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Rapport du vérificateur général sur les entrepôts maliens au Sénégal : Des irrégularités financières de 754 651 934 Fcfa dénoncées devant la justice
Publié le samedi 15 aout 2020  |  Aujourd`hui
Conférence
© aBamako.com par AS
Conférence de presse du Vérificateur Général
Le Vérificateur Général a animé le 2 Août 2019 une Conférence de presse sur le rapport 2018 de la structure.
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En vertu des pouvoirs que lui confère la Loi, le Vérificateur Général a initié la vérification financière de la gestion des Entrepôts Maliens au Sénégal (Emase), au titre des exercices 2016, 2017, 2018 et 2019 (1er semestre). Une mission qui a fait l’objet d’un rapport rendu public en début de semaine. Pendant la période sous revue, les recettes générées par les activités des Emase se chiffrent à 11 384 326 999 Fcfa et les dépenses effectuées sont de 8 118 324 895 Fcfa.
Les Entrepôts Maliens au Sénégal (Emase) sont un service extérieur rattaché à la Direction Nationale des Transports Terrestres, Maritimes et Fluviaux (Dnttmf). L’effectif actuel du personnel des EMASE est de 61 agents dont 16 fonctionnaires.

De janvier 2016 à juin 2019, plus de 13 millions de tonnes de produits de première nécessité comme le lait, le sucre, le riz et la farine de blé ainsi que des véhicules et des matériaux de construction sont rentrées au Mali en provenance du Sénégal.

Pendant la période sous revue, les recettes générées par les activités des Emase se chiffrent à 11 384 326 999 Fcfa et les dépenses effectuées sont de 8 118 324 895 Fcfa.

Les entrepôts maliens dans les ports de transit sont dirigés par des directeurs nommés par arrêté du ministre chargé du Transport sur proposition du directeur national des Transports terrestres, maritimes et fluviaux. Les entrepôts maliens du Sénégal comprennent un Bureau de Contrôle et de Sécurité en staff, deux services et deux antennes en ligne : le Service Statistique; le Service Administratif et Financier ; une antenne à Diboli ; une antenne à Mahinamine.

Les ressources des Emase proviennent des rémunérations de prestations portuaires, les intérêts des comptes de dépôts et les produits des pénalités. En plus, la Loi n° 90-106/AN-RM du 11 octobre 1990 portant création de budgets annexes auprès des Entrepôts Maliens au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Togo a doté les Entrepôts maliens d’un budget annexe alimenté par les ressources provenant des rémunérations de prestations portuaires effectuées par les entrepôts; des intérêts des comptes de dépôts ; du produit des pénalités ; des subventions d’Etat.

Ces ressources sont destinées à la couverture des frais de location des installations et terrains à la disposition des entrepôts maliens ; aux dépenses d’exploitation ; au financement du programme d’entretien, de renouvellement de leur équipement ; au remboursement du service de leur dette ; par ailleurs la mission a noté que les Emase accordent des subventions aux six (06) autres Entrepôts et à la Direction nationale des Transports terrestres, maritimes et fluviaux.

Les constatations et recommandations issues de la présente vérification sont relatives aux irrégularités administratives et financières.

Irrégularités administratives constatées

Elles relèvent du dysfonctionnement du contrôle interne. Les Entrepôts maliens disposent d’un manuel de procédures caduc La non mise à jour du manuel de procédures entré en vigueur le 30 mai 2011peut aboutir à une inefficacité dans l’exécution des opérations comptables et financières et au non-respect des procédures y afférentes des Entrepôts Maliens. Les Emase ne respectent pas le cadre organique des entrepôts maliens

La mission a constaté que l’effectif actuel des EMASE est de 61 agents au lieu 16 agents prévus par le cadre organique. A titre illustratif, le Service Statistique compte 15 agents alors que le cadre organique en prévoit quatre (4). Aussi, le chef de Service administratif et financier est de la catégorie B2 au lieu de la catégorie A comme prévue dans le cadre organique. Le non-respect du cadre organique peut empêcher l’atteinte des objectifs.

Les Emase ne font pas la retenue de l’impôt sur les traitements et salaires

La mission a constaté que le directeur des Emase, pour la période du 1er janvier 2016 au 30 juin 2019, soit 42 mois, n’a pas procédé à la retenue et au versement de l’impôt sur les Traitements et Salaires (ITS) de son personnel fonctionnaire et contractuel. En outre, des états de salaire du personnel n’ont pas été fournis à la mission pour les exercices suivants : pour 2016 : avril, août et décembre ; pour 2017 : avril, juin et septembre ; et pour 2019 : avril et mai. La non-retenue de l’impôt sur les traitements et salaires prive l’Etat d’une partie de ses ressources.

Le chef du Service administratif et financier ne tient pas une comptabilité-matières régulière

La mission a constaté que le chef du Service administratif et financier, Comptable-matières, ne tient pas une comptabilité-matières régulière. En effet, les documents suivants ne sont pas tenus : le livre journal matières ; le compte de gestion des matières ; l’état d’inventaire ; le Bordereau d’affectation du matériel ; le Bordereau de mise en consommation des matières et l’Ordre de sortie du matériel.

De plus, l’Ordre d’entrée du matériel (OEM) n’est pas établi pour certaines dépenses.

Par ailleurs, il n’a pas procédé à l’inventaire des matériels et matières des Emase et aucun matériel n’est codifié. La tenue irrégulière de la comptabilité-matières ne permet pas de s’assurer de la bonne gestion du patrimoine des Emase.

Le directeur des Emase ne respecte pas des dispositions du Code des marchés publics

Douze (12) contrats de marché conclus par les Emase ne font pas apparaitre la mention relative à la date de notification. En outre, les Emase ont établi, pour les achats inférieurs au seuil de passation de marché sur la période sous revue, 37 contrats simplifiés en lieu et place des marchés qui devraient être conclus selon les procédures de Drpr.

Par ailleurs, les Emase n’enregistrent pas systématiquement dans un registre la réception des plis des soumissionnaires suite à des appels d’offres. Le non-respect des dispositions du Code des marchés publics ne permet pas de s’assurer de la transparence dans la procédure de conclusion des contrats et celle de la réception des plis.

Le directeur des Emase fait exercer la fonction de comptable public par un agent non habilité

La mission a constaté que le Chef de parking de Mbao procède à la collecte et au versement des recettes dans le compte bancaire des Emase en lieu et place d’un comptable public.

Mbao est une zone affectée aux Emase par les autorités sénégalaises par la convention conclue le 26 janvier 2019 entre le port autonome de Dakar et les Emase pour exploiter le nouveau parking d’attente moderne des camions en provenance du Mali. Ainsi, sans avoir accompli les mêmes obligations et responsabilités d’un comptable public, le chef de parking de Mbao s’adonne à la garde et à la conservation des fonds publics, au maniement des fonds, à la conservation des pièces justificatives des opérations et des documents de la comptabilité. Le maniement de fonds par un agent outre qu’un comptable public peut favoriser une mauvaise gestion des ressources publiques.

L’Agent comptable et les régisseurs des Emase n’ont pas rempli les obligations légales nécessaires pour leurs prises de fonction

La mission a constaté que l’agent comptable et les régisseurs des Emase, avant leur entrée en fonction, n’ont ni constitué la caution de garantie ni prêté serment devant le juge des comptes conformément à la réglementation en vigueur. Il s’agit : de l’Agent comptable pour la non-prestation de serment malgré la Lettre n°182/EMASE du 07 août 2017 des Emase adressée à la Direction Nationale du Trésor et de la Comptabilité Publique pour l’organisation de ladite prestation ; du Régisseur de recettes de la Direction des Emase pour la non-prestation de serment et le non-paiement de la caution ; et du Régisseur de recettes de l’antenne de Diboli pour la non-prestation du serment. L’absence de prestation de serment et la non constitution de cautions par l’agent comptable et les régisseurs ne permettent pas de couvrir les Emase en cas de pertes financières.

Recommandations formulées par le Vérificateur général

Suite à ces constatations d’irrégularités administratives, des recommandations ont été faites par le Vérificateur général au Ministère des Transports et de la Mobilité Urbaine ; au directeur national du Trésor et de la Comptabilité Publique ; au directeur général des Impôts et au Directeur des Emase et au Chef du Service Administratif et Financier des Emase. Lesdites recommandations sont faites en vue d’apporter des améliorations nécessaires pour une meilleure utilisation des ressources des Emase.

Irrégularités financières

Le montant total des irrégularités financières constatées s’élève à 754 651 934 Fcfa.

L’Agent comptable n’a pas recouvré tous les rejets de chèques

La mission a constaté que parmi les neuf (09) chèques retournés impayés pour insuffisance de provision, huit (08) ont été régularisés par leurs émetteurs au cours des jours qui ont suivi le rejet soit par émission d’un autre chèque soit par paiement en espèces. Cependant, le chèque d’un montant de 1 950 000 FCFA rejeté le 22 janvier 2018 n’a pas encore été régularisé par son émetteur à la date du passage de la mission.

Le chef du Service administratif et financier a produit des comptes qui ne reflètent pas la sincérité et la réalité

La mission a constaté que les comptes annuels constitués des certificats de recettes et des comptes administratifs produits par le chef du Service Administratif et Financier ne sont pas conformes aux recettes et dépenses effectuées. En effet, les certificats de recettes ne donnent pas l’exhaustivité des encaissements effectués et reversés dans les comptes bancaires. Il ressort du rapprochement des certificats de recettes et des relevés bancaires un écart de recettes encaissées en banque mais qui n’apparaissent pas dans les certificats pour les exercices 2016,2017 et 2018.

Aussi, le montant total des mandats payés, pour les exercices 2016, 2017 et 2018, comptabilisés dans les comptes administratifs est inférieur au montant total des dépenses effectuées sur les comptes bancaires de 208 790 307 Fcfa. Pratique qui montre que certaines dépenses des Emase ne respectent pas les procédures des dépenses publiques notamment l’engagement, la liquidation et l’ordonnancement.

L’incohérence entre les écritures comptables et la réalité des opérations met en doute la sincérité des opérations de recettes et de dépenses réalisées par les Emase.

Le directeur et l’Agent comptable ont minoré des redevances

Les recettes au titre des redevances de prestations, n’ont pas été calculées pour l’ensemble des marchandises ayant transité par le port en provenance ou à destination du Mali. En effet, la valorisation des quantités mentionnées dans les rapports statistiques donne un montant de 6 576 848 271 Fcfa alors que le total des montants inscrits sur les certificats de recettes est de 6 310 929 876 Fcfa soit un écart de 265 918 395 Fcfa.

Le directeur des Emase a irrégulièrement utilisé les installations portuaires au profit d’autres pays de la sous-région

Le directeur des Emase a irrégulièrement utilisé les installations portuaires destinées exclusivement aux marchandises en provenance ou à destination du Mali, pour le débarquement des marchandises d’autres pays de la sous-région tels que la Côte d’Ivoire, le Ghana, la Guinée Conakry, le Niger… Aussi, ces prestations n’ont pas fait l’objet de facturation au titre des redevances pour la coordination des activités des transports et de transit. Il s’agit de 530 911,46 tonnes sur la période sous revue. Le montant total de la redevance non-facturée s’élève à 265 455 732 Fcfa.

Le chef du Service administratif et financier n’a pas exigé le remboursement des frais de missions non effectuées

La durée effective de certaines missions évaluée à travers les visas au départ et au retour est inférieure au nombre de jours payés suivant les ordres de mission y afférents. Le montant total des jours d’indemnité non remboursés s’élève à 4 325 000 Fcfa.

Le directeur a ordonné et le chef du Service administratif et financier a payé des indemnités de déplacement et de mission indues

La mission a constaté que le Directeur a ordonné et le Chef du Service Administratif et Financier a payé des indemnités de déplacement et de mission indues. En effet, les taux journaliers payés aux missionnaires sont supérieurs aux taux réglementaires fixés par catégorie. Le montant total de ces majorations irrégulières s’élève à 3 062 500 Fcfa.

Le chef du Service administratif et financier n’a pas justifié des indemnités de déplacement et de mission

Le chef du Service administratif et financier a payé des indemnités de déplacement et de mission qui n’ont pas été justifiées par les ordres de mission visés et/ou les cartes d’embarquement conformément à la réglementation en vigueur. Le montant total des indemnités irrégulièrement justifiées s’élève à 5 150 000 Fcfa.

Transmission et dénonciation de faits à la justice

Des faits ont été transmis et dénoncés par le Vérificateur général au président de la Section des comptes de la Cour Suprême et au Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de la commune III du district de Bamako chargé du Pôle économique et financier. Le montant cumulé des faits dénoncés atteint le montant de 754 651 934 Fcfa.

Amadou Bamba NIANG
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