Le bateau Mali se stabilise sur le fleuve Djoliba, et poursuit son voyage, non sans les vacarmes et les clapotis violents. Une autre page de notre histoire s’ouvre avec l’investiture le 25 septembre 2020, du président de la transition, le Colonel major Ba N’Daou et du vice président le Colonel Assimi Goïta. La nomination prochaine par le président, d’un Premier ministre et la composition d’un gouvernement de transition complèteront les autorités en charge de cette période transitoire de 18 mois. Elles auront la lourde responsabilité de donner au navire, son plein régime et la stabilité.
Le président est un militaire retourné à la vie civile. On peut donner à son statut l’interprétation qu’on veut, tel qu’on peut commenter un verre à moitié rempli (à moitié vide). Ce qui compte est que le Colonel Ba N’Daou met d’accord la majorité des Maliens, sur son sens de l’intérêt général, son engagement et son patriotisme. Sans doute, ces qualités ne suffisent pas à un homme de conduire le bateau à bon port, capitaine de bord soit-il, s’il ne se donne pas un équipage conséquent.
La présence à la cérémonie d’investiture, du médiateur de la CEDEAO Goodluck Jonathan est salutaire, apporte le témoignage que l’organisation sous régionale est au chevet du Mali et des Maliens, au petit soin pour assurer l’obéissance de l’autorité militaire à l’autorité civile.
Le président est un ancien militaire qui ne porte plus d’armes aux hanches. Le CNSP a sorti de son chapeau le poste de vice présidence, qui n’est pas une tradition malienne, notre pays ayant vécu deux précédentes expériences de transition (1991-92 et 2012-13). Le vice président est un militaire en charge de la défense et de la sécurité, et plus est, président du CNSP. Raison pour laquelle, la CEDEAO s’attèle à obtenir la dissolution de cette junte qui a parachevé l’action patriotique du M5 FPR, en mettant fin au régime d’Ibrahim Boubacar Kéita, le 18 aout 2020. La disposition de la charte qui fait du vice-président celui qui assure l’intérim du président de la transition en cas d’empêchement ou de vacance, cache-t-elle un piège ? Elle est porteuse d’intrigues, qui expliquent le désaccord du M5 RFP, puis de la CEDEAO, même si ladite disposition de la charte a été lue à haute et intelligible voie par le procureur général, lors de la cérémonie de prestation de serment du président et du vice-président. Ceci expliquerait-il le refus de la CEDEAO de lever ses sanctions sur le Mali ? Le navire Mali va-t-il continuer de voguer dans l’unisson jusqu’au bout du tunnel.
Le président Ba N’Daou s’est engagé « pour la grandeur du Mali, pour le confort du Mali ! », déclare-t-il à l’entame de son discours d’investiture. « Le Mali m’a tout donné. Je suis heureux d’être son esclave soumis, prêt à tout pour qu’il renoue avec la pleine légalité constitutionnelle, avec des autorités élues, des représentants légitimes », précise-t-il. Ainsi sont annoncées les priorités et la posture de l’autorité. Cette posture recommande à l’autorité de se porter « esclave soumis », en serviteur de l’Etat et non se comporter en maître d’esclave pour se servir de l’Etat. Si les prétendants aux postes électifs ou de nomination mettaient au service de l’Etat, ne serait-ce que le 1/3 de leurs efforts pour accéder à ces postes, le Mali serait sauvé du sous-développement, de l’injustice, de l’impunité et de l’insécurité. Notre pays est dans le gouffre parce que tout est mis en œuvre par des acteurs pour se hisser à des postes de décision et se servir de l’Etat en piétinant les baroudeurs au service de l’intérêt général. Bah N’Daou saura-t-il renverser cette tendance ?
En outre, on retient du discours d’investiture la trame des mesures de confiance entre gouvernants et gouvernés, entre administration et administrés : le retour la légalité constitutionnelle, l’assainissement des élections et des nominations. « Mener une réflexion profonde sur les tares de nos processus électoraux, nous doter de bons textes, de bonnes pratiques, de solides contre-pouvoirs, car ce sont ceux-là, la force de toute démocratie». La liste des priorités se prolonge par la lutte contre les terroristes et le crime organisé, ce qui implique « une armée aguerrie, matériellement soutenue et moralement prête » ; la lutte contre la corruption et l’impunité en milieu aussi civil que militaire. A cet effet, l’instauration de la bonne gouvernance et la sécurité des populations est sans doute au prix d’une bonne gestion de nos ressources, et une lutte sans merci contre la corruption, l’injustice et l’impunité. Rien de tout ça n’est au dessus de nos moyens, si nous disons à l’unisson que : « impossible n’est pas malien !»