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Contribution, Bonne Gouvernance : Petit dictionnaire pour nous aider à comprendre
Publié le vendredi 7 aout 2020  |  L’Essor
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© aBamako.com par AS
Election du président de l`Assemblée Nationale du Mali
Bamako, le 11 Mai 2020, l`Assemblée Nationale du Mali s`est réunie en session inaugurale pour élire le Président au CICB. Photo: L`honorable Moussa Mara.
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C’est le mot à la mode en ce moment. Tout le monde parle de Gouvernance. Ceux qui s’opposent au pouvoir mais également les acteurs, eux-mêmes, au cœur du pouvoir. à toutes les occasions, où les Maliens se sont retrouvés pour évoquer la situation du pays, la mauvaise gouvernance s’est imposée comme la source de nos maux. Et lorsque les solutions sont réclamées, on mentionne toujours la bonne gouvernance parmi les actions à mener. Le dernier sommet de la Cedeao qui a préconisé certaines mesures pour la sortie de crise au Mali est également revenu dessus.

Pourtant, quand on interroge les uns et les autres, au-delà des idées générales (combattre la corruption, arrêter les détournements…) il y a très peu d’idées concrètes illustrant la Bonne Gouvernance. Il convient d’éclairer la lanterne des Maliens, et même des Africains, sur cette notion régulièrement évoquée mais peu pratiquée sous nos tropiques.

C’est l’idée principale de ce Petit dictionnaire de la Bonne Gouvernance qui, à travers quelques mots clés, donne un contenu pour aider à restaurer la confiance dans nos pays entre les leaders et leurs peuples. En effet, l’objectif fondamental de la Bonne Gouvernance est de restaurer et renforcer la confiance entre la base et le sommet pour consolider le tissu social et donner plus de chances à une collectivité face aux défis qui l’assaillent. Parcourons donc ce Petit dictionnaire !

A : Alternance
L’alternance doit être une valeur cardinale de notre République et même de notre société. Au-delà du président de la République, l’alternance est à imposer à la tête des partis politiques, des syndicats, des associations, des administrations publiques, des collectivités locales, au Parlement… La responsabilité est à appréhender comme momentanée avant de passer à autre chose.

B : Biens publics
Il faut sacraliser le bien public, le patrimoine public, l’espace public et la responsabilité publique. Cela est à engager depuis les bancs de l’école jusqu’au monde professionnel et plus généralement à tous les niveaux de la société. Nous devons promouvoir les bons comportements et sanctionner les mauvais. Il y a des symboles à cultiver en la matière comme la levée des couleurs, la généralisation des travaux collectifs communautaires et nationaux, etc.

C : Contre-pouvoirs
Les contre-pouvoirs doivent être soutenus pour être indépendants et représentatifs. Il faut éviter de les contrôler, les vassaliser, les appauvrir ou les discréditer. La presse, les syndicats, les journalistes d’investigations, la société civile sont à protéger et à organiser pour qu’ils deviennent forts. Il convient à cet effet de promouvoir l’auto régulation de la presse et supprimer tous les délits de presse. L’indépendance de la magistrature doit être consacrée, l’exécutif doit se retirer du conseil de la magistrature.

Les magistrats doivent pouvoir faire le ménage au sein de leur corporation. Il faut également soutenir l’opposition politique, l’aider à faire son travail, lui donner les moyens institutionnels, financiers et humains nécessaires. Il est souhaitable de lui donner la possibilité d’intervenir dans certains processus (concours de recrutement, sélections des cadres administratifs, marchés publics…) pour en vérifier la transparence.

D : Décentralisation
Une décentralisation véritable sera un facteur d’ancrage de la démocratie et la citoyenneté locales, points de départ de la démocratie et la citoyenneté nationales. Cela s’illustre par des collectivités locales ayant de vrais pouvoirs et des moyens (humains, matériels et financiers) adéquats pour gérer la vie locale, en partenariat avec une société civile impliquée. Cela se caractérise aussi par des collectivités dirigées par des équipes compétentes et évaluées par les populations qui ont le pouvoir de les sanctionner.

E : Évaluation
L’évaluation de l’action des décideurs par la base est indispensable. L’évaluation de l’administration par les usagers avec des conséquences sur la carrière des responsables administratifs est à institutionnaliser pour que les services publics soient réellement au service des populations. L’évaluation des leaders par leurs mandants est également souhaitable de même que la possibilité donnée à ces derniers de sanctionner celui qu’ils avaient choisi. Il faut donner la possibilité aux Maliens de mettre fin au mandat d’un élu à un moment donné et sous certaines conditions.

F : Famille à écarter du pouvoir
Il est impératif d’éloigner la famille des détenteurs du pouvoir, des postes à responsabilité ou encore des marchés publics. Cela nécessite la publication de la liste des membres de la famille et des proches des leaders, et de mettre en place un dispositif de surveillance de leur éloignement des postes à responsabilités et des possibilités d’accès aux marchés publics où leurs parents sont décideurs.

Cela signifie, par exemple, qu’aucun membre de la famille du chef de l’état n’occupera de poste public, ni ne pourra accéder à un marché public pendant son mandat. Cela signifie aussi qu’aucun membre de la famille ou proche d’un ministre n’occupera de poste dans son ministère, ou n’aura accès à un marché public de son ministère et de tous les services qui lui sont liés.

G : Gouvernance politique
Il faut structurer la gouvernance politique à travers des organisations politiques solides et représentatives. Les partis politiques doivent couvrir le pays, évoluer dans un environnement de contrôle de leurs activités et de leur fonctionnement, être exclusivement financés par l’état, tenir une comptabilité exhaustive (activités courantes et campagne électorale), ne pas dépasser un plafond de dépenses de campagne, faire l’objet d’audit avec comme but ultime de limiter le poids de l’argent et notamment de l’argent douteux dans la politique.

H : Humilité
Les gouvernants doivent être humbles, diminuer radicalement le train de vie de l’état et le faire savoir, revoir toutes les dépenses somptuaires (voyages, confort des responsables…), diminuer le protocole lors des événements, systématiser les vidéo conférences au lieu des missions, limiter les mises à disposition de biens au profit des indemnités forfaitaires, engager la cession des biens somptuaires (avions, véhicules de luxe…), baisser le standing dans les acquisitions de biens pour les responsables publics, diminuer le confort des voyages et séjours à l’extérieur, limiter fortement les évacuations sanitaires au profit des hôpitaux nationaux et donner l’exemple pour toutes les décisions de réduction du train de vie.

I : Impartial
L’état doit être et paraitre impartial dans la désignation des responsables et en toutes occasions, face aux usagers qu’ils soient puissants ou non.
Les passe-droits sont à supprimer en matière de respect de la loi qui est la même pour tous. L’état doit éviter de fausser la concurrence entre les opérateurs économiques en donnant des avantages indus à certains (exonérations, protections diverses…). Il doit créer les conditions pour agir pour tous et prendre des initiatives avec une égalité de chances.

J : Justice
La justice doit être fonctionnelle, efficace et équitable. Elle doit être accessible à tous les citoyens. Elle doit rendre ses décisions rapidement (délai à fixer pour chaque procédure). Elle doit avoir plus de moyens, avec des magistrats mieux formés et outillés. La justice doit être rendue sous la lumière avec la publication des décisions, l’organisation de conférences de parquets pour rendre compte du fonctionnement des tribunaux, des inspections régulières pour s’assurer de l’effectivité de la justice, et la publication des enquêtes d’inspection pour que le peuple sache que la justice rendue en son nom est juste.

K : Kiosque citoyen
Installer dans les villes des kiosques citoyens pour rendre accessibles les démarches administratives, faciliter les rapports entre les citoyens et l’administration, défendre les droits des citoyens. Ces kiosques seront à la charge des collectivités territoriales et animés par la société civile.

L : Lanceur d’alerte
Les lanceurs d’alerte (révélateurs de scandales) sont à soutenir et à encourager. Il convient de les inciter à dénoncer et de mettre en place un système de rémunération de toute dénonciation qui génère des revenus pour l’administration. Par exemple, l’application de la taxation sur les signes extérieurs de richesse sera suivie du versement d’une commission à celui qui a donné les informations permettant d’identifier les biens occultés et cela sans préjudice des poursuites pour enrichissement illicite.

M : Mobilisation des Maliens
Cette mobilisation est assurée avec le souci constant aux plus faibles et aux plus démunis. Il faut donner corps à la solidarité par des mesures de soutien aux plus pauvres : subvention de l’accès aux engrais et moralisation de ce dispositif, versement de ressources aux plus démunis sous forme de bourses familiales (au moins 100 000 familles avec 30 000 FCFA par mois soit 36 milliards à financer par la baisse du train de vie de l’état), généralisation du dispositif de l’assistance médicale aux indigents, meilleur accès des acteurs de l’informel au crédit et aux assurances (santé, retraite…). Il faut accorder plus de moyens aux démunis et financer cela par la réduction du confort des décideurs.

N : Numéro d’identification
Il convient de généraliser rapidement l’identification des personnes (état civil, fichier électoral, diplômes…) mais également celle des biens (les terres et le foncier à travers le cadastre, le patrimoine immobilier…). Le pays doit disposer d’un inventaire exhaustif de ses ressources humaines, matérielles, foncières…pour que ses politiques publiques puissent prospérer. Cela permettra, entre autres, de mieux asseoir la fiscalité et limiter les fraudes.

O : Objectif
Toute gestion publique doit se faire à la lumière d’objectif fixé et d’appréciation de son atteinte après une période, avec une suite à donner. La redevabilité, la promotion de la culture du résultat, la systématisation des contrats de performance à tous les niveaux, la publication des objectifs, la sanction des responsables défaillants et la promotion des responsables performants sont à instaurer.

P : Production locale
Il est urgent de prioriser les produits locaux et le consommer local dans la gouvernance publique. Les autorités publiques doivent acheter des biens et services locaux (activités culturelles, artisanat, industrie…), promouvoir les productions nationales et en faire une valeur cardinale de leurs actions.

Q : Qualifications
Les responsables publics, à tous les niveaux, doivent disposer de qualifications techniques, sociales, politiques et éthiques pour exercer leurs fonctions. Un responsable devra être choisi en fonction de sa crédibilité pour occuper son poste, aussi bien du point de vue social (légitimité, reconnaissance dans le domaine, soutien des acteurs…), que technique (compétence théorique, expériences pratiques, rigueur, sérieux) et éthique (réputation, parcours, profils, actes antérieurs posés, mœurs, honnêteté…). Il convient de systématiser les appels à concurrence pour pourvoir aux postes et instaurer un dispositif rigoureux, contradictoire et transparent assurant un choix judicieux pour chaque poste.

R : Renouvellement et rajeunissement
Le leadership notamment administratif doit être plus ouvert aux jeunes et à la diaspora malienne qui regorge de grandes compétences. à compétence égale, il faut retenir les plus jeunes, en tenant compte de la nécessité que le leadership doit refléter la jeunesse du pays (plus de 80% des Maliens n’ont pas 35 ans).

S : Simplification des règles
La simplification facilite la compréhension du fonctionnement public par le plus grand nombre. Le versement de « pot de vin » trouve souvent son origine dans la lourdeur, la bureaucratie et les règles compliquées. En standardisant les coûts et les règles et en le faisant savoir on limite les possibilités corruptrices. Il convient aussi de multiplier les possibilités de faire les démarches à travers les nouvelles technologies (digitalisation) et les rendre accessibles aux populations les moins alphabétisées.

T : Transparence
Institutionnalisons la transparence ! La transparence sur les hommes et la transparence sur les actes à travers notamment la publication des patrimoines des responsables, la publication de ce que chacun gagne normalement, la publication des parcours et profils, la publication des décisions prises (textes, actes…)… Il convient aussi d’assurer la transparence sur les dossiers judiciaires, la publication des actes, des décisions, des textes, partout et dans les langues nationales. Dans la même veine, la publication des objectifs assignés aux ministres et chefs de l’administration, la publication des contrôles, la généralisation de ces informations à travers Internet sont des pistes à explorer.

Le partenariat avec les acteurs de la presse pour mettre en lumière tout ce que l’état fait, la libération de la parole publique, le développement des débats dans la presse et les espaces publics, le soutien à l’indépendance de la presse, l’ouverture de la presse d’état à tous les opposants et aux contestataires, le renforcement de l’indépendance de la société civile sont des mesures à instaurer et à développer pour asseoir la transparence dans la vie publique.

U : Union
La Gouvernance vertueuse impose de prévoir. Il est impératif d’unir les Maliens autour d’un projet qui transcende les mandats politiques et qui s’imposera à tous. La Conduite d’un exercice national et populaire de planification à moyen terme pour concevoir une vision partagée objective et précise de notre pays sur 20 ans, vision qui servira de boussole au Mali de 2020 à 2040 et qui engagera chaque Malien, de l’intérieur comme de la diaspora, est indispensable.

V : Visible
L’administration doit être visible pour le citoyen partout sur le territoire. Nous devons faire en sorte que le citoyen où qu’il soit sur le territoire puisse avoir droit à un minimum de services (sécurité, justice, santé, éducation, administration civile, eau, énergie…). L’action de l’état, de la Région, du Cercle, de la Commune ou de la Ville est à animer avec cet objectif et les responsables doivent être évalués sur cette base. L’état doit être visible et le citoyen doit le sentir. Les responsables doivent être vus sur le terrain pour que les subalternes sentent la pression du résultat à produire.

Cela aidera aussi les populations à prendre conscience de leur implication, à les voir, à échanger avec eux. Le chef de l’état et ses ministres doivent donner le ton en la matière, être sur tous les terrains difficiles et suffisamment longtemps pour ramener l’ordre au bénéfice des populations.

W : Woyowayanko
Le nom de cette petite rivière qui coule au flanc de la colline de Lassa en Commune IV de Bamako jusqu’au fleuve Niger doit résonner chez les Maliens comme un motif de fierté nationale et fonctionner comme un des mythes fondateurs de notre pays. C’est au bord de cette rivière que les troupes de Samory ont pris le dessus sur les colonisateurs le 2 avril 1882. Chaque pays a besoin de s’adosser à des évènements de ce type pour se construire ou se reconstruire.

X : Xénophilie
La construction du pays ne se fera pas en s’enfermant, au contraire ! Il faut encourager l’ouverture à l’étranger, l’intégration africaine, la mise en commun des moyens entre les pays africains, notamment les voisins immédiats, pour faire face aux défis. Cette ouverture pouvant aller jusqu’à l’abandon partiel ou total de notre souveraineté comme l’indique l’article 117 de notre constitution.

Nous devons soutenir les initiatives symboliques en la matière comme des ambassades communes avec certains voisins, des départements ministériels communs avec certains pays, une entreprise commune pour exploiter un secteur d’activité (exemple du coton par exemple), l’interconnexion des réseaux électriques…

Y : Yeredon (se connaître en bambara)
La bonne gouvernance ne peut se soustraire des valeurs de civilisation qui rythment le quotidien des populations. Connaître son rôle, sa place dans la société, et forcer le respect des autres est une obligation dans notre société. Nous devons savoir faire usage de notre riche culture et de nos valeurs ancestrales pour asseoir une gouvernance vertueuse.

Z : Zana (proverbe en bambara)
Comme indiqué précédemment, les proverbes véhiculent d’excellents messages de citoyenneté et de construction collective. Nous devons savoir les mettre à profit pour promouvoir les comportements positifs, aussi bien chez les dirigeants que parmi la population.

Au sortir de cet exercice, il apparaît évident que la Bonne Gouvernance est d’abord une question de volonté. L’essentiel de ces mesures ne nécessitent ni un changement de la Constitution et encore moins une modification des Lois. Il suffit d’avoir la forte volonté de mettre les choses dans l’ordre et de révolutionner la manière de gérer la collectivité dans notre pays.

Cela nécessite également que les Maliens, au-delà des slogans, sachent imposer les changements indispensables de gouvernance. Quand les décideurs évitent de bien gérer, il appartient aux populations de leur imposer la bonne voie ou de les remplacer par d’autres qui feront ce qu’elles voudront.

C’est aussi cela la Bonne Gouvernance !

Moussa MARA

source: www.moussamara.com
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L’Essor N° 17187 du 17/5/2012

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