Le contrôle de la gestion des Entrepôts maliens au Sénégal (EMASE), au titre des exercices 2016, 2017, 2018 et du premier semestre 2019 est ahurissant : il y a une malversation financière de 754 millions FCFA (754 651 934F) dans la caisse. D’où le lieu pour le Vérificateur Général d’adresser une dénonciation de faits au Procureur du Pôle Économique. Du coup, le DG des EMASE, M. Fousseyni Soumano risque gros. Ces complices aussi. Accablant.
Non-recouvrement de tous les rejets de chèques pour un montant total de 1 950 000 F CFA ; incohérence entre les écritures comptables et la réalité des opérations pour un montant total de 208,7 millions de francs CFA (208 790 307 F) ; minoration des recettes dans les certificats de recettes pour un montant total de 265,9 millions (265 918 395 F) ; non-facturation des redevances au titre de l’utilisation irrégulière des installations portuaires au profit d’autres pays de la sous-région pour un montant total de 265 millions de nos francs (265 455 732 F) ; non-exigence du remboursement des jours de mission pour un montant de plus de 4 millions (4 325 000 F) ; paiement des indemnités de déplacement et de mission indues pour un montant de plus de 3millions (3 062 500 F) ; justification irrégulière des indemnités de déplacement et de mission pour un montant de plus de 5 millions (5 150 000 F). Soit au total, une irrégularité financière de plus de 754 millions FCFA (754 651 934 F). Voilà en chiffre, ce à quoi ressemblent les malversations financières perpétrées aux Entrepôt Maliens aux Sénégal, pendant ces deux dernières années.
Les fautes relevées par le Végal aux EMASE sont plus graves les unes que les autres. D’où la paralysie du service à tous les niveaux ou presque.
Les Entrepôts Maliens au Sénégal sont un service extérieur rattaché à la Direction nationale des Transports terrestres, maritimes et fluviaux (DNTTMF). Cependant, les ressources proviennent des rémunérations de prestations portuaires, les intérêts des comptes de dépôts et les produits des pénalités. Depuis la crise ivoirienne de 2002, l’essentiel des échanges extérieurs du Mali transite par le Port de Dakar.
En 2018, les EMASE ont traité 69,85 % des importations des marchandises solides et liquides, notamment les hydrocarbures, qui sont passées par les 7 entrepôts. De janvier 2016 à juin 2019, plus de 13 millions de tonnes de produits de première nécessité comme le lait, le sucre, le riz et la farine de blé ainsi que des véhicules et des matériaux de construction sont rentrées au Mali en provenance du Sénégal.
Pendant la période sous revue, les recettes générées par les activités des Emase se chiffrent à 11 milliards, 384 millions 326 999 F CFA et les dépenses effectuées sont de 8 118 324 895 F CFA.
Le Mali dispose de 7 entrepôts (Côte d’Ivoire, Ghana, Togo, Guinée, Sénégal, Bénin et Mauritanie). Ces entrepôts sont dotés d’un budget annexe alimenté par les ressources provenant des prestations et des subventions d’État et soumis aux règles de la comptabilité publique.
Irrégularités administratives et financières
Les irrégularités administratives constatées aux EMASE portent sur des dysfonctionnements du contrôle interne. Les Entrepôts maliens disposent d’un manuel de procédures caduc. « La mission a constaté que le manuel de procédures opérationnelles, administratives, financières et comptables des entrepôts, entré en vigueur le 30 mai 2011, n’a pas été mis à jour en fonction des différentes reformes subies par les textes qui réglementent les finances et la comptabilité publique ».
En effet, le Chef de Service administratif et financier des Entrepôts Maliens aux Sénégal est de la catégorie B2 au lieu de la catégorie A comme prévue dans le cadre organique. Il ressort du contrôle que le DG des EMASE, pour la période du 1er janvier 2016 au 30 juin 2019, soit 42 mois, n’a pas procédé à la retenue et au versement de l’impôt sur les Traitements et Salaires (ITS) de son personnel fonctionnaire et contractuel. En outre, des états de salaire du personnel ne sont pas disponibles pour les exercices des années 2016 (avril, août et décembre) ; 2017 (avril, juin et septembre) et 2019 (avril et mai). La non-retenue de l’impôt sur les traitements et salaires a privé l’État d’une partie de ses ressources.
Non plus, le Chef du Service administratif et financier (le Comptable-Matières) ne tient pas une comptabilité-matières régulière. Du coup, des documents ne sont pas tenus. Il s’agit du livre journal matières ; le compte de gestion des matières ; l’état d’inventaire ; le Bordereau d’Affectation du Matériel ; le Bordereau de Mise en Consommation des Matières ; et l’Ordre de Sortie du Matériel. De plus, l’Ordre d’Entrée du Matériel (OEM) n’est pas établi pour certaines dépenses. Par ailleurs, il apparaît que le Comptable-Matières ne procède pas à l’inventaire des matériels et matières des EMASE et aucun matériel n’est codifié. La tenue irrégulière de la comptabilité-matières ne permet pas de s’assurer de la bonne gestion du patrimoine des EMASE.
Violation flagrante des textes par le DG et manipulation des fonds par des mains non autorisées
À en croire les enquêteurs, le Directeur général des EMASE, Monsieur Fousseyni Soumano, ne respecte pas les dispositions du Code des marchés publics. Le non-respect des dispositions du Code des marchés publics ne permet pas de s’assurer de la transparence dans la procédure de conclusion des contrats et celle de la réception des plis. Le Directeur des EMASE fait exercer la fonction de comptable public par un agent non habilité.
En effet, le Chef de parking de Mbao procède à la collecte et au versement des recettes dans le compte bancaire des EMASE, en lieu et place d’un comptable public. Mbao est une zone affectée aux EMASE, par les autorités sénégalaises par la convention conclue le 26 janvier 2019, entre le port autonome de Dakar et les EMASE, pour exploiter le nouveau parking d’attente moderne des camions en provenance du Mali. Ainsi, sans avoir accompli les mêmes obligations et responsabilités d’un comptable public, le Chef de parking de Mbao s’adonne à la garde et à la conservation des fonds publics, au maniement des fonds, à la conservation des pièces justificatives des opérations et des documents de la comptabilité. Le maniement de fonds par un agent outre qu’un comptable public favorise une mauvaise gestion des ressources publiques.
Plus grave, l’Agent Comptable et les Régisseurs des EMASE n’ont pas rempli les obligations légales nécessaires pour leurs prises de fonction. Avant leur entrée en fonction, ils n’ont ni constitué la caution de garantie ni prêté serment devant le juge des comptes, conformément à la réglementation en vigueur. Il s’agit de l’Agent Comptable pour la non-prestation de serment malgré la Lettre n°182/ Emase du 7 août 2017 des Emase adressée à la Direction Nationale du Trésor et de la Comptabilité publique pour l’organisation de ladite prestation ; du Régisseur de recettes de la Direction des Emase pour la non prestation de serment et le non-paiement de la caution ; et du Régisseur de recettes de l’antenne de Diboli pour la non prestation du serment. L’absence de prestation de serment et la non constitution de cautions par l’agent comptable et les régisseurs ne permettent pas de couvrir les Emase en cas de pertes financières.
Bref, la liste des irrégularités, à l’origine des malversations portant sur la bagatelle de 754 millions FCFA, est loin d’être exhaustive. Du coup, le Vérificateur Général a transmis un rapport à la justice afin que le DG des EMASE, M. Fousseyni Soumano et d’autres personnes concernées par cette gestion calamiteuse puissent s’expliquer sur la destination de ce pactole.