Le président de la transition, le colonel-major à la retraite, Bah N’Daw et le vice-président, Assimi Goïta, président du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) ont prêté serment, vendredi le 24 septembre 2020, au cours d’une cérémonie solennelle devant la Cour suprême du Mali. C’était au Centre international de conférence de Bamako (CICB), en présence du président Bissau- guinéen Umaru Sissoco Embalo.
Le premier discours du président de la transition est pour le moins rassurant non seulement pour la refondation du Mali et de son État mais aussi et surtout pour la construction de l’homme malien nouveau. Analysons ledit discours.
«Le Mali est ébranlé, piétiné, humilié. Ébranlé, affaibli, humilié par ses propres enfants, par nous-mêmes, par personne d’autre que nous-mêmes». C’est bien là la quintessence du premier discours du président de la transition, Bah N’Daw, dressant le triste tableau de la démocratie dans notre pays. C’était à l’occasion de sa prestation de serment, le 24 septembre 2020, au Centre international de conférence de Bamako (CICB). Ici, nous retenons simplement que pour le président Bah N’Daw, le Mali se trouve dans l’impasse, piétiné, humilié par la faute de ses propres enfants qui, au lieu de privilégier la nation, se sont donnés à cœur joie à la recherche du profit individuel, mettant ainsi entre parenthèses leur devoir patriotique de préservation de l’honneur et de la dignité de notre pays.
Pour le président, le Mali est humilié, affaibli, l’armée ayant été phagocytée par les calculs politiciens aux dépens de la défense et de la sécurité nationales. Il a pointé du doigt la responsabilité pleine et entière des Maliens (entendons essentiellement ceux qui ont géré le pays). Une façon de dire aux Maliens qu’ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes. Cela est d’autant exact que si l’extérieur arrive à s’ingérer dans nos affaires c’est parce que nous avons tout simplement manqué d’amour et de responsabilité pour la patrie. Pour la petite histoire, il est inimaginable que des Maliens aillent en France pour travailler à désorienter la politique française.
Parlant des élections dans notre pays, Bah N’Daw n’a pas manqué de fustiger la conduite des scrutins, notamment l’achat des consciences, la manipulation des résultats et les alliances contre nature qui ne peuvent donner que ce que tout le monde sait: la bataille pour les dividendes politiques et donc pour des intérêts sordides privés. Face à ce fléau qui ronge dangereusement notre démocratie, le président de la transition n’est pas passé par quatre chemins.
Il a promis: «Au nom du peuple malien qui ne saurait être privé de ses choix, au nom de la vérité des urnes qui doit être la seule norme en démocratie, je combattrai sans concession les scrutins aux coûts astronomiques, la fraude électorale, l’achat de voix, l’incursion de l’administration dans le processus électoral, la perversion des résultats par les Cours d’arbitrage».
Que l’on ne soit donc pas surpris si la transition venait à engager la lutte implacable contre la fraude électorale, l’achat des voix, l’intrusion de l’administration dans le processus électoral. Une façon de prendre l’engagement de remettre au peuple ce qui lui revient de droit à savoir le résultat réel de ses choix.
Aussi, le président N’Daw a noté avec conviction la nécessité pour lui de lutter contre les coûts faramineux de l’organisation des élections. Il suffit de comparer le coût des élections de 1992 (environ 2 milliards 500 millions F CFA pour la présidentielle, les législatives et les communales) à celle de 2018 pour la présidentielle et les législatives de 2020 estimée à environ 45 milliards de nos francs. C’est tout simplement dire que les élections offrent l’occasion rêvée de dilapider les ressources nationales. Sans nul doute donc, les élections au Mali s’apparentent à l’extraction de miel, où les gens se sucrent à volonté.
Ne parlons pas ici des sous engloutis dans le processus des examens et concours en République du Mali. Il urge de nettoyer ce domaine pour une gestion rationnelle dans la mesure où ces examens et concours ne doivent plus être des occasions de pillage systématique des deniers publics. Il y a là un impératif catégorique tant il reste établi que la saignée de notre économie nationale ne fait plus l’ombre du moindre doute.
S’agissant toujours des élections, le président de la transition a promis la fiabilité de résultats qui seront confirmés par une cour acquise à la cause du peuple travailleur du Mali. C’est là une promesse.
S’agissant de la gestion opaque des fonds alloués à nos forces de défense et dé sécurité, le président a promis d’être intraitable. Pour lui désormais, les moyens de l’armée iront entièrement à l’armée et seulement à elle. Il a dit: «Cependant, les moyens de l’armée iront désormais totalement à l’armée et seulement à l’armée. Chaque centime investi pour la défense et la sécurité de ce pays (sera) surveillé et évalué, tant que je présiderai aux destinées de la transition. J’en prends ici le serment».
Lors de sa prestation de serment, Bah N’Daw n’a pas manqué de pointer le doigt accusateur sur la dilapidation sans vergogne des ressources de l’État. Pour la petite histoire, les Maliens se sont rendus compte que les gens appelés serviteurs de l’État (ministres) se sont taillés des voitures servant jusque dans les cuisines de leurs femmes. Parce que ce sont des biens publics dont on peut s’approprier illicitement sans s’inquiéter outre mesure !
Le président de la transition a dit: «La bonne gestion de nos ressources, de nos maigres ressources est, en effet, une obligation. Générer des ressources optimales au niveau national n’est pas un luxe. C’est une exigence et celle-ci passe par l’utilisation judicieuse de nos maigres deniers.»
Abordant cet autre fléau qui ratatine notre économie nationale en l’occurrence la corruption, le président de la transition n’a pas manqué de promettre au peuple malien l’impunité zéro. Cela est pour lui une exigence au regard du caractère sacré de l’argent public. Aucun sacrifice ne sera de trop à cet effet, a-t-il promis.
Lisons ce passage de son discours: «Je ne peux pas promettre zéro corruption mais je ferai tout pour que l’impunité zéro soit la norme. L’argent public est sacré et je ferai en sorte qu’il soit dépensé, de manière traçable et raisonnable. Avec tous les sacrifices que cela comporte, en termes de mesures systémiques et de répression des crimes et délits économiques. Tous les dossiers d’enquêtes réalisées par nos structures de vérifications seront transférés au juge, au besoin. Il m’appartiendra de garantir à la justice les moyens de diligenter leur traitement.»
Pour la préservation de la dignité et de l’honneur du Mali, le président Bah N’Daw fait appel à l’unité et à la concorde dans notre pays. C’est là le devoir de tous et de chacun de ses fils et de ses filles.
Pour terminer, retenons que la refondation du Mali a commencé tout au moins dans les discours. Il s’agit maintenant de la concrétiser, c’est- à- dire lier cette vision patriotique aux actions patriotiques pour la réalisation de nos idéaux de paix, de justice sociale, de probité morale et de dévouement à la partie. Plus simplement, il reste à lier l’acte à la parole, aux bonnes promesses. Il y va de l’avenir du Mali et de la crédibilité de ceux en charge de la transition.
Nelson Mandela disait à juste titre: «Une action qui n’est pas précédée d’une vision n’est que perte de temps; une vision qui n’est pas suivie d’action n’est que rêve; une vision suivie d’action peut changer le monde.»
Tout compte fait, ce premier discours du président de la transition est pour le moins rassurant non seulement pour la refondation du Mali et de son État, mais aussi et surtout pour la construction de l’homme malien nouveau. Cela s’impose vraiment tant il est nécessaire de formater l’homme de la démocratie à la malienne.