Le Mali nouveau, c’est le Mali qui ne fera plus compter par les Maliens et Maliennes, tant de morts, d’orphelins, de disparus et de jeunes en proie aux stupéfiants, comme en ces dix dernières années ;
Le Mali nouveau, c’est le Mali qui ne sera plus géré que par des politiciens de carrière ; ce sera le Mali de l’alternance démocratique vraie, celle qui ne souffrira d’aucun tripatouillage des résultats des urnes, de quelque bord politique ou institution dont il puisse provenir ;
Le Mali nouveau c’est le Mali où l’administration en général ne sera plus le lieu de placement de militants politiques incompétents en lieu et place de personnes compétentes requises, dénouées de tout esprit partisan et vouées entièrement au service républicain ;
Le Mali nouveau, c’est le Mali où certains chefs et supérieurs des corps habillés ne seront plus commis à d’autres missions hors de leurs champs de prédilection habituels. Comme avant, par hantise de coup d’État ou par réflexe de conservation, dit-on !
Le Mali nouveau, c’est le Mali de sécurité, car celle-ci n’existe dans le pays que par la bonté du hasard des circonstances heureuses ou que par la protection divine ;
Le Mali nouveau, c’est le Mali de l’espoir, car les frustrations, les déceptions, les récriminations sont si nombreuses face aux détenteurs des pouvoirs, qu’elles conduisent au désespoir, celui des jeunes particulièrement face aux sombres horizons qu’ils scrutent mélancoliquement ;
Le Mali nouveau, c’est le Mali où le mérite personnel de chacun sera le résultat de ses propres efforts et capacités de production à hauteur d’attente ;
Le Mali nouveau, c’est le Mali de l’Etat de droit et non de celui des plus fortunés, des plus diplômés, des plus influents ;
Le Mali nouveau, c’est le Mali de la vraie séparation des pouvoirs qui se trouvent actuellement empaquetés pour la défense exclusive des intérêts d’un groupe de personnes ou groupe de familles ; hélas au détriment de la bonne gouvernance, de la transparence et de la légitimité ;
Le Mali nouveau, c’est le Mali des emplois où la solidarité intergénérationnelle s’exercera de façon normale. On observe actuellement et avec regret le fait qu’en milieu urbain, de nombreux jeunes diplômés sans emploi vivent malgré eux dans la précarité, dans la dépendance, souvent à la charge de leurs vieux parents à la retraite. Cela doit changer étant donné qu’il faut du travail à tous les bras valides afin de développer le Mali. Cette situation définit une anti-valeur, un fait de société qui n’honore hélas, personne ;
Le Mali nouveau, c’est le Mali qui se soucie du partage équitable des richesses du pays entre les territoires urbains et les territoires ruraux, entre tous les Maliens et Maliennes ;
Le Mali nouveau, c’est le Mali qui bannira pour toujours les impunités et supprimera les immunités de toutes sortes ;
Le Mali nouveau, c’est le Mali qui fera régner l’ordre et la paix partout ; c’est le Mali de l’homme et de la femme qu’il faut à la place qu’il faut ;
Le Mali nouveau, c’est le Mali de la Société civile qui ne sera plus présente que de façon symbolique dans les réunions nationales et internationales, mais celle qui occupera pleinement toute sa place dans les instances de prise de décision et dans les institutions constitutionnelles ;
Le Mali nouveau, c’est le Mali où le Président de la République ne pourra jouer d’aucune façon au «monarque absolu» du fait de ses prérogatives très étendues : administratives, politiques, judiciaires ; notamment au niveau des nominations aussi bien civiles que militaires ;
Le Mali nouveau, c’est le Mali qui rassemblera tous ses fils et toutes ses filles autour de l’intérêt national et d’un idéal commun ;
Le Mali nouveau, c’est le Mali d’une civilisation multimillénaire, qui s’assumera pleinement désormais et non le Mali qui reçoit des ordres ailleurs et qui ne se reconnait plus dans un miroir ayant mis de côté ses racines profondes, ses grandes valeurs ainsi que ses repères culturels qui le différencient des autres pays du monde.
Tout cela, tel un impérieux désir de changement et de progrès est souhaité et exprimé de mille manières depuis des lustres par les Maliens et les Maliennes, aux plus hautes autorités successives du pays. Mais diantre ! Qu’est-ce qui nous empêche d’aller à cette refondation tant souhaitée ? Il me semble s’agissant de la Société civile qu’il lui manque le consensus, la volonté et la mobilisation autour d’un cap clair pour le vrai changement. Pour d’autres, tels que les responsables politiques qui laissent l’école publique mourir à petit feu, c’est malheureusement le culte de la reproduction sociale théorisée par Bourdieu, émérite sociologue français, qui prévaut. Comment, dans une telle perspective reproductrice, former et parvenir à une masse critique d’ingénieurs, de médecins, de professeurs, d’ouvriers qualifiés, d’agronomes, de chercheurs, « de startups », bref à cette masse critique en toutes ces précieuses ressources humaines dont le Mali a tant besoin pour amorcer son décollage ? Pari et défi impossibles à gagner si on n’inverse pas maintenant l’orientation actuelle de la politique éducative en particulier et l’orientation de la politique nationale en général.
*N.B. : Cette contribution fait suite à une précédente qui nous interpellait sur le sens à donner à l’expression « Mali nouveau », employée par le Président de la République après la réception des résolutions et recommandations faites par le Dialogue national Inclusif (DNI). Elle prolonge aussi de ce fait, les réflexions et les propositions que nous avons faites au groupe d’experts chargés de la révision constitutionnelle ainsi qu’au triumvirat.
Bamako le 10 juillet 2020
Par BoureimaSory GUINDO, membre de la société civile, Président-Coordinateur de l’Association pour le Développement des Compétences professionnelles (ADCP/PERFORMANCE). Récépissé n°0908/G-DB en date du 07 novembre 2016