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Crise sociopolitique au Mali : Paris se dévoile !
Publié le lundi 27 juillet 2020  |  L’aube
Le
© Autre presse par DR
Le ministre français de la Défense, Jean Yves Le Drian
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À peine 48 heures après la fin de la mission de cinq chefs d’État de la C.E.D.E.A.O. à Bamako, le Quai d’Orsay a rendu publique une déclaration sur la situation politique au Mali. Celle-ci donne carrément un blanc-seing aux recommandations formulées par la C.E.D.E.A.O. pourtant rejetées par l’écrasante majorité du peuple malien.
Si tant est que la déclaration du Quai d’Orsay exprime la position officielle de la France sur la crise multidimensionnelle qui éprouve durement le Mali (c’est pourtant bien cela même si nous refusons de l’admettre), indéniablement Paris laisse tomber le masque. Le camouflage ne lui est plus nécessaire, ses nerfs sont à fleur de peau et elle ne peut plus attendre. La France, dit la déclaration du ministère des Affaires étrangères, salue la forte implication de la C.E.D.E.A.O. dans la résolution de la crise malienne par le déplacement à Bamako, jeudi 23 juillet, d’une mission de cinq chefs d’État de la région et par sa décision de tenir un sommet extraordinaire ce lundi, 27 juillet.

Une onction donnée à une démarche ne peut être plus claire, pas moins d’ailleurs que l’acceptation tout de go des propositions formulées par les différentes missions de la C.E.D.E.A.O., qui sont restées inchangées depuis plus d’un mois. Il y a là un diktat malicieux mal ficelé, qui ne tient nullement compte du rejet massif par les Maliens, Ibrahim Boubacar Keïta en tête (qui n’a tenu compte d’aucune recommandation de la communauté internationale, notamment en ce qui concerne l’Assemblée nationale, l’abrogation du décret des membres restants de la Cour constitutionnelle n’ayant été autre chose qu’ une violation de la constitution malienne) des propositions de sortie de crise que l’organisation sous-régionale croit devoir et pouvoir imposer à une nation meurtrie par les affres causées par de multiples prédations du Président IBK et son régime.

La France se dévoile même carrément : “La France reste cependant préoccupée par le retard pris dans la mise en oeuvre des recommandations déjà émises. Celles-ci offrent les voies pour sortir de la crise que connaît le pays depuis de nombreuses semaines, pour rétablir la légitimité des institutions mises en cause, la Cour constitutionnelle et l’Assemblée nationale, et répondre aux demandes de l’opposition et la société civile, dans le strict respect de la Constitution”. Autant dire qu’en dehors des propositions de la C.E.D.E.A.O., il n’est pas d’autres voies pour sortir le pays de la crise, sous-entendu le maintien d’IBK et de son régime au prix de flagrants manquements à la constitution malienne et, aussi, le viol des nobles sentiments populaires qui ne peuvent plus gober les déviances atroces du régime et son tenant. Autant aussi exiger le statu quo. Et “La France appelle…l’ensemble des parties à faire preuve de responsabilité et à s’engager dans un dialogue sincère pour aboutir à des mesures consensuelles avant l’échéance du 31 juillet fixé par la C.E.D.E.A.O. “. Une date-butoir qui va avec le clairon du casus-belli si le M5-RFP ne dépose pas les armes en signant, sans autre forme de négociation, sa capitulation totale.

C’est donc la France qui tire depuis longtemps les ficelles dans l’ombre. Les différentes missions de la C.E.D.E.A.O. n’ont été rien d’autre que ses échafaudages, la dernière ayant été simplement un savant dosage pour masquer les réminiscences du pré-carré français par l’adjonction à trois chefs d’État francophones de deux anglophones qui n’ont d’ailleurs pas été beaucoup entendus lors de leur séjour à Bamako.

La France n’a-t-elle donc que faire des souffrances des Maliens ? Se moque-t-elle éperdument de toutes les violences et blessures faites à la bonne gouvernance par IBK et les siens ? Comment croire que la France, pays des droits de l’homme, du siècle de la lumière, qui s’est dressée jadis contre la mal gouvernance en produisant la glorieuse Révolution française de 1789 au prix de guillotiner même son roi, en vient-elle aujourd’hui, après plus de deux cents ans de République où la maturation démocratique est toujours sur une ligne ascendante, à minorer le combat du peuple malien ? Pour comprendre cette énigme, un point de la grandeur de la France offre une petite lumière. À un moment de son évolution, l’Église de France, fille aînée de la chrétienté, s’interrogeant sur elle-même, en est arrivée au triste constat qu’il arrive souvent, en haut lieu, qu’on esquive les difficultés et les plaintes en s’abstenant de répondre ou en répondant en dehors de la question. C’est cela que ceux en situation de puissance appellent le dialogue, alors même que ce sont les contournements des vrais problèmes qui constituent les vrais obstacles aux véritables échanges.

Non, il est impensable que la France adoube, au plan personnel, un homme comme IBK qui a transgressé toutes les limites de la bonne gouvernance. Elle défend seulement ses intérêts au Mali et dans le Sahel, ce qui est compréhensible au regard de la féroce concurrence entre puissances occidentales. Mais est-ce que la relation mutuellement avantageuse entre la France et le Mali est absolument au prix de la désagrégation du pays de Soundjata Keïta ? Assurément non. On peut supposer que les dirigeants français croient peut-être toujours qu’un certain sentiment anti-français prévaut au Mali, mais c’est faux. Les populations sont plutôt furieuses du soutien que la France accorde à des dirigeants inaptes et incohérents. C’est un fait. En ignorant encore les exigences du M5-RFP, la France renforcera bien la colère des Maliens qui tiennent à l’assainissement des mœurs politiques et à la bonne gestion de leur État. François Hollande avait bien compris ces enjeux en ce qui concerne le Burkina-Faso en 2014. Il avait tout fait auprès de Blaise Compaoré pour qu’il lâche les rênes de l’État burkinabé afin de permettre aux forces vives de procéder au toilettage qu’ils souhaitaient, la France lui garantissant même de hautes responsabilités à l’internationale. Hollande a dû se résigner à faire exfiltrer in extremis Blaise Compaoré vers la Côte d’Ivoire.

L’histoire a ses enseignements dont il faut tenir compte.

Amadou N’Fa Diallo
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