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Un putsch pro-impérialiste au Mali renverse le président Keïta
Publié le samedi 22 aout 2020  |  wsws.org
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© aBamako.com par DR
De la mutinerie au coup d`Etat
De Kati à Bamako le 18 août 2020. Des militaires du camp Soundiata Keita de Kati ont manifesté leur mécontentement avec des armes pour ensuite se diriger vers Bamako où ils sont allés mettre fin au régime IBK.
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Un coup d’État mardi a renversé le président malien Ibrahim Bouba Keïta, haï des Maliens pour sa complicité dans le bain de sang provoqué par l’occupation française du Mali lancée en 2013. Le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), lié à l’imam Mahmoud Dicko et hostile à Keïta, organise aujourd’hui des manifestations dans la capitale, Bamako pour fêter sa chute.
Il est nécessaire de lancer un avertissement catégorique sur la nature de ce coup. Mené par un Comité national pour le salut du peuple (CNSP), il n’est pas dirigé contre l’occupation française du Mali lancée en 2013, qui a enfoncé le pays dans de sanglants conflits ethniques instrumentalisés par Paris. Le CNSP a déclaré sa loyauté aux forces françaises de l’Opération Barkhane. Sa cible est la montée de l’opposition parmi les travailleurs et les masses opprimées au Mali et à travers l’Afrique à l’impérialisme et à l’incapacité des autorités à faire face au COVID-19.
Selon le site d’informations malien Bamada, la mutinerie a commencé vers 8h au camp militaire de Kita, d’où était parti le coup d’État en 2012 qui a préparé l’intervention française l’année suivante. Les mutins ont verrouillé le quartier administratif de Bamako et appelé les services publics à fermer avant d’entrer en discussions avec d’autres unités de l’armée.
Vers midi mardi, les mutins étaient en difficulté face aux troupes des Forsat (Forces spéciales anti-terroristes), qui avaient déjà réprimé plus manifestations appelées par le M5-RFP à Bamako. Des reportages circulaient sur les réseaux sociaux que les mutins avaient été arrêtés, ainsi que le ministre de la Défense, le général Ibrahmi Dahirou Dembélé. Ce dernier, devenu chef des armées suite au coup de 2012, serait à présent un des dirigeants du régime putschiste du CNSP.
Vers 13h mardi, Oumar Moriko, le chef du parti SADI (Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance), lié au Nouveau parti anticapitaliste (NPA) petit-bourgeois en France, a lancé un appel aux jeunes de Bamako à se mobiliser derrière les putschistes.
Alors que des jeunes saccageaient les résidences de plusieurs dirigeants-clé du régime Keïta, plusieurs unités militaires ont rejoint les mutins. A 16h, ceux-ci ont arrêté Keïta ainsi que le premier ministre Boubou Cissé qu’ils ont interné au camp de Kita. Ils ont ensuite annoncé qu’ils s’entretenaient avec Dicko et qu’ils feraient une déclaration au courant de la soirée.
Pourtant, ce n’est que vers minuit que Keïta a pris la parole pour annoncer brièvement une «décision de quitter mes fonctions, toutes mes fonctions à partir de ce moment, et avec toutes les conséquences de droit, la dissolution de l’Assemblée nationale et celle du gouvernement.»
Mais alors que le M5-RFP présentait le putsch aux Maliens comme un soulèvement populaire contre les exactions commises pendant la guerre au Mali pendant la présidence de Keïta, la junte CNSP rassurait Paris et ses alliés. Colonel Ismaël Wagué, porte parole du CNSP a pris la parole vers 3h mercredi pour insister que les putschistes rétabliraient l’ordre face aux manifestations de plus en plus nombreuses contre la guerre française au Mali, et que le CNSP travaillerait avec les troupes de l’Opération Barkhane.
Wagué a déclaré: ««Depuis un certain temps, la tension politico-sociale mine la bonne marche du pays. … Le Mali sombre de jour en jour dans le chaos, l’anarchie et l’insécurité par la faute des hommes chargés de sa destinée.» Il a souligné que la CNSP invite «tous les regroupements syndicaux et socio-politiques à la retenue.»
Il a évoqué les sévices violents et les tensions inter-ethniques qui ont accompagné les opérations des troupes d’occupation françaises au Mali: «Des villages entiers sont brûlés, de paisibles citoyens massacrés et nous déplorons tous les jours la perte de nos compagnons d’armes. L’horreur est devenu le quotidien du Malien.»
Toutefois, il a souligné que l’armée malienne continuerait son étroite collaboration avec les troupes françaises de Barkhane et leurs alliés de l’ONU (Minusma) et des pays du Sahel: «Nous demandons aux organisations sous-régionales et internationales de nous accompagner pour le bien-être du Mali. La Minusma, la force Barkhane, le G5 Sahel, la force Takuba demeurent nos partenaires pour la stabilité et la restauration de la sécurité. S’adressant à vous, frères d’armes, nous vous exhortons à assurer la continuité de vos missions régaliennes et opérationnelles.»
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Les autorités européennes ont à peine masqué leur soutien pour le coup. Le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté pour la forme une déclaration qui critique les putschistes et appel à rétablir un gouvernement élu dans un avenir indéterminé. Cette déclaration souligne «la nécessité pressante de rétablir l’Etat de droit et d’aller vers un retour de l’ordre constitutionnel».
Emmanuel Macron, réuni en vacances au fort de Brégançon avec la chancelière allemande Angela Merkel dont les troupes appuient la force Barkhane, a insisté que les critiques du coup d’État ne devraient pas stopper la collaboration des troupes françaises avec l’armée malienne. Après avoir brièvement critiqué le putsch, il a ajouté: «Mais nous n'avons pas à nous substituer à la souveraineté malienne. … Rien ne doit nous divertir de la lutte contre les djihadistes.»
Le Monde a presque applaudi le coup, en écrivant dans un éditorial que «Le moins que l’on puisse dire est que la chute d’‘IBK’ n’aura suscité aucun regret à Paris.» Se plaignant de la «vague de contestation» qui secouait le Mali, le journal a ajouté: «La visite à Bamako, fin juillet, de cinq chefs d’Etat d’Afrique de l’Ouest venus tenter d’aider leur collègue malien à trouver une solution – et sans doute inquiets d’un possible effet de contagion – s’était soldée par un échec. Les jours d’‘IBK’, dès lors, paraissaient comptés.»
En effet, une vague international de grèves et de manifestations opposées aux interventions impérialistes de la France et de ses alliés européens secoue l’Afrique. Les grèves d’enseignants et de cheminots maliens ainsi que de nombreuses manifestations pour exiger le retrait des troupes françaises du Mali ont ébranlé Keïta. 2019 a vu un mouvement de masse des travailleurs et des jeunes algériens contre la dictature militaire, et les manifestations montent en Côte d’Ivoire contre le président Alassane Ouattara, installé au pouvoir par une intervention militaire française en 2011.
L’opposition internationale à l’impérialisme des travailleurs et des masses opprimées d’Afrique ne trouve aucune expression véridique dans la classe politique africaine. Lutter contre les guerres impérialistes exige la construction d’un mouvement international socialiste de la classe ouvrière africaine, qui pour lutter contre le pillage et les guerres impérialistes en Afrique ferait appel à la solidarité de classe des travailleurs européens en lutte contre l’austérité et les politiques d’État policier.
Le rôle cynique de SADI, de Dicko et du M5-RFP est un avertissement: ils ont été complices d’un putsch pro-impérialiste, qu’ils tentent à présent de le faire passer pour un soulèvement populaire.
Après le putsch, Dicko a tenté de minimiser son rôle et a assuré au micro de Radio France Internationale qu’il n’avait plus aucune ambition pour les prochaines présidentielles: «En 2023, je ne serai candidat de rien!» Cette intervention a provoqué au site web Sénégal7 la remarque que «Le M5 fait le boulot, les mutins s’arrogent les résultats».
En fait elle souligne surtout que Dicko a servi de truchement à l’impérialisme français, dont les troupes au Mali suivaient de près la situation politique et ont décidé de ne pas intervenir pour tenter de sauver Keïta. Tout indique que c’est en fait un coup «made in France».
En juillet Le Monde a publié une tribune que applaudissait l’imam francophone et déclarait: «L’imam Dicko peut offrir une porte de sortie à la France au Mali». Le journal pousuivait, «L’imam Dicko est un politicien habile, conscient des rapports de forces. Il représente une possibilité de négocier la paix avec les groupes djihadistes. … Rappelons-nous qu’après dix-huit ans de guerre, les Américains ont finalement dû composer avec les talibans.»
Quant au général putschiste Dembélé, formé selon sa biographie officielle à l’Ecole d’Application de l’Infanterie de Montpellier en France aux années 1990, ses services pour l’impérialisme français lui ont valu la Médaille d’Or de la Défense nationale française et la décoration de Commandeur de l'ordre national du Mérite français.
Il n’est pas difficile de prévoir qu’une junte dirigée par de pareilles figures se prépare à se retourner contre les travailleurs et les jeunes maliens hostiles à l’occupation française de leur pays.
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