Au Mali, la contestation se durcit contre le président. Une crise politique qui illustre l'échec de la réponse militaire dans ce pays gangrené par le terrorisme.
En ce 10 juillet, Bamako est à feu et à sang : des hommes cagoulés ouvrent le feu sur la foule. La capitale n'avait pas connu de telles violences depuis 2012 dans un Mali meurtri par des attaques terroristes dans le centre et le nord de son territoire. Les tireurs ? Des membres de la Forsat, une unité d'élite venue mater une manifestation contre le président Ibrahim Boubacar Keïta. Bilan : 11 morts, 158 blessés. Qui a donné l'ordre d'intervenir ? A elle seule, cette question résume le chaos institutionnel et politique dans lequel le pays est plongé. Dans un courrier adressé au ministère de tutelle de la Forsat, le Premier ministre exige des explications. Cette force antiterroriste, formée après les attentats de 2015 à Bamako, n'a jamais été habilitée à maintenir l'ordre. Seulement, le ministre de la Sécurité est aux abonnés absents. Et pour cause : le pays est sans gouvernement depuis un mois.
Dans la rue, la contestation s'est durcie. A sa tête, l'imam Dicko, figure respectée, naguère soutien du président, aujourd'hui debout contre un pouvoir qu'il juge corrompu et qui se révèle incapable d'endiguer l'insécurité et la pauvreté. Dans l'immédiat, le mouvement exige la dissolution de l'Assemblée nationale, qualifiée d'illégitime à l'issue des élections législatives. La Cour constitutionnelle aurait en effet inversé les résultats de plusieurs circonscriptions pour favoriser le pouvoir. Le chef de l'Etat a bien tenté d'apaiser la colère en décrétant le 11 juillet la dissolution de ladite Cour. Mais le malaise est plus profond. "C'est un épisode de plus du délitement de l'Etat", estime Niagalé Bagayoko, fondatrice du think tank African Security Sector Network. "On assiste à une remise en question du modèle d'Etat postcolonial, qui n'a pas tenu ses promesses." La crise est multidimensionnelle : faillite en matière de démocratisation, de décentralisation, d'éducation, de développement et de sécurité. "Or on a tendance à analyser la situation sous le seul angle sécuritaire", regrette-t-elle.