Tout au long du week-end, la délégation conduite par l’ancien chef d’Etat nigérian Jonathan GoodLuck a successivement rencontré l’opposition et le camp du président pour tenter de décrisper la situation à travers une série de recommandations, incluant le maintien du président de la République, la mise en place d’un gouvernement consensuel et la désignation de nouveaux juges à la Cour constitutionnelle, qui auront à trancher la lancinante question de l’Assemblée nationale, jusque-là, objet de blocages.
La dissolution de l’Assemblée nationale, au cœur des blocages
La dissolution de l’Assemblée nationale cristallise les négociations parce que c’est la dernière carte à jouer pour le président IBK, selon Ibrahim Maiga :
« Il refuse de la dissoudre, parce qu’il risque aussi de perdre sa majorité au sein de cette Assemblée. S’il perd l’Assemblée nationale, il va se retrouver isolé sur le plan politique. Le président ayant vu le rapport de force en sa défaveur sera obligé de proposer la dissolution de l’Assemblée nationale, nuance le sociologue malien Bréma Ely Dicko. Cela permettra de décrisper l’atmosphère et de rétablir la confiance entre les parties », poursuit l’enseignant-chercheur.
Puis, il avertit : « Tant qu’on ne trouvera pas une réponse à la question de l’Assemblée, une solution qui satisfasse tout le monde, on ne pourrait pas mettre en place un gouvernement et les manifestations vont continuer. »
Il propose également la démission de l’actuel Premier ministre et la désignation d’un chef de l’exécutif consensuel comme solution pour une sortie de crise.
« La première et l’urgente solution, c’est de trouver une réponse à la question de l’Assemblée », insiste le chef du Département socio-anthropologie à l’Université de Bamako. Et d’affirmer que si IBK venait à partir, ça va complexifier la gouvernance du Mali.
« On peut être victime d’embargo de la part de la CEDEAO, du côté du Nord, ils peuvent aussi reprendre les armes, ça nous conduirait dans des situations plus graves que celle d’aujourd’hui », s’alarme le sociologue.
Un médiateur neutre, pour décrisper la situation
Pour Boubacar Bocoum, analyste politique malien, la médiation de la CEDEAO ne règlera pas le problème, puisqu’elle s’inscrit dans un cadre institutionnel, alors que le problème est purement politique. « Il faudra un dialogue inter malien pour aboutir à un consensus sous l’égide d’un médiateur neutre », propose celui qui intervient également dans le domaine de la communication institutionnelle.
L’imam Mahmoud Dicko peut-il jouer un rôle de médiateur dans la décrispation de la crise ? « Ça ne peut pas marcher », tranche Boubacar Bocoum.
« Dicko lui-même est piégé par le mouvement M5. Parce que quand il a lancé le mouvement, l’élément fédérateur, c’était la démission du président. En réalité tout ce qu’ils sont en train de poser comme revendications sociales, ont été posées bien avant eux, notamment dans le cadre du dialogue national inclusif.
La refondation de l’administration, la corruption. Il n’est pas la personne la mieux indiquée pour désamorcer la crise, il faut une tierce personne, neutre pour aller à cet exercice », conseille le politologue. Avant de déclarer :« Aujourd’hui on peut prendre le Chérif de Nioro comme étant la tête de file, s’il décide de désamorcer la crise, elle va être désamorcée. Ce n’est pas à lui [Mahmoud Dicko] d’être le médiateur, puisqu’il a déjà des intérêts. »
Les émissaires de la CEDEAO ont quitté Bamako sans arriver à amener les parties maliennes à faire des concessions importantes, en vue de la décrispation de la situation. Même si dans son communiqué final, la CEDEAO se félicite de l’adhésion de toutes les parties à ses propositions, hormis le M5-RFP, un cadre de dialogue est entamé. Il reviendra aux protagonistes de l’enrichir et de le prolonger par des compromis et propositions réalistes pour une résolution durable de la crise.