Dans l’interview qu’il nous a accordée hier, Dr Bocary Tréta, président de l’Alliance Ensemble Pour le Mali (EPM), salue la tenue de la concertation nationale sur la transition, ainsi que les conclusions du mini-sommet de la Cedeao sur la situation dans notre pays. Le président du Rassemblement pour le Mali (RPM), réaffirme également la disponibilité de sa formation politique à collaborer pour la réussite de la Transition.
L’Essor : Les chefs d’État de la Cedeao ont tenu mardi dernier un mini-sommet à Accra au Ghana sur la situation de notre pays. Quelle lecture faites-vous des conclusions de cette rencontre ?
Dr Bocary Tréta : Je crois que c’est heureux et je pense que les Maliennes et les Maliens ne diront pas que ce fut un sommet de trop. Ma satisfaction réside d’abord dans le fait que les chefs d’État et de gouvernement de la Cedeao ont bien voulu accepter la participation d’une délégation malienne. C’est le début du processus de retour du Mali dans l’organisation.
Il faut saluer cet évènement et encourager la démarche. C’est ce que nous avons constamment conseillé. La deuxième chose est qu’il y a une véritable volonté de s’accorder sur l’essentiel. Donc, il faut prendre acte des décisions qui ont été prises. J’ai le sentiment que le Comité national pour le salut du peuple a fait de même. Il faut l’encourager à aller dans ce sens.
Troisièmement, je pense qu’il ne faut plus perdre de temps. Il faut aujourd’hui que le CNSP engage de véritables consultations avec toutes les couches sociales et politiques pour la mise en place effective des organes de la Transition afin que l’État redémarre.
L’Essor : Est-ce que le RPM a été contacté pour la mise en place du Collège devant designer les autorités de la transition ?
Dr Bocary Tréta : C’est un processus qui est en cours. Pour le moment, nous n’avons pas été contactés, mais je demeure convaincu que nous le serons et nous ferons partie de ce collège. Je l’espère bien.
L’Essor : Les Maliens se sont retrouvés du 10 au 12 septembre dernier pour la concertation nationale sur la transition. Quelle appréciation faites-vous de la feuille de route et de la Charte qui en ont découlé ?
Dr Bocary Tréta : Il faut d’abord saluer l’exercice en lui-même qui est un effort dans la recherche d’un consensus de l’ensemble des forces politiques et sociales, des forces vives comme on aime le dire, autour de l’essentiel. Le mérite de la concertation nationale, c’est qu’elle a eu lieu. Elle a enregistré une grande participation. La validation des termes de référence dans toutes les régions et ensuite la concertation nationale elle-même.
Mon parti y a apporté des contributions écrites. Les principales décisions qui sont issues de cette concertation vont en droite ligne des propositions que nous avons faites. Nous avions également proposé trois organes. Bien sûr que nous sommes restés fondamentalement sur les principes. Le comité militaire, dans sa première déclaration, a annoncé une transition politique et civile.
Nous sommes restés convaincus que la transition doit être dirigée par des civils. Le président doit être civil et le Premier ministre aussi. Je me réjouis que la Cedeao ait réaffirmé ces positions et j’ose espérer qu’il y a une entente entre le CNSP et la Cedeao sur ces questions. Pour la durée de la transition, nous avions proposé un an.
Mais nous avions estimé à l’époque que dans un premier temps, il faut démarrer et la durée dépendra de l’exercice qu’on va conduire. Comme cet exercice sera fait ensemble avec la Cedeao qui sera là pour nous accompagner, elle appréciera par elle-même, s’il fallait faire des rajouts ou pas. J’apprécie positivement que la Cedeao ait été favorable à la proposition issue de la concertation nationale de fixer la durée de la transition à 18 mois. Le reste, ce sont des choses qu’on peut gérer dans le temps.
L’Essor : À l’issue d’une rencontre avec le CNSP au ministère de la Défense, l’EPM avait promis d’apporter sa contribution pour une bonne gestion de la transition. Concrètement, quelle sera la nature de cette contribution ? Est-ce que EPM est disposé à faire partie des organes de la transition ?
Dr Bocary Tréta : En vue de la concertation nationale, nous avons été sollicités et avons formulé une contribution écrite qui a été transmise comme étant notre part dans le débat. Pour les organes de la transition, d’abord nous attendons d’être consultés, pour apporter notre contribution dans le processus de désignation du président de la transition et du Premier ministre. Pour le Conseil national de la transition, si nous étions sollicités, l’EPM, le RPM prendront toute leur part parce qu’il s’agit avant tout du Mali.
L’Essor : Au cours d’une récente rencontre, les membres de l’EPM ont revendiqué le bilan de l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta. Comment allez-vous porter cet héritage qu’il vous a laissé ?
Dr Bocary Tréta : Pour être précis, c’est moi qui ai animé la rencontre avec les cadres. J’ai plutôt dit que l’heure n’était pas au bilan car c’est assez tôt de dresser le bilan du président Ibrahim Boubacar Keïta. Et nous avions dit qu’au moment du bilan, nous allons, avec beaucoup de courage, dire quelle est notre part de responsabilité et celles des autres.
Cet exercice va démarrer très bientôt au sein du parti. Ce sera un grand exercice ouvert à l’ensemble des militantes et militants. Et le moment venu, nous nous prononcerons sur ce bilan.
L’Essor : L’ancien président Moussa Traoré s’est éteint le mardi dernier. Que retenez-vous de l’homme qui a dirigé le Mali pendant 23 ans ?
Dr Bocary Tréta : Parler de Moussa Traoré au Mali est simple et difficile à la fois. Il est venu aux affaires par un coup d’État militaire. Il est resté à la tête du pays pendant 23 ans en différentes phases : comité militaire, Union démocratique du peuple malien. Le bilan de la gestion de Moussa Traoré est très lourd pour le Mali, contre les démocrates et la démocratie malienne. Mais en même temps, Moussa Traoré s’est révélé être un grand patriote. Je pense qu’aujourd’hui, beaucoup de Maliens pleurent sa disparition.
Il est redevenu un grand sage de la nation et je suis tout à fait d’accord que, de ce point de vue, sa mémoire soit honorée par la nation. Personnellement, ma première rencontre avec lui remonte aux années 2000. Je lui ai dit ceci : « Monsieur le président, j’étais un grand opposant à vous. Mais j’ai retenu quand j’ai été commis comme secrétaire général du RPM, dans l’animation du parti, dans la formation des cadres, que vous avez un grand doigté dans le choix des cadres ».
Les cadres qui ont entouré le général Moussa Traoré ont été des grands patriotes, des grands commis de l’État. Il faut le lui reconnaître. Il faut regarder le verre à moitié plein. De ce point de vue, je m’incline pieusement devant sa mémoire et prie pour le repos éternel de son âme au paradis.