Depuis le début du mois de juin, les manifestations se multiplient à Bamako. Les troubles civils ont fait des morts le week-end dernier, si bien que la diaspora malienne au Canada s’inquiète d’une descente vers la violence. Que faut-il comprendre de ce mouvement?
Ils sont maintenant connus sous le nom de M5-RFP, le Mouvement du 5 juin — Rassemblement des forces patriotiques. Cette coalition hétéroclite de politiciens, de leaders religieux et de représentants de la société civile se veut un reflet du ras-le-bol des Maliens devant l’insécurité rampante et la mauvaise gouvernance dans leur pays.
C’est un amalgame de tous ceux qui s’opposent au président malien , explique le professeur en études politiques de l’Université d’Ottawa, Cédric Jourde. [Ces] forces ne partagent pas toujours les mêmes idées, mais elles ont un intérêt commun dans la conjoncture actuelle.
Des manifestants bloquent des routes à l'aide de pneus incendiés.
De violentes manifestations contre le président malien ont lieu à Bamako depuis vendredi.
PHOTO : ASSOCIATED PRESS / BABA AHMED
Le Mali n’en est pas à sa première crise. Après un coup d’État en 2012, ce vaste pays d’Afrique de l’Ouest demeure gangrené par l’insécurité et la menace djihadiste, en plus de faire face à des violences intercommunautaires croissantes.
Mais Bamako est généralement épargnée par les heurts, d’où l’incrédulité de la diaspora malienne devant les images de barrages et de pneus brûlés dans les rues de la capitale. J’étais vraiment sous le choc pour être honnête avec vous. Je ne m’attendais pas à ça , confie Ibrahim Berthé, un avocat d’origine malienne installé à Gatineau.
Même si le Mali est un pays en voie de développement, je pensais qu’on avait fait une certaine avancée en matière de droits de l’Homme. De voir les autorités réprimer dans le sang des Maliens, j’ai été sous le choc , poursuit-il, en précisant que sa famille habite Bamako.
Notre grande inquiétude, c’est qu’ils tirent à balle réelle sur les manifestants. Les balles perdues peuvent rentrer dans les maisons et tout le monde est en insécurité totale.
Kolado Sidibé, président du Regroupement des Maliens de la capitale nationale
On est accrochés à nos téléphones pour suivre en direct sur Facebook ce qui se passe , raconte de son côté Kolado Sidibé, le président du Regroupement des Maliens de la capitale nationale.
Un mouvement à l’issue incertaine
Le week-end dernier, ces opposants ont investi de nouveau Bamako pour réclamer le départ du président Ibrahim Boubacar Keïta, au pouvoir depuis 2013. S’en sont suivis des affrontements violents au cours desquels au moins 11 manifestants ont perdu la vie aux mains des forces de l’ordre, selon l’AFP.
L’augmentation de la répression contre les manifestants suscite davantage de colère et on est un peu dans cette logique présentement , constate le professeur Jourde, un expert en politique africaine.
Plus de répression, plus de colère, plus de mobilisations et c’est un peu dans ce cycle qu’on se trouve présentement.
Cédric Jourde fait un parallèle entre les soulèvements au Soudan et en Algérie, deux autres pays d’Afrique à la population très jeune où il y a eu l’an dernier des manifestations visant à renverser les régimes.
On peut tout à fait comparer ces situations-là , considère aussi la directrice des communications d’Amnistie internationale Canada, Khoudia Ndiaye. Au niveau des populations, il y a une demande de renouveau et de changement politique pour plus de démocratie, pour des changements au niveau des leaders.
L’ONG demande une enquête indépendante pour faire la lumière sur la mort des manifestants, en plus d'exhorter les autorités maliennes à respecter la liberté de réunion.