Précédé d’une solide réputation d’incorruptible, l’ancien ministre de la Défense qui a succédé en 2014 à Soumeylou Boubèye Maïga, Bah N’Daw a fréquenté l’Ecole de guerre de Paris avant d’effectuer un stage de formation en pilotage d’hélicoptère en Russie.
Les contours de la transition ont commencé à se dessiner 38 jours après la chute du régime d’Ibrahim Boubacar Keïta. Le collège transitoire mis en place par le Conseil national pour le salut public (CNSP) a désigné lundi l’ancien ministre de la Défense et des anciens combattants et ex-chef d’état major de l’armée de l’air au poste de président de la transition. La vice-présidence a échu au président du CNSP, un sigle appelé à disparaître. Mais le processus de désignation est fortement contesté. Le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), fer de lance de la contestation a soutenu ne pas être consulté.
Bah N’Daw, désormais sur la plus haute marche de l’Etat, est précédé d’une solide réputation d’incorruptible, d’homme de conviction qui s’est brouillé avec l’ex- président de la République alors qu’il occupait le fauteuil de ministre de la Défense et des anciens combattants suite dit-on à son refus catégorique de traduire l’ex-chef de la junte le général Amadou Aya Sanogo devant le conseil de discipline. Motif invoqué : un colonel ne peut traduire un général en conseil de discipline. Bah N’Daw avait succédé à ce poste à Soumeylou Boubèye Maïga en mai 2014. Formé à l’école militaire de Kati – d’où est parti la mutinerie qui a débouché finalement au renversement du régime – il a ensuite posé ses valises à l’Ecole de guerre de Paris (France) avant de suivre un stage de formation en pilotage d’hélicoptère eu Russie. Nanti de ces brevets, du haut de son 1,75 mètre, il est nommé chef d’état major de l’armée de l’air. Le choix porté sur ce colonel-major à la retraite met le CNSP à l’aise. Entre cet originaire de Ségou et les militaires qui se sont emparé du pouvoir le courant passe bien. Bah N’Daw et Assimi Goïta sont à présent les deux grandes figures de la transition. En outre difficile de les opposer qu’il est militaire puisqu’il n’est plus en activité même s’il reste réserviste.
D’une pierre deux coups
Sa désignation est intervenue à la veille du 60ème anniversaire de l’indépendance du pays et l’ultimatum de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l‘ouest (CEDEAO) qui avait fixé jusqu’à hier la mise en place d’un Président et un Premier ministre civils à la tête de la transition. Dans les coulisses, ce choix ne doit nullement déplaire à l’institution sous-régionale. Les questions de la durée de la transition et du calendrier de la mise en place des organes sont au cœur des divergences. Lors de sa mission de médiation du 22 au 24 août derniers, l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan avait exprimé son désaccord sur deux points cruciaux : sa durée et la personnalité désignée pour la diriger. Des divergences sont apparues à Accra le 15 septembre dernier sur les prérogatives du vice-président qui d’après la charte de transition remplace le président en cas d’empêchement et s’occupe des questions de défense, de sécurité traditionnellement dévolues au président de la République.
Sur la question de la durée, les militaires avaient proposé de mener une transition de trois ans –le reste du mandat du président déchu – puis de deux et enfin dix-huit mois ; tandis que l’organisation sous-régionale a évoqué une durée maximale de douze mois. « Cette durée est négociable au-delà, mais il faudra argumenter pour nous convaincre que le cas malien est spécifique et qu’il peut faire l’objet d’une exception »a indiqué Hamidou Boly, représentant de la CEDEAO à Bamako.
Assimi Goïta appelle à la levée des sanctions
Les 60 ans d’indépendance ont été célébrés hier au 34ème bataillon du Génie militaire en présence d’une flopée de hauts gradés de la police, de l’armée, des ambassadeurs accrédités au Mali. Assimi Goïta a plaidé en faveur de la levée des sanctions et invité ses compatriotes à tolérer la présence des partenaires dans la lutte contre le terrorisme, en l’occurrence la Mission des nations-unies au Mali (MINUSMA) et Barkane. La veille, dans son allocution, il s’est engagé à combattre l’impunité, à mener les réformes profondes, à favoriser la réconciliation et la mise en œuvre de l’Accord d’Alger. « Nous travaillerons à ce que nul ne puisse impunément s’enrichir au détriment de l’Etat et des citoyens. Nos institutions ne serviront plus de refuge à ceux qui cherchent, au moyen de certains mécanismes, à se soustraire à l’action de la justice, dévoyant ainsi l’immunité de ses finalités. »
60 ans marqués par trois rebellions et quatre coups d’Etat. En dehors des libertés si chèrement conquises, le Mali n’a pas amorcé un décollage économique à hauteur de ses potentialités. Une des vieilles faiblesses se résume à la corruption. Ni les présidents Alpha Oumar Konaré et Amadou Toumani Touré n’ont efficacement lutté contre le phénomène qui d’ailleurs a pris de l’essor. En 2011, dans le rapport de l’organisation non gouvernementale Transparency international sur l’état de la corruption dans le monde, le Mali s’adjugeait la 118ème place sur 184 pays analysés pour l’indice de perception de la corruption, reculant de 22 places. Mettant en avant la corruption généralisée, le capitaine Amadou Aya Sanogo a justifié le putsch du 22 mars 2012 qui a chassé le président Amadou Toumani Touré du pouvoir, sous l’œil plutôt compatissant de la société civile et des formations politiques, pendant que l’armée était mise en déroute au Nord. Et puis les rapports du Vérificateur général ont soulevé sous IBK de nombreux scandales de détournement de fonds publics et de corruption. Les deux plus emblématiques ont porté sur l’achat de l’avion présidentiel et la surfacturation du matériel militaire en 2014. Fin mars, le procureur de la République près du tribunal de grande instance de la Commune III de Bamako, Mahamadou Kassogué, avait annoncé la réouverture de ces deux dossiers, dans lesquels les proches d’IBK étaient cités.
La fin de l’idylle
Le Mouvement du 5 juin –Rassemblement des forces patriotiques risque d’être gravement affaibli dans son action par un des grands handicaps de sa position : la très faible aptitude de nombre de ses responsables à changer une orientation politique lorsque celle-ci n’est plus adoptée à l’évolution de l’opinion publique collée majoritairement à une transition militaro-civile. Attachée à l’écume des jours, elle met en avant les échecs cuisants d’une transition civile précédente conduite par Dioncounda Traoré, des sept années du régime civil d’Ibrahim Boubacar Keïta à la tête du Mali. En somme, une crise de confiance s’est bel et bien installée entre la classe politique et les populations, au point que ces dernières ont battu le haut du pavé à l’appel d’un imam parce qu’il incarne la vertu.
La fin de l’idylle se manifeste au grand jour lorsqu’à la suite de quelques remontrances des dirigeants du M5 prêtant au Conseil national pour le salut public (CNSP) des velléités de « confiscation de la transition » et s’opposait vigoureusement à la charte de la transition proposée et adoptée par acclamation le 12 septembre dernier par les délégués aux concertations nationales.
On est loin du 29 juillet dernier où au cours d’une conférence de presse l’imam Mahmoud Dicko se fendait de propos du style « c’est un moment historique dans la vie de notre pays. Ceux qui croient que les décisions de la CEDEAO vont nous dévier de notre objectif se trompent. » Le Mouvement s’était, déjà des jours auparavant, enfermé à double tour dans son refus catégorique d’obtempérer en insinuant que « les menaces de sanctions ne l’ébranlent guère dans son combat contre la mauvaise gouvernance, la non gouvernance. »
Le ton a changé depuis. Mahmoud Dicko se faisait le haut-parleur d’une transition civile étalée sur douze mois conformément aux recommandations de l’organisation sous-régionale. On note également que le M5 s’était gardé d’assimiler le geste des militaires à un coup d’Etat, préférant le vocable « parachèvement » de la contestation populaire. Récemment, il avait fait marche arrière. A en juger par le propos deMme Sy Kadiatou Sow qui a qualifié la charte de transition « de second coup d’Etat ».
En fait sous la pression des événements, le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques a pris la forme d’un piège dont Mahmoud Dicko, Mme Sy Kadiatou Sow , Choguel Kokala Maïga sont déjà en partie prisonniers. Le Conseil national des organisations de la société civile (CNOSC), l’ex-mouvance présidentielle parachèvent le mécanisme de la trappe dans laquelle l’autoproclamé partenaire stratégique du CNSP avait commencé de se glisser. Après un premier couac avec les militaires au pouvoir consécutif à l’organisation des discussions sur la transition, ces derniers avaient repoussé la rencontre avec les partis politiques, organisations de la société civile, les groupes armés, et organisé discrètement une entrevue avec le M5. Cette coalition hétéroclite, qui entendait peser de tout son poids dans le processus de transition, avait mal vécu de n’avoir pas été convié en tant qu’entité.
Immense chantier
Il apparaît clairement que pour établir les conditions d’une transition de refondation de l’Etat, le CNSP voulait disposer de la plus grande marge possible de liberté vis-à-vis des chapelles politiques. Les opposants au défunt régime sont dans une large proportion considérés comme les syndics de la faillite d’hier, à mettre dans le même panier que l’ex-mouvance présidentielle. Mais ils demeurent incontournables dans le choix des membres devant siéger dans le futur Conseil national de transition (CNT) fort de 121 personnes issues de leurs rangs outre les confessions religieuses, les Maliens de l’extérieur, les forces de défense et de sécurité, entre autres.
Les piliers de l’exécutif mis en place, il va falloir qu’ils trouvent chaussures à leurs pieds : dénicher la personnalité qui va occuper le poste de Premier ministre et former rapidement un gouvernement dédié au renforcement de la sécurité sur l’ensemble du territoire national, à la promotion de la bonne gouvernance, au lancement du chantier de réformes politiques et institutionnelles, à l’adoption d’un pacte de stabilité sociale et à l’organisation d’élections générales libres et transparentes.
Selon certaines indiscrétions, les technocrates seraient beaucoup sollicités. Les choses pourraient vite évoluer. Puisque le Mali ne pourrait pas se payer le luxe d’être privé longtemps de gouvernement, préjudiciable à sa bonne marche, surtout quand on sait qu’il est sous perfusion financière des médecins des économies malades (Fonds monétaire international et Banque mondiale).
En attendant, la prudence et la discrétion semblent de mise au sein de l’ex-parti au pouvoir et de ses alliés. La désignation du président et du vice-président n’a pour l’instant fait l’objet d’aucun commentaire officiel.
Georges François Traoré
Direction générale des impôts
La mort du régisseur est belle et bien naturelle
Des hectolitres de salive et d’encre avaient été déversés, jetant une ombre sur les circonstances exactes de la mort subite du régisseur.
Tous les ragots colportés, les malveillances opposées se sont effondrés comme un château de sable. Les graves soupçons de complot orchestré visant à faire taire un régisseur gênant sont tombés par vagues entières. Et ce à la faveur du classement sans suite de l’affaire par le Procureur de la République qui y avait fourré son nez et chaussé ses lorgnons pour y voir de près. « Pas d’infraction à la loi pénale ». En des termes plus explicites, la mort subite du régisseur de la Direction générale des impôts est bel et bien naturelle.
L’indélicat régisseur était embourbé dans une sulfureuse affaire dite des « produits des pénalités ». Un voyage dans les dédales de l’affaire sert de guide aux néophytes de la procédure normale, aux oiseaux de mauvais augures. Les produits des pénalités sont versés au régisseur par l’agent comptable central du Trésor et non pas par la Direction générale des impôts. Le régisseur décaisse le montant du chèque du compte de l’agent comptable central du Trésor et verse les parts revenant aux structures bénéficiaires sur la base des états de pénalités.
Une tempête vite calmée
Une torche entre les mains du Directeur général adjoint des impôts a éclairé tout l’ensemble. « Il n’y a pas de caisse ou de fonds logés à la DGI. Tous les fonds spéciaux (fonds d’équipement, fonds communs produits des pénalités et majorations) sont domiciliés dans un compte de l’agent comptable central du Trésor –ACCT – S’agissant des produits des pénalités et majorations, le régisseur reçoit le chèque établi à son nom des mains de l’ACCT, retire le montant auprès de la banque et le verse directement aux structures bénéficiaires. Les cadres de la DGI, qui en sont bénéficiaires, reçoivent également leurs parts de pénalités des mains du même régisseur. »
Du reste, le retard accusé dans le paiement des deux derniers états de pénalités a conduit la Direction générale des impôts à enfoncer son bec dans les viscères du régisseur. Ce dernier s’était fendu d’explications à dormir débout. D’abord, il s’était abrité derrière des blocages imaginaires au niveau du Trésor. Poussé dans ses derniers retranchements, il était passé aux aveux, en reconnaissant qu’il avait carotté les chèques établis.
En témoigne la situation des paiements avec les références des chèques envoyées à la Direction générale des impôts à sa demande. Sur ces entrefaites, le régisseur a cassé la pipe à son domicile le 18 juin, peut-être par remords. Des hectolitres de salive et d’encre avaient été déversés sur les circonstances exactes de sa mort subite. D’aucuns subodoraient une mort suspecte qu’il fallait élucidée à tout prix. Et sans attendre, ils se substituaient à la justice malienne, s’étaient transformés en bourreau pressé de couper des têtes. A présent, ils sont contraints de revoir leur copie, de faire leur mea culpa à la lumière du classement sans suite de l’affaire à la date du 24 août dernier.
Et du coup, ce sont les deux responsables de la DGI en la personne du DG et du DGA qui s’en sortent blanchis dans une affaire que certains ont voulu coûte que coûte les culpabiliser.