Le plan de sortie de crise au Mali a essuyé, mercredi 29 juillet, un triple revers : l’opposition a réclamé à nouveau le départ du président Ibrahim Boubacar Keïta, elle a rejeté la main tendue par le premier ministre et des députés ont refusé d’obtempérer à une demande de démission de la délégation des cinq présidents de la Communauté d’Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao). En outre, l’opposition va lancer dès le début du mois d’août une « deuxième phase de désobéissance civile », ont indiqué ses dirigeants lors d’une conférence de presse.
Réunis lundi en sommet extraordinaire, les dirigeants de la Cédéao avaient approuvé une série de recommandations pour dénouer la crise politique qui ébranle le Mali depuis juin. Ils avaient exclu le départ forcé du président Ibrahim Boubacar Keïta, dit « IBK » et lancé un appel à « l’union sacrée » des Maliens pour que le pays ne tombe pas dans le chaos. Ils avaient en outre brandi la menace de « sanctions » pour les récalcitrants. Deux jours plus tard, ils n’ont pas réussi à convaincre l’opposition, qui mène depuis deux mois le plus vaste mouvement de contestation du pouvoir au Mali depuis le coup d’Etat de 2012.
« Le seul mot d’ordre demeure la démission d’IBK et de son régime », a déclaré à la presse un des responsables de la coalition d’opposition du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), Choguel Maïga.
« Pas de demi-teinte »
« Les solutions de demi-teinte ne pourront pas régler le problème malien », a ajouté Ibrahim Ikassa Maïga, un autre des leaders de cette alliance hétéroclite qui rassemble des chefs religieux et politiques, ainsi que des membres de la société civile. Le premier ministre, Boubou Cissé, avait affirmé mardi midi que l’opposition était « fortement désirée » au sein du gouvernement d’union nationale qu’il a été chargé de former.
Il s’était ensuite rendu au domicile de la figure de proue du mouvement, l’imam Mahmoud Dicko, pour lui demander de « s’impliquer » afin que le M5-RFP accepte cette main tendue. « Je lui ai demandé de remettre sa démission, afin qu’on puisse former un vrai gouvernement d’union nationale », a expliqué le chef religieux lors de la conférence de presse de l’opposition. « Le Mali n’est ni un peuple soumis ni résigné. Il ne faut pas qu’on cherche à nous distraire. Il faut restaurer la nation malienne par les Maliens et pour les Maliens », a-t-il ajouté, critiquant les initiatives étrangères.
Le plan de sortie de crise de la Cédéao avait subi un autre coup dur un peu plus tôt dans l’après-midi quand une trentaine de députés, dont l’élection est contestée, ont annoncé qu’ils refusaient de démissionner comme le leur ont demandé les dirigeants ouest-africains. « Nous nous sommes concertés et nous n’allons pas démissionner. Notre Constitution est violée par la déclaration de la Cédéao », a déclaré à la presse un député du principal parti d’opposition, l’Union pour la république et la démocratie, Gougnon Coulibaly.
« Démission immédiate »
L’un des déclencheurs de la crise actuelle a été l’invalidation, fin avril, par la Cour constitutionnelle d’une trentaine de résultats des élections législatives de mars-avril, dont une dizaine en faveur de la majorité présidentielle. Cette décision, s’ajoutant au climat d’exaspération nourri depuis des années par l’instabilité sécuritaire dans le centre et le nord du pays, le marasme économique ou une importante corruption, a entraîné une série de manifestations pour réclamer le départ du chef de l’Etat.
Le 10 juillet, la troisième de ces manifestations contre le pouvoir a dégénéré en trois jours de troubles meurtriers à Bamako, les pires dans la capitale depuis 2012, faisant entre 11 et 23 morts selon les décomptes. La « démission immédiate » des députés dont l’élection est contestée, y compris le président du Parlement, Moussa Timbiné, et l’organisation de législatives partielles pour trancher ce différend font partie des mesures recommandées par les dirigeants de la Cédéao.
L’opposition a souligné que les représentants de l’organisation régionale réclament d’un côté un geste non prévu par la Constitution tout en rejetant de l’autre la perspective d’une démission du président Keïta au nom du respect de cette même loi fondamentale.
Le Monde avec AFP