Dans une lettre ouverte, notre compatriote Fousseyni Diarra, résident à Dakar, interpelle fortement le Comité National pour le Salut du Peuple et le M5… Lisez plutôt !
L’heure est grave certes, mais le climat social est détendu, alors pas de place au triomphalisme, aux injures encore moins à l’arrogance, ni à la chasse aux sorcières.
La particularité des coups d’Etat militaire réside en ce qu’ils s’habillent le plus souvent du nom du genre « Comité Révolutionnaire de Peuple, etc. » et c’est nous, le tristement célèbre « Comité Militaire de Libération Nationale » mis en place le 19 Novembre 1968, après son installation à la tête de l’Etat, le peuple assistait impuissant à des vagues d’arrestations et d’emprisonnements, d’assassinats et de déportations vers les geôles du Kidal et Taoudénit. Et, pendant 23 ans, le peuple vivait dans la misère et le dénuement total. Les libertés bafouées, la corruption monnaie courante, le peuple bâillonné. La capitale, Bamako, la souriante, la chantée, était devenue un immense dortoir. Le Mali vivait dans un Etat de paranoïa à cause du coup d’Etat, notamment au sein même du CMLN, avec des purges sanglantes. Ils étaient au départ quatorze (14) pour finir à trois (03) ou quatre (04) à l’arrivée.
Le 22 mars 2012, coup de tonnerre, des égarés à l’ambition utopique, au motif de bouter les djihadistes dehors, dévalisaient en lieu et place, le trésor, les douanes et les banques pour se servir au lieu de servir l’Etat, au grand dam de la population médusée, mais surtout détruire ce que le Mali avait acquis au prix du sang et qui était devenu son apanage « sa démocratie »
Chers frères du CNSP, vous avez évoqué, pour justifier votre action, les griefs retenus, et dérouler votre feuille de route.
Vous pouvez constater aisément qu’il y a une similitude parfaite et des préoccupations identiques avec celles du M5-RFP qui, pendant des mois, a mobilisé les populations au péril de de leur vie pour aboutir à ce que vous avez accompli et parachever ce qu’il a entamé. Mais je ne saurai passer sous silence sans vous rappeler que pendant 23 ans, le Mali vivait une dictature atroce et traumatisante. C’est alors que notre jeunesse, vibrante, ardente s’offrit en agneau de sacrifice avec comme seul bouclier face aux balles meurtrières des soldats, sa foi et son cri de « Vive la liberté ! ». Plus de 250 morts, les artères rougies de sang avec des mères affolées hurlant de douleur, les corps ensanglantés de leurs fils dans les bras, qui rendaient leur dernier souffle. Horreur et terreur se conjuguaient au quotidien. Vous avez sûrement, par votre action et au vu de la détermination du M5-RFP soutenu par le peuple, évité un tel scénario macabre.
Un soir du 26 mars 1991, un homme pétri de valeur et du don de soi au moment où tout espoir avait disparu, allait mettre fin à cette dictature avec la promesse de rendre le pouvoir aux civils après des élections libres, démocratiques et transparentes. A l’énoncé d’une telle décision, beaucoup riaient sous cape et disaient « Il nettoie la maison Mali pour s’y installer confortablement une fois qu’elle sera propre. » Votre vieux serviteur en faisait partie. Ce ne fut pas le cas, car à la survenue de l’échéance, ATT de son nom, après avoir organisé une élection démocratique réussie avec Alpha Oumar KONARE comme vainqueur et suite à une cérémonie de passage de flambeau sobre mais pleine d’émotions, partit comme un anonyme, humble et digne avec la satisfaction du devoir accompli et de la promesse tenue. Le Mali devint le deuxième pays le plus démocratique d’Afrique après le Cap Vert, selon les experts du monde entier. Moi qui vous parle, je marchais d’un pas alerte et le torse bombé, tant j’étais fier de mon pays, au lieu de raser le mur comme je le fis pendant ces sept dernières années.
Au CNSP, puisse cet exemple vous inspirer, vous guider avec comme sacerdoce humilité ! Pas d’instinct de domination, ni d’égo exacerbé, encore moins d’appât de gain aiguisé, pour mieux aider à combattre ce que le M5 et vous avez identifié comme griefs ayant causé la déliquescence des institutions afin que votre coup d’Etat soit un coup d’éclat.
Il est réconfortant de constater que votre appel au M5 ait été entendu, car vouloir l’ignorer aurait été une grossière erreur. Le Mouvement du 5 juin 2020 fut dans la lutte avant que vous n’y soyez. Mais surtout vous appropriez ce que disait le Général Napoléon BONAPARTE devenu empereur je cite « Les armées ne suffisent pas pour sauver une nation, tandis qu’une nation défendue par le peuple est invincible ».
En œuvrant ensemble vous aurez une responsabilité historique et occasion ne pouvait être plus favorable ni moment plus propice pour écrire une des plus belles pages de notre histoire au bénéfice de nos enfants et petits-enfants.
A propos de la CEDEAO… On ne sanctionne pas le peuple !
J’écrivais déjà à ce sujet une contribution à la date du 19 juin 2015 dans le journal Le Quotidien à Dakar dans lequel je disais ceci : « Aujourd’hui, sur le continent foisonnent des docteurs, des professeurs, des experts et d’éminents constitutionnalistes, etc. Et certains occupent des responsabilités à des niveaux élevés qui déterminent la marche et l’avenir de ce monde hostile des hommes et dans lequel leur présence n’est plus considérée comme une intrusion ». C’est l’occasion pour moi de leur suggérer à prendre à bras de corps la problématique de la révision de nos constitutions quant au nombre de mandats et la gestion des manifestations du peuple suivies de coups d’Etat. La récurrence de ces phénomènes offre parfois le spectacle affligeant frisant le ridicule mais qui malheureusement se transforme parfois en charniers.
L’Afrique de l’Ouest est assise sur un volcan, que dis-je, sur une chaîne de volcans dont les éruptions n’entraîneront que morts et désolation. La CEDEAO a atteint ses limites objectives avec un mécanisme vieillissant qui ne s’est pas adapté aux exigences de l’évolution du temps.
Sinon, comment comprendre que l’on veuille affamer tout un peuple qui a manifesté son rejet et son désamour pour un gouvernement et son Président suite à la dégradation de l’Etat ? Un pan entier de ce peuple est considéré comme réfugier dans son propre pays. On ne sanctionne pas un peuple, on ne l’affame pas, on le soutient. Et personne n’a l’exclusivité de la vérité, fût-il chef d’Etat.
La CEDEAO doit revoir sa copie et procéder à une relecture de ses textes vieillissants et les adapter aux réalités objectives du moment. Elle doit, dès maintenant, adopter une démarche cohérente et agressive en prévision des événements douloureux qui vont se produire inéluctablement dans la sous-région, au lieu de faire les pompiers ou le médecin après la mort. Nos vieux sages nous ont appris que si tu empruntes le chemin « je m’en fous », il te mènera au village de « si je savais ». Alors, réveillez-vous dès maintenant.
Et encore une fois, ATT, creuset de sagesse, avait raison en disant ceci : « La CEDEAO n’est pas la CEDEAO des Présidents, mais la CEDEAO des peuples. » Qu’hommage lui soit rendu pour une telle pertinence !
Messieurs du CNSP et M5RFT, votre tâche est ardue et complexe, et c’est parce que c’est difficile que le destin vous a choisis. Le Mali est un grand pays tant par sa géographie que par son histoire, le Mali est un beau pays par sa diversité culturelle. Le Mali a un grand peuple parce que jamais fataliste ni résigné. Sauvez le Mali !
Que Dieu vous protège et vous bénisse afin que vive le Mali en paix !