôt ou tard, de situer les responsabilités des tueries perpétrées par les forces de l’ordre et les Forsat en juillet et avant juillet à Sikasso durant l’année 2020.

Amadou N’Fa Diallo

L’AUBE
Commentaires