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Les charmes du diable (2) : Tout l’argent, tout l’or volés
Publié le mercredi 9 septembre 2020  |  L’Informateur
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Sory s’abattait comme si ses jambes étaient brisées et retombait la tête sur lit, honteux d’avoir été victime d’une passante inconnue qu’il avait hélée dans un excès de plaisir.
Les portes de l’entrepôt restaient fermées la journée pour le soustraire aux regards indiscrets. Mais il ne fallait pas moins quand cette porte était ouverte un samedi c’était pour laisser passer une midinette aux yeux flamboyants, aux lèvres bien dessinées. Sory avait surpris certains regards dédaigneux lancés par de vielles demoiselles et mères du voisinage, regards qui signifiaient qu’elles connaissaient le mystère de cet accueil matinal, ses relations amoureuses avec l’invitée, tandis qu’une interprétation plus sagace pouvait démontrer qu’elles enviaient l’heureuse élue. Sory avait repoussé les insinuations de la jolie demoiselle inconnue, qui essayait de prouver qu’il n’avait point deux sous en poche, qu’il ne pouvait réaliser le bonheur auquel elle avait droit de s’attendre. Il avait pris une attitude défensive, en se laissant chatouiller par la mauvaise idée d’introduire l’inconnue dans l’entrepôt. Celle là ne demandait pas mieux que d’être convaincue. Il prenait par deux mains robustes le sommier du lit et ordonnait à elle d’en faire de même avec l’autre extrémité. Ensemble, ils déplaçaient le lit. Sory lui se chargeait ensuite de soulever la dalle qu’il posait à côté du trou aménagé. L’inconnue avait hâte de découvrir le trésor enfoui : des liasses de billets entassés, de l’or. Elle frémissait de joie, puis relevait la tête, invitait son soupirant en l’enlaçant à s’asseoir sur le rebord du lit déplacé.

La conversation était très animée autour du thé, un breuvage très prisé à Bamako. Le service était impeccable, l’inconnue s’agenouillait en guise de respect en tenant le plateau sur lequel était posé le verre rempli presque. Soudain, elle poussait un cri de douleur, se préparait à s’évanouir. « Vite une bouteille de coca cola et deux cachets d’aspirine» recommandait-elle à Sory. Celui-ci ne pouvait deviner le mal, subodorait qu’il s’agissait d’un malaise passager. N’empêche, il se pliait aux desiderata de son invitée. Il se lançait à toutes enjambées dans la rue et gagnait la première boutique à quelque deux cents mètres de là.

Djinn déguisée en jolie fille ?

Dix minutes après, il faisait sa réapparition. Seulement voilà, l’entrepôt était étrangement vide avec une rapidité pareille à celle qui avait été sa course. Sory avait beau frotté ses yeux, histoire de s’assurer qu’ils exerçaient bien, la jeune fille dont il ignorait le nom, le prénom et l’adresse avait vidé les lieux. La main droite refermée sur la bouteille, il inspectait de nouveau l’entrepôt. Rien. Un instant, il demeurait sur le seuil, ayant l’air d’interroger les voisines, appelant à son aide. Aucun son ne leur parvenait. Une bouteille pouvait redonner du baume au cœur. Il décapsulait la bouteille de coca cola et buvait d’un trait tout son contenu. Il se cherchait une bonne excuse, une djinn peut-être cette inconnue. Une hypothèse vite abandonnée, après que les voisines consultées se chargeaient de l’apprendre que généralement les djinns ne parlaient pas.

Bon sang ! La dalle, l’argent, l’or ! Il courait, heurtait des cartons de médicaments prohibés. Ses yeux fiévreux s’orientaient sur le trou aménagé resté ouvert. Plus d’argent, plus d’or. « O mon Dieu, la garce ! » s’écriait-il en levant les deux bras au ciel. Puis, Sory s’abattait comme si ses jambes étaient brisées, et retombait la tête sur le lit. Plus d’une heure s’était écoulée quand il se relevait presque honteux d’avoir été victime d’une passante qu’il avait hélée dans un excès de plaisir. Il ne pouvait détacher ses yeux du spectacle désolant de ce trou ouvert et vidé de tout contenu.

Vaines recherches

Ses yeux paraissaient sortir de leurs orbites, parfois il se cognait la tête contre le sommier. Lui, qui d’ordinaire ne faisait pas étalage de sa fortune, en était maintenant réduit à se mordre les doigts. Surgissait dans son cerveau ce vieux dicton « le plaisir du bouc fait prendre ses toisons dans les épines ». On ne reconnaissait plus Sory, non pas qu’il semblait tomber dans un état de dépression, non, Sory était absorbé par la réaction de ses associés.

Des heures après, dans un mouvement de régénération soudaine et complète, il se relevait, bondissait de son entrepôt et se précipitait dans la rue. « La chance sourit aux audacieux ». Si Dieu se rangeait de son côté, il pouvait rencontrer dans un coin de rue la voleuse. Des jours durant, il parcourait des rues de la capitale en vain. Chaque nuit, mort de fatigue, il dormait à poings fermés entrecoupé par des réveils en sursaut au milieu de la nuit avec au bout du rouleau des songes à la pelle. Régulièrement dans ses rêves, il voyait l’inconnue se tordre de rires, succédant aux larmes et aux gémissements dont seuls étaient capables les fous d’asile. Chaque fois qu’il tentait de l’appréhender, elle filait entre ses doigts.

Encore, comme les nuits précédentes assis au milieu de son lit en pleine nuit, l’audace de la jeune fille se mêlait à son angoisse et son incrédulité. Sory n’a pas seulement perdu la fortune, il perdait la confiance de son ami paysan, du sergent-chef Abdou. Le monde des contrebandiers est ainsi fait qu’il est vorace, qu’on ne se fait pas de cadeau, que les trahisons réelles ou supposées se règlent souvent dans le sang. Le préjudice causé était trop lourd – plus de vingt millions – pour qu’ils daignaient passer l’éponge.

A suivre

Georges François Traoré


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