Ancien Premier ministre de la transition de 1991 à 1992, Soumana Sako recadre les propos de Me. Mohamed Aly Bathily et Me. Kassoum Tapo, tous les deux anciens ministres de la Justice, sur la Constitution du Mali. Selon lui, lors des récents débats sur l’Ortm, ceux-ci ont affirmé des contre-vérités.
Notre Constitution du 12 janvier 1992 est le fruit d’un long processus véritablement participatif, démocratique et populaire. Partis politiques, y compris ceux revendiquant l’héritage de l’ancien régime, société civile, centrale syndicale, secteur privé, personnes-ressource dont d’éminents constitutionnalistes maliens -jeunes ou confirmés- y ont tous contribué. Le point culminant en fut la Conférence nationale, tenue du 29 juillet au 12 août 1991. En plus des catégories ci-dessus citées, ladite Conférence nationale a vu la participation des délégués du monde rural et des Maliens de l’extérieur;
D’aucuns confondent probablement l’Acte fondamental no1/CTSP ayant tenu lieu de Loi fondamentale du Mali pendant la Transition 1991/1992. Ledit Acte fondamental fut élaboré avant la nomination de votre serviteur comme Premier ministre, chef du Gouvernement. Quant à la Constitution du 12 janvier, nul ne peut en revendiquer la paternité. Il est proprement sidérant d’entendre, depuis 2017, des versions fantasmagoriques dignes de contes de fée pour jardins d’enfants. Pour l’Histoire, il est néanmoins utile de mettre en exergue le rôle important que certains cadres nationaux ont joué dans le processus d’élaboration et de finalisation de notre Constitution démocratique avant (notamment en qualité de membres de la Commission nationale de réflexion préparatoire que votre serviteur avait créée en avril 1991 en préparation de la Conférence nationale), pendant et après la Conférence nationale. Certains d’entre eux ont été rappelés à Dieu Le Tout-Puissant et Miséricordieux, notamment le Professeur Abdoulaye Diarra, qui fut le rapporteur de la Commission constitution de la Conférence nationale, Wamara Fofana, Secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre (plus tard promu ministre délégué en raison de sa compétence hautement appréciée de tous) et Me Demba Diallo. En sa qualité de Président de la commission Constitution du CTSP, c’est d’ailleurs lui qui aurait dû présider la commission Constitution de la Conférence nationale. Mais, en accord avec le chef de l’Etat, Président du CTSP, votre serviteur s’y est fermement opposé (M. Cyr Mathieu Samaké, présidant finalement la commission Constitution de la Conférence nationale) car, l’éminent avocat, dont l’éloquence et la verve en bamanakan aussi bien qu’en langue française sont unanimement reconnues, était déjà en pré-campagne présidentielle, et il n’était pas question de lui offrir un tel podium sur un plateau d’or (les débats en plénière étant retransmis en direct à la radio et à la télévision). Fort heureusement, certains cadres sont parmi nous, comme Madame Manassa Dagnoko, les anciens ministres Daba Diawara (Fonction publique et Travail), Abou Sow, Colonel Issa Ongoïba (ces deux derniers à l’époque membres du Cabinet de la Primature), Boubacar Gaoussou Diarra (Directeur de Cabinet du Garde des Sceaux, ministre de la Justice), Gaoussou Drabo (Directeur de publication de l’Essor, rebaptisé Quotidien national d’information), des membres du Cabinet du Ministre Wamara Fofana ainsi que d’éminents autres spécialistes du Droit public/Droit constitutionnel que le grand public a découverts avec satisfaction pendant la Transition démocratique. D’autres cadres, membres ou non du CTSP ont pu jouer un certain rôle soit auprès du Président du CTSP en raison de relations officielles ou personnelles avec celui-ci, soit au niveau de la commission Constitution de Me Demba Diallo, mais certains parmi ceux qui s’agitent le plus aujourd’hui n’ont joué aucun rôle pendant les travaux de la Conférence nationale ou n’y ont même pas participé.
La dernière mouture des textes fondateurs de la IIIème République (Constitution, Charte des partis et Code électoral) tels qu’adoptés en Conseil des ministres dans la perspective notamment du référendum constitutionnel initialement prévu le 1er décembre 1991 est le résultat d’une Commission d’une vingtaine de membres placée sous la présidence effective de votre serviteur, avec consigne ferme de ne pas remettre en cause les options fondamentales décidées par la Conférence nationale.
En temps opportun, lorsqu’il s’agira d’écrire l’Histoire de la Transition démocratique 1991/1992, nous reviendrons plus en détail sur ces aspects au moment où la crise politique actuelle semble favoriser la confusion, la manipulation des esprits et la désinformation.
Bamako, le 26 juillet 2020
Soumana Sako
Ancien Premier ministre
Chef du Gouvernement de Transition 1991/1992 de la République du Mali
Source : le tjikan