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Modibo Kadjoké : « La durée de notre transition devrait être fonction de la profondeur et de la complexité des problèmes »
Publié le mercredi 9 septembre 2020  |  L’Essor
Cérémonie
© aBamako.com par Androuicha
Cérémonie de signature du Code de Bonne conduite des partis politiques et des candidats
Bamako, le 06 juillet 2018 à l`hôtel Radisson Blu. Dans le cadre de la mise en œuvre de son programme EMERGE, l`Institut National Démocratique (NDI) qui appuie et soutient les partis politiques pour les élections de 2018, a réuni les candidats à la présidentielle et les partis politiques pour la signature de leur Code de Bonne Conduite aux diverses consultations électorales du Mali.
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Le président du directoire de l’Alliance pour le Mali (APM-Maliko) s’exprime sur l’évolution récente de la situation sociopolitique du pays. En outre, l’ancien ministre se prononce sur l’architecture, les missions et la durée de la transition
L’Essor : Quel regard portez-vous sur la situation sociopolitique du pays, trois semaines après la démission du président de la République Ibrahim Boubacar Keïta ?

Modibo Kadjoké : Je pense que nous vivons une crise très profonde, d’une grande dimension qui touche à beaucoup de secteurs. Quand vous regardez le pays aujourd’hui, du point de vue de la sécurité, nous avons beaucoup de problèmes, du point de vue politique, nous avons beaucoup de problèmes, du point de vue économique, nous avons d’énormes difficultés.

Il y a une grande rupture de confiance entre l’État et le citoyen, et c’est très sérieux. Il y a une grande rupture de confiance entre les citoyens et pratiquement l’ensemble de nos institutions. Un chef de l’État a dit déjà que nos États ont besoin beaucoup plus d’institutions fortes que d’hommes forts. Et c’est ce que les Ghanéens ont fait.

Le président Jerry Rawlings a dit qu’il faut mettre des institutions très fortes en place qui pourraient résister à toutes tentations. Je crois que c’est ce qui nous a manqué au Mali. Donc, le pays est sérieusement malade ; et il a besoin que tous ses enfants se retrouvent autour de lui pour essayer de le traiter, et prendre soin de lui. Le Mali est à ce niveau aujourd’hui.

Les crises sont aussi lointaines et partent des années 60. On ne les a pas traitées de façon sérieuse et approfondie. Au cours des différentes conférences et concertations nationales, l’accent est beaucoup plus mis sur la forme que sur le fond. Les fonds n’ont pas été traités.

Tout les dix ans, nous avons une rébellion dans notre pays, nous avons eu cinq chefs d’État, il n’y a qu’un seul qui a pu passer le pouvoir normalement. Tous les autres ont été victimes de coup d’État. Tout cela nous fait comprendre clairement que nous vivons un malaise très profond. Je disais que les crises n’ont pas été traitées de façon approfondie. Vous avez suivi le discours de Macron, quand il est arrivé en Algérie. Il a dit clairement que la colonisation est un crime contre l’Humanité. Il a assumé son passé.

Mais nous les Maliens, il y a des pages de notre passé qu’on n’aime pas regarder, qu’on n’aime pas traiter. Les Sud-Africains ont vécu la même chose ou pire. Les populations noires ont eu beaucoup de problèmes avec les Blancs. Mais avec Nelson Mandela, les gens se sont parlés face-à-face en se pardonnant mutuellement. Nous, nous n’avons jamais vécu cela. Imaginez tout ce qui s’est passé au Nord, et ici aussi entre des hommes politiques, depuis les années 60 jusqu’à maintenant.

On n’a jamais eu une occasion pour passer tout cela en revue de façon approfondie, que les gens se parlent très franchement, qu’on se pardonne, et qu’on reparte. On n’a jamais eu cette occasion, c’est pourquoi, je pense que les problèmes ne sont jamais traités de façon approfondie. Je pense que la transition est une opportunité pour jeter les bases de cette catharsis.

L’Essor : Des officiers supérieurs de l’Armée ont parachevé le 18 août dernier la lutte menée pendant environ trois mois par le M5-RFP. Quel commentaire faites-vous sur ces événements ?

Modibo Kadjoké : En réalité, à travers les manifestations du M5-RFP, des associations, des partis politiques se sont mis ensemble. Mais il y avait une grande majorité silencieuse qui partageait leurs points de vue. Vous n’avez personne au Mali qui pouvait vous dire que tout allait bien. C’est-à-dire même si vous écoutiez le chef de l’État, il allait reconnaître lui-même qu’il y avait des problèmes. Donc, c’était vraiment des revendications portées pratiquement par une grande majorité de la population malienne.

Finalement, nous avons abouti à une crise, le pays étant à l’arrêt, les militaires sont intervenus pour assurer la continuité de l’État. Le Mali a même besoin de cela, l’État n’existe plus dans notre pays. Vous avez une bonne partie du pays où il n’y a plus d’État. Nous ne nous posons pas la question ici à Bamako, comment est-ce sur la rive gauche à Ségou ou à Mopti on se marie, comment on établit les actes de naissance… Mais, ce sont des choses qui sont très difficiles là-bas, il n’y a plus de foire, plus d’activités professionnelles.

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