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Gestion des Entrepôts Maliens en Côte d’Ivoire (EMACI) : Plus de 2 milliards FCFA de malversations financières dont 360 millions de redevance maritime non reversés
Publié le jeudi 27 aout 2020  |  Nouveau Réveil
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La gestion financière des Entrepôts du Mali en Côte d’Ivoire (EMACI) est sans appel : surfacturations à la pelle, vols et détournements de fonds. Auxquels s’ajoute, l’autoconsommation des recettes de la structure, d’année en année. Au tant de pratiques qui selon le rapport d’audit financier du vitrificateur ont précipité la représentation diplomatique du Mali à Rome dans l’abîme. Avec à la clé, un trou béat de 2,595 milliards FCFA (2 595 911 144F) dans la caisse pendant les exercices 2016, 2017, 2018 et 2019 (1er semestre).

Élaboré par des experts, chargés de faire toute la lumière sur la gestion calamiteuse de ces fonds, ce dossier épingle le Directeur des Entrepôts malien en Côte d’Ivoire, M. Mahamadou Dembélé. Mais aussi, ses complices.

À l’issue de leurs investigations, les enquêteurs sont tombés, à leur corps défendant, sur des zones d’ombre dans la gestion de ces 2,595 milliards de francs CFA.

Les EMACI, entre guillemets

Les Entrepôt malien en Côte d’Ivoire dans son histoire n’a jamais connu une telle hémorragie financière. Pire, il n’a jamais été confié à une personnalité aussi controversées que l’actuel DG, M. Mahamadou Dembélé. Les caisses ont coulé. Comme le fleuve Niger dans son lit. Et les malversations ne sont pas comptabilisées en dizaine de millions. Mais en milliards de nos francs.

Les EMACI de 2016 au 1er semestre de 2019 n’ont pas seulement perdu de leur superbe. Ils ont été vidés de leur âme, vendu au diable. Et jusqu’aujourd’hui, son DG Mahamadou Dembélé, n’affichent qu’une image de ruine et de désolation. Et pour cause : jamais, les gaffes au sein de ce service public malien n’ont atteint un tel degré.

Les irrégularités financières relevées dans la gestion des Emaci sont relatives à l’absence de montants importants dans la collecte, au non reversement et à la non-déclaration des recettes.

Dysfonctionnement du système de contrôle interne

À en croire le rapport d’enquête du BVG, les recettes des EMACI ont évolué de 852 940 206 FCFA en 2016 à 1 689 923 657 FCFA en 2018, soit un accroissement de 98,13 %. Ainsi, les dépenses sont passées de 797 619 373 F en 2016 à 1 222 020 164 F en 2018, soit une augmentation de 53,21%.

En ce qui concerne les irrégularités administratives, la mission révèle que celles-ci sont relatives au dysfonctionnement du système de contrôle interne. En effet, il ressort que le Ministre chargé des transports et le Directeur des EMACI ne respectent pas le cadre organique parce que les profils des deux chargés de statistiques ne correspondent pas à ceux définis par le cadre organique.

En effet, il y a un agent de plus au Service administratif et financier qui n’occupe aucun poste puisque tous les postes sont déjà pourvus. En plus, son profil ne correspond à aucun poste dudit service. Aussi, il manque respectivement un chargé de statistiques au niveau du Service de statistiques et un chargé de contrôle et de sécurité au niveau du Bureau de contrôle et de sécurité (Bcs). Pire, cette situation influe négativement l’efficience de la prestation du personnel.

Il ressort des enquête que le Directeur des EMACI a conclu une convention irrégulière avec la CMDT car le Décret n°07-074/P-RM du 08 mars 2007, instituant les redevances au titre des prestations dans les Entrepôts maliens dans les ports de transit, dispose en son article : « Le taux des redevances pour l’entreposage des marchandises dans les installations portuaires du Mali (terre-pleins et magasins) est fixé comme suit : Tout produit autre que céréales, farines, engrais, dons alimentaires et véhicules 80 Fcfa/Tonne/jour ». Alors que la Convention de mise à disposition d’espace portuaire EMACI-CMDT signée, le 25 janvier 2017, entre la Compagnie malienne pour le développement des textiles (Cmdt) et les Entrepôts Maliens en Côte d’Ivoire (EMACI) stipule que les Emaci s’engagent à ne recevoir dans ces locaux aucune autre marchandise que les balles de coton et, d’une manière générale, toutes marchandises entrant dans les activités de la CMDT.

Également, il est établit que l’entreprise Bolloré qui gère les magasins ne fournit pas les informations suffisantes et nécessaires au contrôle des mouvements de marchandises dans les installations portuaires du Mali en Côte d’Ivoire. En effet, l’entreprise Bolloré a refusé de fournir aux contrôleurs la situation des mouvements de marchandises en 2016, alors que plus de 100 véhicules ont été déchargés dans les magasins des EMACI pendant cet exercice. En plus, les limiers ont constaté que les marchandises restent plus longtemps que les délais de franchise, ce qui nécessiterait des facturations supplémentaires. Ainsi l’ensemble des stocks de 2017 n’a été intégralement apuré qu’au 02 mars 2018 et celui de 2018 qu’au 13 février 2019. Et d’ajouter que des marchandises peuvent faire plus de 100 jours en stocks avant leur sortie.

Ouverture de comptes bancaires sans autorisation

Au cours de la mission, il a été noté que le directeur des Emaci a ouvert des comptes bancaires sans l’autorisation du ministre chargé des Finances. Alors que l’article 60 du Décret n°2014-0349/P-RM du 22 mai 2014 portant règlement général sur la Comptabilité publique dispose que: “Les fonds détenus par les comptables publics sont gérés selon le principe de l’unité de caisse. Un poste comptable dispose, d’une seule caisse, d’un seul compte courant bancaire quel que soit le nombre d’unités administratives dont il assure la gestion”. Et l’article 61 du même décret précise : “[…] Toutefois, le ministre chargé des Finances peut autoriser l’ouverture de comptes sur le territoire national, à la Bceao ou dans une banque commerciale pour y déposer les fonds mobilisés dans le cadre de conventions de financement des bailleurs de fonds. Dans ce cas, la convention de financement prévoit les modalités de gestion desdits comptes sur le territoire national, dans des banques commerciales situées dans des localités non desservies par des agences de la Bceao à l’étranger, dans des institutions financières agréées par le Ministre chargé des Finances”.

A l’issue de la vérification, il ressort que le régisseur de recettes a irrégulièrement délivré une quittance qui ne permet pas un suivi effectif de la traçabilité des opérations de recettes, le Délégué du Contrôle financier n’établit pas de rapport de réception dans les cas requis qui ne permet pas de s’assurer de l’effectivité des réceptions au niveau des Emaci. Par conséquent, il faut noter que les irrégularités financières s’élèvent à 2 595 911 144 Fcfa.

Au titre des recettes, il ressort que les régisseurs des Emaci n’ont pas encaissé des redevances pour la Coordination des activités de transport et de transit d’un montant de 605 346 461 Fcfa. En effet, la somme des tonnages des importations déclarées dans les registres de douanes est de 4 049 041 tonnes, soit 2 024 520 299 Fcfa en termes de recettes. Par contre, la somme des recettes encaissées sur la base des certificats de recettes s’élève à 1 481 411 120 Fcfa. Aussi, le chef du Service administratif et financier des Emaci n’a pas collecté des redevances maritimes sur des transactions d’importation. La mission a également a constaté que le directeur a irrégulièrement payé un véhicule de marque Toyota Rav4 à 14 250 000 Fcfa destiné au Contrôleur financier et immatriculé au nom de l’Ambassade du Mali. Selon le rapport, il a effectué des décaissements irréguliers sur le fonds de la redevance maritime dont le montant total est estimé à plus de 250 millions Fcfa.

Des centaines de millions FCFA de redevance maritime encaissés et non reversés

Pour la transmission et dénonciation de faits par le Vérificateur général au président de la Section des comptes de la Cour suprême et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de la commune III du district de Bamako, chargé du Pôle économique et financier, le rapport indique que celles-ci sont relatives à la redevance pour la Coordination des activités de transport et de transit non encaissée pour un montant de 605 346 461 Fcfa ; à la redevance maritime sur des transactions d’importation non encaissées pour un montant de 360 060 333 Fcfa ; à la redevance maritime sur des transactions d’importation encaissées mais non reversées dans le compte du Conseil malien des chargeurs (Cmc) pour un montant de 82 077 415 Fcfa ; aux recettes des Emaci non encaissées, mais inscrites sur les certificats de recettes pour un montant de 192 737 842 Fcfa ; au non-respect des critères d’attribution du marché de construction pour un montant de 553 102 645 Fcfa ; à l’achat d’un véhicule pour le Contrôleur financier immatriculé au nom de l’Ambassade du Mali pour 14 250 000 Fcfa ; aux rémunérations indues du personnel pour un montant de 521 386 974 Fcfa ; aux frais de location indus pour un montant de 7 020 000 Fcfa ; aux décaissements irréguliers sur le fonds de la redevance maritime pour un montant de 259 929 474 Fcfa.

En conclusion, la vérification a fait ressortir que des actes de gestion des Emaci ne sont pas conformes aux textes législatifs et réglementaires et aux procédures en vigueur. Pour cause, la collecte et le reversement des recettes ne sont pas exhaustifs et toutes les dépenses ne sont pas justifiées. Ainsi, les dysfonctionnements administratifs constatés portent sur des engagements irréguliers offrant à la Cmdt le monopole de la gestion des installations portuaires par l’entreprise Bolloré et le non-respect des procédures de passation des marchés publics. A ces faiblesses, s’ajoutent les manquements dans les traitements et enregistrements comptables.

La mise en œuvre des recommandations formulées par la mission devrait permettre d’améliorer ces insuffisances. S’agissant des irrégularités financières, elles s’élèvent à un montant total de 2,595 milliards Fcfa et sont relatives à l’absence de montants importants dans la collecte, au non reversement et à la non-déclaration des recettes. Elles portent également sur des dépenses irrégulières, essentiellement constituées d’avantages indus accordés par le directeur et des décaissements irréguliers.

Cumul de fonctions

En plus des dysfonctionnements et irrégularités recensés, les recettes des Emaci ne font pas l’objet d’ordre de recette conformément aux règles de la comptabilité publique. Aussi, les statistiques servant de base aux rapports d’activités, ne sont pas suivies par le Service administratif et financier pour le recouvrement des redevances. Les avantages accordés sur les frais médicaux ne sont pas limités, ouvrant ainsi la porte à des dépenses récurrentes et exorbitantes sur cette rubrique.

Le cumul de fonctions du chef du Service administratif et financier en matière d’élaboration du compte de gestion et du Compte Administratif, constitue une violation des règles de la comptabilité publique et par conséquent une entorse à la séparation des fonctions d’ordonnateur et de comptable. Au regard des dysfonctionnements et des irrégularités constatés, l’Etat du Mali gagnerait à mieux éclaircir les missions dévolues aux Emaci, les textes caractérisant les statuts et traitement du personnel, et à adapter le cadre organique conséquent. Aussi une synergie d’actions doit s’établir entre les Emaci et les services des douanes à travers une interconnexion informatique.

Depuis des lustres, les Entrepôts Maliens en Côte d’Ivoire sont au bord du précipice. Les caisses sont vides. Désespérément, vide. Et pire, quand il y a décaissement c’est sans rapport avec les besoins réels des Emaci. En clair, l’argent coule de source. Et dans d’autres sources.

De telles pratiques, indiquent les enquêteurs, ont occasionné une malversation financière de 2,595 milliards de francs CFA aux Entrepôts Maliens en Côte d’Ivoire.

Bref, les Entrepôts du Mali en Côte d’Ivoire ont été sacrifiés sur l’autel d’intérêts égoïstes. En somme, la caisse des EMACI a subi une saignée financière de plusieurs milliards de nos francs.

Cette mauvaise gestion est le fruit d’un système bien huilé, mis en place par le « prince » des EMACI.

Selon ce système, les responsables des Entrepôts maliens en Côte d’Ivoire veillent aux « bons soins » de leurs potes et de leur propre personne: enveloppes de fin du mois, marchés de gré à gré, bons de carburant à gogo, voyages et autres cadeaux en nature. Du moins, s’ils veulent éviter les « ennuis ».

Face à de telles pratiques qui ont occasionné un trou de 581,61 millions de francs CFA aux EMACI, les enquêteurs à l’unanimité exigent à ce que le dossier de cette structure soit remis à la justice. Afin que les responsables rendent à César ce qui n’est pas à eux. Et cela dans un bref délai. Mieux, des poursuites seront engagées. C’est dire que les responsables des Entrepôts Maliens en Côte d’Ivoire risquent gros. Très gros. Comprenne qui pourra.

Jean Pierre James
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