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Que sont ils devenus… Amadou Diakité : La science et le cœur au service du foot malien, africain et mondial
Publié le samedi 18 juillet 2020  |  Aujourd`hui
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A la défaite d’Issa Hayatou à la présidence de la Confédération africaine de football (Caf), Amadou Diakité s’en emmuré dans un silence qui ne l’amène nulle part où on parle de football. Son programme se résume à un saut au grin le matin, sinon il passe le reste de la journée chez lui, une occasion pour lui de mener la vie de famille longtemps contrariée par ses incessants déplacements. Durant 30 ans, l’homme était toujours entre deux avions. Aujourd’hui, il a décidé de se reposer. Il estime avoir réussi les objectifs qu’il s’était fixés : faire revenir le public au stade, doter la Fédération malienne de football d’une administration moderne à travers un siège magnifique, replacer le football dans le cœur des nations, qualifier l’équipe nationale senior à la Can, développer le football des jeunes. Notre entretien avec l’ancien président de la Fédération Malienne de Football n’a pas fait l’objet directement d’un rendez-vous préparé comme à l’accoutumée. Plongé dans un sommeil entrecoupé la veille par la psychose des rumeurs d’un lundi noir promis par le M5-RFP, un coup de fil du directeur de publication, Alou Badara Haïdara tombe avec des instructions : RDV à 10 h à l’ACI-2000 pour rencontrer l’ancien président de la Fémafoot, Amadou Diakité, dans le cadre de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”. Détail majeur : le dirpub devait assister à l’entretien. A l’heure indiquée, M. Diakité nous reçoit dans l’un de ses salons avec tous les honneurs. A la fin de l’entretien, nous sommes parvenus à la conclusion que l’homme n’a rien forcé dans sa vie pour être au-devant de la scène avec des responsabilités énormes. Comment son parcours s’est construit ? Comment son amitié avec Issa Hayatou est née ? Comment il a intégré la Caf ? Que pense-t-il des accusations en sa qualité de président de la commission des arbitres ? La Can-2002 ? Sa suspension à la Fifa ? Sa retraite ? Son avenir dans le domaine du football ? Ses bons et mauvais souvenirs ? Telles sont quelques-unes des questions auxquelles Amadou Diakité, ancien secrétaire général du Stade malien de Bamako, de la Fémafoot, ancien président de la Fédération, ancien membre du comité exécutif de la Caf, et de la Fifa, a voulu répondre. Le parcours est honorable. Découvrons-le ensemble !
Amadou Diakité a présidé la Fédération malienne de football dix ans durant (1992-2002). Juste après la Can-2002 où le Mali n’a pas été ridicule, il décide de quitter le navire. Surprenant non ?

Les différentes interventions afin qu’il revienne sur sa décision peuvent en témoigner. A la veille de l’Assemblée générale consacrant son départ, il a surpris son secrétaire général Tidiane Niambélé en train de faire ses bagages pour un départ systématique.

Amadou Diakité l’informe alors qu’il l’a choisi pour le remplacer. Son Ségal n’en revenait pas. Mais le temps de l’émotion vite passée, ils ont mis en place une stratégie pour organiser le plébiscite de M. Niambélé.

Amadou Diakité est né en 1954. Il est marié et père de trois enfants, dont une fille. Il a admiré et joué au football dans son adolescence à Sevaré et à Bamako localités où son père (paix à son âme) a servi comme gendarme. Partout, il était spontanément l’homme à tout faire des différents clubs dans lesquels il a joués. Cet amour du ballon a continué d’abord au lycée, puis à l’EN Sup.

Responsable du Comité sportif et culturel, il s’est fait une belle réputation qui ne pouvait laisser indifférents les enseignants, dont l’ancien président Alpha Oumar Konaré, et l’administration scolaire.

L’ascension fulgurante d’Amadou Diakité commence quelques semaines après sa sortie de l’Ecole normale supérieure (EN Sup), option philosophie. Son mémoire de fin d’études impressionne la direction de l’Office malien du bétail et de la viande (Ombevi), passée à l’EN Sup pour analyser les différents thèmes des étudiants terminalistes. Il n’a pas le temps de signer un contrat avec l’Ombevi. En vacances à Bandiagara, le ministre des Sports à l’époque, Alpha Oumar Konaré le fait venir et le nomme le même jour directeur national adjoint des sports.

Puisqu’il est convoqué par communiqué radio, Alpha Oumar Konaré appelle le directeur de l’Ombevi pour lui dire que le dossier du jeune Amadou Diakité est clos et qu’il ne veut plus qu’on l’appelle pour quoique ce soit au sein de son service. Le coup de fil valait mise en garde. Comment AOK l’a connu et apprécié jusqu’à le nommer à un poste de responsabilité avec un statut de fonctionnaire stagiaire ? C’est à l’EN Sup qu’il observe Amadou dans les mouvements culturels et sportifs.

Hélas, l’expérience est de courte durée. Trois mois après le départ de son mentor du département des Sports, son successeur, Ntji Idriss Mariko, le débarque. Ismaël Kanouté, directeur de cabinet du président de la République lui propose le poste de chef courriers à Koulouba. Les deux hommes se sont connus et côtoyés dans la salle des spectacles du stade Omnisports Modibo Kéita.

“Le Blanc”

Entre-temps son destin dans le monde footballistique se dessine avec sa nomination comme président de la section football du Stade malien de Bamako en 1983, vice-président de la Ligue de Bamako, ensuite secrétaire général du Stade et de la Fédération malienne de football en 1988.

Django Sissoko, avec la réforme de la présidence remplace Ismaël Kanouté, mais comme secrétaire général. Sur les questions de sports, il demandait des notes techniques à Amadou Diakité, pour la compréhension du président. Selon l’ancien président de la Fémafoot, Moussa Traoré qui l’appelait “Le Blanc” (couleur du Stade malien) ne manquait pas d’occasion pour lui poser des questions sur l’actualité footballistique. C’est dans cette ambiance qu’il est nommé conseiller technique à la présidence, chargé de l’information, de la culture et des sports jusqu’à la chute du régime trois ans après.

Comment ses relations avec l’ancien président de la Caf, Issa Hayatou, ont commencé ? Et s’il devait résumer cette amitié, qu’est-ce qu’il pourrait nous dire ? “J’ai rencontré Issa Hayatou pour la première fois en 1989. Il conduisait une mission de la Caf sur les statuts et règlements des différentes fédérations. Sûrement que mon intervention l’a impressionné. A la suite de mon exposé, il a pris la parole pour me féliciter. A la fin de la réunion, il m’appela de côté pour s’assurer de l’énoncé de mon nom. Pour la deuxième fois, nous nous sommes vus en 1990 à la faveur de la Can organisée par l’Algérie.

La délégation malienne est rentrée au terme de l’assemblée générale. Subitement dans sa retransmission de la finale de la Can, Djibril Traoré annonce qu’un Malien du nom d’Amadou Diakité figure désormais dans la Commission statuts règlements et au protocole de la Caf. N’étant au courant de rien, il fallait que j’appelle Djibril après le match pour mieux comprendre. Il m’a bien expliqué, et quelques jours après la Can j’ai reçu la notification.

J’ai eu l’occasion de prendre la parole lors de la réunion de ma commission, tenue au Caire. C’est là que le président de la Caf m’a félicité une fois de plus, avec des révélations selon lesquelles il a fait l’objet de beaucoup critiques par rapport à sa décision de mettre un novice dans une commission aussi sensible. Autre détail, Issa Hayatou a tenu à clarifier que personne n’est à la base de mon intégration dans le giron de la Caf. Autrement dit, il a été guidé par mes compétences. A partir de ces moments nos relations ont pris une grandeur inestimable jusqu’au jour d’aujourd’hui. Pour résumer mon amitié avec Issa, je dirais qu’elle est l’incarnation de la sincérité mutuelle”.

Amadou Diakité considère la défaite de son mentor en mars 2017 face au Malgache Ahmad Ahmad comme un fait de Dieu, du destin inéluctable. Il y avait aussi cette envie de renouvellement de génération, ajoutés à cela d’autres facteurs qui ont été plus déterminants dans la défaite.

En 1992 sur conseil du président Issa Hayatou, Amadou Diakité se présente et devient membre du comité exécutif de la Caf, pour ne le quitter qu’en 2017. Il fut également membre du comité exécutif de la Fifa de 1998 à 2007.

Nommé président de la Fémafoot en 1992, membre du CE de la Caf, l’enfant de N’Tomikorobougou s’était fixé la qualification des Aigles à la prochaine Can comme objectif principal, ou à défaut présenterait sa démission. Le reste de ses ambitions devait suivre. Il parviendra à faire qualifier le Mali à la Can de Tunis en 1994, après vingt-deux ans d’absence. Suivront la Can des cadets à Bamako, la qualification des juniors à la Coupe du monde de leur catégorie, et surtout l’attribution de l’organisation de la Can-2002 à notre pays.

Can-2002 : Le miracle

Faut-il rappeler qu’Amadou Diakité est l’artisan principal de ce choix porté sur le Mali, au détriment de l’Egypte et de l’Algérie parce que n’eussent été ses relations avec Issa Hayatou, le Mali ne passerait pas, dans la mesure où il fallait tout créer en termes d’infrastructures sportives et hôtelières. C’est l’ancien président Alpha Oumar Konaré qui émet l’idée de la Can-2002. Il se confie à son ministre des Sports à l’époque Me Boubacar Karamoko Coulibaly. Amadou soutient avoir dit à son chef de tutelle tous les obstacles. Celui-ci l’assure que le président est engagé.

Comment éliminer l’Egypte et l’Algérie ? Amadou Diakité propose un projet sur cassette vidéo, commenté par feu Demba Coulibaly. Lors d’une assemblée générale de la Caf, le président Hayatou est craintif, son ami Amadou le convainc que tout ira bien, et le Mali sera prêt

Il n’y croyait pas en toute sincérité, seulement les principes de l’amitié qui le lient à notre compatriote lui imposent une loyauté indéfectible. Au même moment certains membres de la Caf rigolaient en apprenant chaque jour que le Mali peut organiser la compétition.

Des Maliens en d’autres lieux en croisant le président Hayatou déclaraient sans ambages que leur pays ne pourra pas être au rendez-vous.

Sur le tableau de suivi de cette Can-2002, les mots n’enchantaient pas : désespoir, incapacité, incertitude. Finalement lors d’une visite d’inspection de la Caf, Issa Hayatou déclare de façon solennelle que la Can se tiendra au Mali. Déjà un Comité d’organisation était en place et présidé par un inconnu du monde sportif, Sory Ibrahim Makanguilé, des stades construits, d’autres réhabilités ainsi que des hôtels.

En un mot le Mali, est rentré dans l’histoire avec des innovations du président Alpha Oumar Konaré, comme le concept du jatigiya en mettant en demeure les maires et les chefs de quartiers des différentes communes.

A en croire Amadou Diakité, Issa Hayatou a été émerveillé par la présence des supporters maliens dans les différents stades, surtout lors de la finale alors que le Mali était déjà éliminé. Avant et après cette Can qu’est-ce que le chef de l’Etat lui a confié concernant les chances des Aigles et la réussite de l’événement ?

Selon l’ancien président de la Fémafoot, Alpha Oumar Konaré était convaincu de la réussite de l’événement. En un moment donné c’est lui qui présidait des réunions avec le Cocan, en donnant des instructions avec des délais précis. Cependant, il était sceptique sur les chances des Aigles et sur ce point Amadou Diakité l’a rassuré que le Mali atteindra les demi-finales. Ce pronostic a fait du bien au moral du président de la République. Et il a même dit que le Mali aurait gagné le pari si l’équipe nationale atteignait ce stade de la compétition. C’est bien après son départ que le chef de l’Etat lui a adressé ses sincères félicitations et surtout pour le remercier pour tout ce qu’il a fait afin que le Mali ne perde pas l’organisation de la Can-2002. C’était dans un vol où ils se sont retrouvés voisins.

Vérités de l’histoire contre accusations graves

En un moment donné en sa qualité de président de la Commission centrale des arbitres de la Caf, Amadou Diakité a reçu plusieurs coups. L’homme était accusé d’envoyer des arbitres mercenaires au Mali pour faire éliminer l’équipe nationale, de tricher certains clubs et de favoriser d’autres.

L’opinion nationale a été instrumentalisée à telle enseigne que le désamour vis-à-vis du mis en cause s’est installé dans le cœur de nombreux supporters maliens. Alors qu’est-ce qui explique son silence ? Donnait-il des consignes aux arbitres ? Pour l’histoire, Amadou Diakité dit qu’il était au courant de tout ce qui se disait sur sa personne. Il n’a jamais considéré ces accusations parce qu’il était tranquille avec sa conscience. Il s’est engagé pour l’essor du football malien. Rien ne pouvait le dévier de ce chemin.

Il refuse de comprendre qu’un Malien puisse avoir l’audace et la malhonnêteté de poser des actes allant dans le sens de l’échec d’un club malien ou de l’équipe nationale. “Quel jugement un arbitre fera sur ma personne si je lui disais de tricher une équipe malienne ?”, s’interroge-t-il, ajoutant qu’il n’a jamais donné de consigne à un arbitre. Pour être plus précis, même les clubs camerounais se plaignaient des arbitres. Or s’il doit aider un club, ce serait celui du pays de son président qui a tout fait pour lui.

Autre sujet abordé avec Amadou Diakité, sa suspension. Qu’est-ce qui a occasionné cette sanction qui a fait couler beaucoup d’encre ? Tout est parti d’un coup de fil de soi-disant investisseurs qui proposent à Amadou Diakité un centre de formation des jeunes au Mali. A l’issue des discussions sur les modalités d’implantation du centre, ils lui demandent de penser déjà à trouver un terrain, des encadreurs et administrateurs.

Pour finir, ils informent Amadou Diakité qu’ils sont promoteurs de la candidature américaine pour l’organisation de la Coupe du monde de 2018. C’est-à-dire que le rôle de l’ancien président de la Fémafoot est d’établir un contact avec les membres africains du CE de la Fifa. Amadou soutient leur avoir dit qu’il n’a plus le droit de voter, n’étant pas membre du CE de l’instance suprême. Malgré tout, ses interlocuteurs ont insisté pour qu’il les mette en contact avec ses camarades africains, et surtout trouver la façon de les convaincre à accepter leur projet.

Amadou leur conseille de proposer la construction de centres de formation dans leurs pays respectifs. En réalité ce sont des journalistes d’investigations qui ont voulu créer une sensation. Tout ce qu’ils se sont dit au téléphone est resté à ce niveau. Notre compatriote a été piégé. Ces soi-disant investisseurs, selon Amadou, ont fait du couper-coller comme s’ils lui ont proposé de l’argent pour ensuite envoyer ces enregistrements à la Fifa, accompagnés de vidéos d’autres membres africains du CE de la Fifa, à qui ils promettent de l’argent.

Conséquence : Amadou Diakité écope d’une suspension de trois ans de toute activité liée au football. Quelle analyse fait-il de cette sanction ? “J’ai trouvé cette sanction injuste pour les raisons suivantes : je n’ai jamais rencontré ces soi-disant investisseurs. Ils n’ont que des enregistrements tronqués par téléphone. Toutes les juridictions au monde disent qu’on ne peut jamais sanctionner quelqu’un sur la base d’un enregistrement téléphonique.

J’ai demandé à la Fifa de mener des enquêtes auprès des membres africains, pour savoir si je leur avais parlé d’une candidature quelconque. Il n’y a aucun document écrit des allégations de ces gens, donc aucune preuve. A l’époque la Commission d’éthique de la Fifa a instruit le dossier et a pris les sanctions. En matière de justice, une même instance ne peut instruire un dossier et trancher ce même dossier. Ce qui rendait la Commission caduque”.

Convaincu de son innocence, et pour laver son honneur, il a interjeté appel devant le Tribunal arbitral de sports (Tas), qui a statué sur le dossier à quelques mois de la fin de sa suspension, réduite à deux ans après un semblant d’enquête. Ce qui a suscité l’étonnement du Tas. Pourquoi il maintient son appel, alors que le délai est à terme ? C’est pour démontrer qu’il est innocent. Malheureusement cet honneur ne sera pas sauf, le Tas dont le budget de fonctionnement est assuré à 90 % par la Fifa confirme la sentence.

Au terme de la suspension, Amadou est réélu au CE de la Caf pour un mandat de 4 ans. Une façon de démontrer que les délégués africains lui faisaient toujours confiance. Comment il a digéré la décision du Tas ?

“La finalité de toute situation face à laquelle on ne peut rien, est la résignation. Evidemment cela me fera toujours mal en pensant que j’ai été accusé à tort de corruption. Je suis musulman, dans mes prières j’ai demandé au Bon Dieu de trancher entre Blatter et moi. La façon dont il a fini son mandat m’a réconforté et j’ai compris que Dieu m’a entendu”.

Nous avons atteint le seuil de la porte quand Amadou Diakité devait nous raccompagner pour parler de ses deux candidatures controversées à la Fifa et à la Caf. Dans le premier cas où Salif Kéita a déposé sa propre candidature, avant de se désister à la dernière minute, notre héros dit avoir oublié ce qui s’est passé. Sur ce dossier il nous a fait des révélations fracassantes et déplorables, que nous nous réservons de divulguer pour plusieurs raisons. Pour sa dernière candidature en 2012, il a fallu l’intervention énergique du capitaine Amadou Haya Sanogo, parce que la Fédération trainait les pieds pendant qu’il ne restait que quelques heures avant la clôture du dépôt des dossiers.

En termes de bons souvenirs, Amadou Diakité affirme que l’administration du football au Mali a été une formation pour lui sur les dirigeants traditionnels du football africain. La rencontre des personnes qu’il n’oubliera jamais et le sentiment d’avoir fait aimer le football aux Maliens. Les échecs et les défaites sportives, la déception de certaines personnes constituent ses mauvais souvenirs.

Envisage-t-il de revenir dans le monde footballistique ? Hors de question, répond-il. Cependant Amadou Diakité tient à remercier ses parents, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs pour avoir compris sa passion, et pour l’avoir soutenu tout le temps.

O. Roger

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