24 heures après son déclenchement, le Mouvement du 5 juin, Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP) a annoncé une trêve de la « désobéissance civile » pour une période de 10 jours. Les raisons de cette décision sont liées aux préparatifs de la fête de Tabaski prévue pour le vendredi, 31 juillet prochain.
Selon Dr Choguel Kokalla Maïga, membre du comité stratégique du M5-RFP, c’est à la demande de la Coordination des Mouvements et Associations, Sympathisants de l’imam Mahmoud Dicko (CMAS) que le Comité stratégique du M5-RFP a décidé de faire une trêve pour cause de la Tabaski. C’est une trêve qui va “permettre aux Maliens de bien préparer et de célébrer la tabaski”, a déclaré Nouhoum Sarr, l’un des dirigeants de la contestation du Mouvement du 5 Juin, le M5-RFP.
« Nous allons observer une “trêve au sujet de la désobéissance civile” à l’approche de la grande fête musulmane de l’Aid al-Adha et en raison d’une mission de médiation de quelques présidents d’Afrique de l’Ouest. “Pendant cette période, il n’y aura pas de manifestations », a ajouté Nouhoum Sarr.
Issa Kaou Djim, le coordinateur de la plate-forme (CMAS) qui soutient l’imam Mahmoud Dicko, principale figure du mouvement, s’est “félicité” de l’annonce de la trêve, la qualifiant de “décision très responsable et sage”. Ce signe d’apaisement ne signifie toutefois pas un adoucissement des revendications du Mouvement du 5 Juin. Dans un communiqué signé lundi soir par Choguel Maïga, l’un de ses principaux dirigeants, le M5-RFP réitère sa principale exigence : la “démission” du président Ibrahim Boubacar Keïta et de son régime.
Le mouvement reproche à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), médiatrice dans la crise, d’être restée jusqu’ici muette sur ce point. Lundi dernier, alors que quelques barricades ont été rapidement démantelées par les forces de l’ordre, les pourparlers diplomatiques se sont poursuivis en coulisses.
Les présidents de cinq pays de la CEDEAO- Mahamadou Issoufou (Niger), Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire), Macky Sall (Sénégal), Nana Akufo-Addo (Ghana) et Muhammadou Buhari (Nigeria) sont attendus aujourd hui à Bamako pour tenter de trouver une issue à la crise socio-politique que traverse le Mali, selon la présidence malienne. La venue à Bamako ce matin de cinq chefs d’Etats qui comptent dans notre espace démontre l’inquiétude croissante de nos partenaires et voisins.
Pour rappel : vendredi, 5 juin 2020, des centaines de milliers de personnes se sont regroupées sur la place de l’indépendance, à l’appel du Front pour la sauvegarde de la démocratie (la coalition de l’opposition), de la CMAS de l’imam Mahmoud Dicko et Espoir Mali Koura. Les avenues menant au monument de l’Indépendance étaient noires de monde au moins sur 2 km de part et d’autres.
La diversité des messages inscrits sur les panneaux témoignait d’un ras-le-bol généralisé « IBK dégage ! », « Trop c’est trop, Boua ka bla », « On est désolé pour la mauvaise gouvernance », « Non aux députés imposés et nommés », « IBK et Karim, dégagez ! », « Maliennes et Maliens, levons-nous pour le Mali ». Le slogan “IBK dégage” est décliné sur tous les tons et dans toutes les langues. « Il faut que IBK laisse le pouvoir, ni plus ni moins », plus d’argent pour l’éducation » ou « la fin du coronavirus ». « Il gère le pays avec son fils, sa femme et son clan, c’est que cette caste ne connaît pas les réalités du pays, ils ne subissent pas la crise comme nous ».
A l’ordre du jour ? Le départ de tout le régime que réclamaient les manifestants. En effet, les déclarations, celle de la CMAS, suivie du Front pour la Sauvegarde de la Démocratie (FSD) de Choguel Kokalla MAIGA, de Cheick Oumar Sissoko du mouvement Mali Koura et l’ex député Oumar Mariko, exprimaient la colère des Maliens. Tous se sont accordés sur un même mot d’ordre : demander la démission du président de la République pour une meilleure gouvernance. « Il n’y a pas de sécurité, pas d’école, trop de corruption et la goutte d’eau a été les résultats tronqués des élections législative », résumait l’un des organisateurs.
Selon Issa Kaou Djim, coordinateur de la CMAS, « les Maliens parlent aux Maliens, l’école est dehors, les commerçants se cherchent, et aujourd’hui il n’y a pas de perspective pour les jeunes, il n’y a pas d’emploi les populations du Centre se font massacrer, qui sont les coupables, qui sont les auteurs, quelle politique nous a menés à ça ; IBK doit dégager ».
Vendredi, 19 juin 2020 : Avec son deuxième grand rassemblement à moins d’un mois après le premier, le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP) avait ouvert les hostilités avec le pouvoir en place. Au cours de cette forte mobilisation sur la place de l’Indépendance, les responsables du mouvement ont dépêché une délégation pour tenter de déposer au Secrétariat Général de la Présidence de la République leur demande de démission d’IBK. Mais ce fut sans succès ; car, les Forces de sécurité, fortement déployées sur la route de la colline du Pouvoir (Koulouba), ont tracé une ligne rouge infranchissable, sous peine des réactions répressives pouvant être sanglantes et dramatiques. Ce que Mahmoud Dicko tenait implicitement à éviter, vu son statut de chef religieux, en l’occurrence un Imam. Chose qui a provoqué beaucoup de frustrations chez bien de teneurs de la ligne dure contre le régime d’Ibrahim Boubacar Kéïta.
10 juillet 2020 : Saccages-répressions-arrestations
Les évènements ont pris une tournure dramatique, le vendredi, 10 juillet, avec l’utilisation par les forces de l’ordre des balles réelles contre les manifestants. Certains, cependant, tant il leur était difficile d’admettre l’idée de policiers maliens conditionnés pour tirer sur des Maliens, préfèrent porter ces bavures au compte des miliciens venus d’un pays limitrophe du Mali. Mais ce qui n’est pas niable, c’est que la contestation populaire a tout fait pour éviter les violences et, d’ailleurs, l’absence de ripostes sanglantes de sa part atteste qu’elle a été victime d’agressions préméditées.
Déjà, dans sa première adresse de minuit à la nation, IBK avait laissé entendre que par devoir, il garantirait l’ordre public, “cela se fera”, avait-il martelé, comme pour signifier qu’il n’hésitera point à user des moyens, alors même que dès les premières mobilisations citoyennes contre lui, le M5-RFP avait administré la preuve que ses manifestations étaient pacifiques. Les évènements du vendredi ayant eu lieu à moins de 72 heures d’intervalle du discours du 08 juillet, le président IBK avait réagi comme d’un pris la main dans le sac, en tentant d’inverser les culpabilités dans une nouvelle adresse à la nation datée du 11 juillet. Mais ses derniers propos comme les précédents n’auront servi qu’à exacerber les tensions. Ils ont été jugés moqueurs, narcissiques et méprisants par les populations. Alors qu’il ordonna l’arrestation de plusieurs responsables du M5-RFP, il les qualifiait tous de démolisseurs du pays en s’octroyant le beau rôle d’amoureux du même pays. Les choses ne tarderont pas à s’envenimer, les citoyens, malgré une insistante pluie, ont continué dans la journée du samedi les actes de désobéissance civile. Toujours, les forces de l’ordre ont fait usage de leurs armes en tuant plusieurs personnes dans différents endroits de Bamako. Le summum a été atteint chez l’imam Mahmoud Dicko où, selon plusieurs sources, au moins dix-sept personnes ont perdu la vie en s’interposant devant les agents envoyés pour se saisir du dignitaire religieux et non moins autorité morale de la contestation populaire. Sept des victimes ont été enterrés le dimanche, 12 juillet, après la prière mortuaire sur leurs âmes dirigées par Mahmoud Dicko lui-même en la mosquée de Badalabougou où il officie comme imam…