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Hivernage : Forte demande du charbon et du bois de chauffe
Publié le jeudi 13 aout 2020  |  L’Essor
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Ces deux matières sont prisées par les ménagères surtout en cette période hivernale

Le ciel est couvert ce vendredi. Il est 11 heures du matin. Les ménagères se précipitent pour rejoindre leurs domiciles. Sous la menace de pluie, le temps assombri fait penser à un coucher du soleil. Nous sommes au marché de Ouolofobougou, l’un des plus grands marchés de légumes de Bamako. Malgré une pluie diluvienne, le marché ne désemplit pas. Certaines clientes attendent patiemment sous le hangar de Kani Keïta. Elle distribue le charbon selon les commandes.




Couverte de poussière de cette matière, la sexagénaire n’a visiblement besoin de se protéger de la pluie ni de lever la tête pour voir ses clientes, seule la voix suffit. «À qui le tour ? Tu veux pour combien ?, lance la vieille. «Quatre cents francs cfa», répond la cliente.
En un clin d’œil le grand sachet est à moitié plein, mais la cliente est loin d’être satisfaite. Elle le fait savoir : «mais j’ai demandé pour 400 Fcfa. La vendeuse réplique : «Oui je sais. L’achat est emballé dans un grand sachet. C’est la même mesure». Et la vendeuse passe à la suivante. L’opération se reproduit. Une cliente qui demande pour 200 Fcfa trouve que la quantité de charbon qu’elle a reçue est insuffisante pour cuire son repas. Elle veut que la vendeuse reprenne la mesure. Ce qui est fait. Mais la cliente n’est pas toujours satisfaite. Elle a été obligée d’acheter plus de charbon avant de tourner dos à la vendeuse, la mine serrée.

Trônant au milieu des sacs de charbons déversés à terre, Kani Keïta n’a que faire de l’humeur de ses clientes. Surtout en cette période d’hivernage où la demande est très forte. La vendeuse travaille depuis plusieurs années dans ce domaine. Elle déplore les aléas en ces termes : «Le commerce de charbon, c’est comme un jeu de loterie. Souvent il y a plus de perte que de gain. Le sac est cher et contient beaucoup de saletés et de poudre», explique-t-elle. La vieille Kani s’approvisionne chez les grossistes à 4.250 Fcfa le sac de 100 kilos. «Après la vente, je recouvre à peine cet argent, souvent c’est à perte», déplore-t-elle, estimant que la saison des pluies n’est pas propice pour s’adonner au commerce de ce combustible.

En effet, quand le charbon est mouillé beaucoup de femmes n’achètent plus. Mais Kani se résigne à vendre le charbon pour ne pas rester inactive. Cependant, la vieille maman reconnaît qu’elle fait du profit dans ce métier en saison sèche. «Toutes les pertes enregistrées peuvent être rattrapées en saison sèche. C’est dans cet esprit que je quitte chaque jour, dès dix heures du matin Nafadji, pour me rendre au marché de Ouolofobougou», dit-elle.
Les propos de Kani sont soutenus par le plus grand commerçant de charbon de la place. Ibrahim Diakité gère plusieurs tonnes de sacs stockés à ciel ouvert dans un vaste enclos confectionné avec des vieilles feuilles de tôles. Cet endroit est incontestablement la plus grande réserve de charbon de bois au marché de Ouolofobougou.

La méthode de vente d’Ibrahim Diakité diffère des autres. Il vend le charbon par kilo, à l’aide d’une bascule. Le kilo fait 300 Fcfa. Ce prix convient apparemment aux ménagères. Selon ce distributeur, la cherté s’explique par la faible disponibilité des véhicules de transport liée à l’état de la route. En outre, pendant l’hivernage les villageois qui s’occupent de la production de charbon sont en plein travail champêtre. «Ici nous avons deux qualités de charbon. Le ‘’guélé’’ est un charbon dur. Il se vend à 6.000 Fcfa le sac de 100 kilos. Le sac du genre léger est donné à 4.500 Fcfa. La cherté n’est le seul problème en ce moment», affirme une ménagère. Si le charbon est mouillé, confie-t-elle, c’est parti pour toute une journée de calvaire. C’est pourquoi, elle opte pour le bois de chauffe qui est plus économique. Pour la ménagère, un sac de charbon ne couvre pas le mois. La même somme dépensée dans le bois couvre plus de temps, pense-t-elle.

Au même moment, Ama Tangara fait charger sa moto de bois. Cependant, il dit n’avoir aucune idée de la différence entre le charbon et le bois de chauffe. «Je ne sais pas pourquoi ma femme préfère le bois. Quand son stock est épuisé je viens en chercher. Elle utilise rarement le charbon», indique-t-il.
La saison des pluies est celle du bois ? En tout cas de l’avis de Mme Sidibé Sitan Traore, pendant l’hivernage et l’harmattan le bois se vend bien. «On peut écouler deux chargements de camion pendant le mois. Le tas de 300 Fcfa peut assurer la cuisson de deux marmites», assure-t-elle. Notre interlocutrice fait plus de profit quand plusieurs mariages sont programmés. «Les organisateurs n’ont pas le choix. Le bois est le plus indiqué», souligne-t-elle.
Sitan prend soin de couvrir ses marchandises avec des bâches pour les protéger de la pluie. Elle a raison. Le chargement de camion d’une valeur de plus de 500.000 Fcfa lui procure un bénéfice de 50.000 Fcfa.

1 MILLION DE TONNES

Selon une étude réalisée sur financement de l’USAID, la population de Bamako a doublé durant les 20 dernières années. Dans le même temps, la part du bois-énergie dans la consommation énergétique des ménages est restée stable et ce malgré les encouragements à l’utilisation d’énergies de substitution telles que le pétrole lampant ou le gaz. Le bois-énergie, sous forme de bois ou de charbon, représente encore 99% de la consommation énergétique des ménages urbains. En l’absence de source énergétique de substitution, la demande urbaine de Bamako en bois est fortement corrélée à la dynamique démographique. Comme celle-ci est forte et que dans le même temps, l’effort de régénération des ressources ligneuses est très faible, les pressions qui s’exercent sur les savanes en périphérie de Bamako sont fortes. «Plus de 1 million de tonnes de bois par an sont prélevés dans un rayon d’environ 200 km autour de Bamako», relève l’enquête.

Face à ces pressions, l’État, appuyé par les bailleurs de fonds internationaux, s’est engagé au début des années 1990 dans des projets promouvant un nouveau mode de gestion de ses ressources forestières. Ces nouvelles politiques appelées «Stratégies pour l’énergie domestique» (SED) visent à rééquilibrer la pression sur la ressource ; assurer un approvisionnement régulier des villes ; redistribuer plus équitablement les revenus du bois et favoriser des pratiques à faible impact sur le milieu.

Selon une autre étude nationale, la production de bois énergie au Mali est en général fonction de la demande des populations tant au niveau urbain que rural. Les productions de bois sont à environ 75% auto-consommées en milieu rural. Les 25% restants sont commercialisés au niveau des centres urbains.

Maïmouna SOW

Source : L’ESSOR
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L’Essor N° 17187 du 17/5/2012

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