Moussa Traoré passe par l’école du technicien Amadou Daouda Sall. Surnommé “Le Rou”, diminutif pour rouquin, parce qu’il est de teint clair, il est un condisciple des Mamadou Doumbia dit l’Homme, Bassirou Thiam, Fodé Kaba au Stade malien de Bamako. C’est par le plus pur des hasards qu’il a dévoilé à un employé du stade Omnisports, son intention de pratiquer le basket-ball. Celui-ci le conduit chez Amadou Daouda Sall, dont le bureau se trouvait au rez de chaussée du Pavillon des sports. Son premier contact avec le technicien lui permet de toucher de très près un ballon, pour apprendre les techniques élémentaires de la discipline, tout en s’inspirant du mouvement d’autres jeunots qui jouaient de l’autre côté du plancher. Amadou Sall est optimiste sur l’avenir du rouquin. Sa grande taille et sa bonne volonté semblent ses atouts. Junior en 1972, Moussa Traoré fait chemin avec d’autres jeunes. Au bout de deux ans ils intègrent l’équipe senior. L’entraîneur stadiste veut forger un groupe compétitif, apte à répondre à tout moment aux grands rendez-vous, tant en club qu’en équipe nationale. Il réussit à bâtir une équipe masculine homogène du Stade, qui fait dix ans de succès.
Sauf qu’Amadou Sall ne tire pas le maximum de profit de “Le Rou”. La raison ? Moussa Traoré travaille à la Société malienne d’importation et d’exportation (Somiex) qui lance ses équipes masculine et féminine de basket-ball en 1977. Par la force des choses l’espoir de l’entreprise repose sur lui pour les balbutiements des nouveau-nés. Alors s’ouvre une nouvelle page pour lui. Déjà au Stade il laisse une empreinte digitale, en remportant un titre de champion, en accédant à l’équipe nationale avant de participer au Championnat universitaire mondial de Mexico.
Tout en tenant à bout de bras l’AS Somiex, il offre la première Coupe du Mali à l’équipe féminine face au Djoliba en tant qu’entraîneur en 1979. Dès lors, on pouvait prédire sur un avenir radieux pour l’AS Somiex. Cela pour deux raisons : l’ambiance suscitée par sa création et la qualité de ses deux équipes. Une fois de plus “Le Rou” descend du train, pour une seconde aventure, qui le conduit dix ans après en France. Laquelle ? Comment les négociations ont été menées ? Quelle fut sa carrière ? Sa retraite ? Ses enfants ? Le rouquin du Stade malien de Bamako, de l’AS Somiex et de l’AS Secouristes est le héros de la semaine, pour l’animation de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”
En pleine effervescence avec l’AS Somiex, “Le Rou” s’envole pour la Côte d’ivoire pour jouer au Stade d’Abidjan. Ce départ est le fruit d’une vague de circonstances. D’abord le président du club abidjanais le voit jouer à Bamako. Il se renseigne sur le joueur et émet son intention de l’enrôler. Quelques semaines après Le Rou débarque en Côte d’Ivoire pour des congés. Il s’entraîne par le plus pur des hasards au Parc des sports de Treichville.
Son tuteur, un compatriote impressionné par sa dextérité sous le cerceau décide de le présenter au président du Stade, sans être au courant que celui-ci est sur la même piste. Ainsi dit, ainsi fait. Les pré-pourparlers sont engagés. En fin de vacances, “Le Rou” retourne à Bamako. Le président du Stade d’Abidjan profite d’un match amical des Eléphants contre les Aigles à Bamako, pour envoyer son billet. Et voici Moussa Traoré de nouveau dans la capitale ivoirienne en janvier 1980, avec des clauses contractuelles bâties sur un logement et un emploi garanti. Ainsi il conduit la cadence jusqu’en 1986, auréolée de quatre titres de champion, des éliminatoires de coupes d’Afrique des clubs champions.
A sa retraite pour manque d’envie dans la pratique du basket-ball, il prend les rênes de l’équipe féminine du Stade d’Abidjan, pour la qualifier à la phase finale de la Coupe d’Afrique des clubs champions à Kinshasa, et un an après à Alexandrie avec les hommes. Pour approfondir ses connaissances, il entreprend des études d’entraineur. En 1990 une autre aventure commence pour lui. Parti en vacances dans l’Hexagone, chez son ami Mohamed Macalou, “Le Rou” décide de ne plus retourner en Côte d’Ivoire. Pourquoi une telle décision avec toutes les conséquences qui pouvaient en découler ?
“Cette période a coïncidé avec le début des troubles sociopolitiques. Notre service a connu des difficultés financières. J’ai appelé ma directrice pour lui expliquer ma situation, et voir dans quelle mesure une solution alternative pouvait être trouvée à mon cas, elle m’a dit que c’est chaud. Ces propos de la première responsable d’une entreprise avaient leur sens. Je suis resté et après ma famille m’a rejoint”, explique-t-il.
Quelle a été la suite de son parcours en France ? Arrivé dans l’Hexagone en 1990, il a entraîné les Espoirs du Vésinet, un club qui évoluait en national 1 de 1990 à 1993. De 1993 à 1996, il a entraîné l’équipe de Sartrouville qui évoluait en région. Parallèlement, de 1992 à 2006, “Le Rou” a dirigé la barre technique de l’équipe d’Aulnay-sous-Bois qu’il habitait depuis 1994. Pendant toute cette période d’activité pas de vacances ou très peu.
De nos jours Leroux travaille à l’aéroport Charles de Gaulle de Paris. Il est marié et père de trois enfants, dont une fille. L’aîné réside au Mali et occupe les fonctions de directeur des études dans une école de journalisme dans l’ACI-2000. Le second, qui jouait dans l’équipe Wallirbo, doit transférer à Strasbourg, après avoir été sélectionné dans l’équipe de France de 2009 à 2013. Quant à la benjamine, Aïssata Bakary Traoré, au terme d’une riche carrière de basket-ball, est actuellement manager dans l’entreprise Nike.
Cependant un supporter du Stade malien de Bamako, du nom de Laurent Pokou (il défiait Tiécoro Bagayoko, le puissant directeur général des services de sécurité, et grand sympathisant du Djoliba), est au cœur d’une anecdote que “Le Rou” n’a pas encore oublié : “Pokou était un homme agréable et sincère. Pour parler de ce match qui a opposé l’AS Somiex au Stade malien de Bamako, les Blancs étaient menés par dix-sept paniers à zéro dans le premier quarts-temps. C’était inimaginable que l’AS Somiex domine le Stade de telle manière. Laurent Pokou n’a pas accepté ce renversement de situation. Il s’est approché de la table technique, pour s’emparer de la feuille de match. Il l’a déchirée et mâchée. Quand les militaires l’ont pris pour l’amener, il a refusé et a exigé à ce qu’il soit accompagné par ses amis. Lesquels ? Moi, M’Bellé et Amidou tous de l’AS Somiex paradoxalement. Après le match, nous sommes allés à la police pour plaider sa libération. Au retour à la maison il était très content. Nous étions des amis qui jouons les uns contre les autres sans être des ennemis. Bref après le match, c’était la famille”.
Autre bon souvenir, la première Coupe du Mali qu’il a remportée comme entraîneur de l’équipe féminine de l’As Somiex. Des aventures qui font qu’il n’a pas connu de mauvais souvenirs. Pour la simple raison que le basket-ball était une passion pour sa génération. Au moment de sonner la fin de notre entretien avec “Le Rou”, il nous charge de demander à Mamadou Doumbia dit l’Homme de Radio Kledu (dans une franche rigolade) pourquoi on l’appelle “Harpagon” ? Une question que nous posons, mais dont la réponse ne nous concerne pas. Parce que le doyen Madou nous fait régulièrement des gestes inoubliables, pour nous encourager dans l’animation de la rubrique “Que sont-ils devenus ?” Qu’il en soit remercié !