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Les pères des indépendances : Leurs parcours et leurs œuvres ont la valeur d’exemple
Publié le mardi 29 septembre 2020  |  Mali Tribune
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© AFP par Byline
Lancement des festivités du centenaire du Président Modibo Keita
Bamako, le 11 juin 2015, le CICB a abrité la cérémonie de lancement des festivités du centenaire du Président Modibo Keita, c`était sous la Haute présidence de SEM, Ibrahim Boubacar KEITA
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Les pères des indépendances ont joué un rôle singulier dans l’histoire du Mali, des Etats africains et du continent. Leurs parcours et leurs œuvres ont valeur d’exemple.




Le ton des indépendances est donné lorsqu’en 1958, la France organise un referendum à l’issue duquel les colonies devraient affirmer leur appartenance à la communauté qui devait être instituée entre la France et ses territoires et départements d’outre-mer ou accéder à l’indépendance. La Guinée-Conakry choisit l’indépendance. Le Sénégal, le Soudan (actuel Mali), la Haute Volta (actuel Burkina Faso) et le Dahomey (actuel Bénin), optent, en janvier 1959, pour l’indépendance d’un vaste ensemble : la Fédération du Mali. Cette fédération est dissoute un an plus tard suite à des difficultés d’ordre politique et géostratégique, d’abord avec le retrait de la Haute Volta et du Dahomey de l’union, puis du Sénégal qui proclame son indépendance le 20 juin 1960. A son tour, la République soudanaise, entendez le Mali, proclame son indépendance le 22 septembre 1960 sous la conduite de Modibo en conservant le nom de Mali en référence à l’Empire du même nom que fonda Soundiata Keita en 1235.

Les grandes figures des indépendances ont gardé à l’esprit de regroupement au sein d’ensembles viables au plan politique, socioculturel et économique, au mieux l’unité du continent. Fidèle à cet idéal, le Mali, sous tous les régimes qui se sont succédé, note régulièrement dans sa Constitution ce qui suit : “La République du Mali peut conclure avec tout Etat africain des accords d’association ou de communauté comprenant abandon partiel ou total de sa souveraineté en vue de réaliser l’unité africaine”. Cette volonté du panafricanisme qui s’est manifesté à des degrés divers chez les leaders des indépendances a eu ses héros comme Kwamé Nkrumah et Patrice Lumumba.

Cependant on peut noter au Mali que le modèle de Modibo Keita continue à inspirer les nouvelles générations. Pour le directeur du Mémorial portant son nom, le Président Modibo Keita était un modèle de l’excellence sur toute la ligne. Il dit avoir retenu de lui, sa probité morale, l’amour de la patrie. “Toutefois, Modibo Keita comme tout humain a rencontré des difficultés, à l’époque, il n’était pas facile de prendre la gestion d’un Etat qui venait juste de prendre son indépendance”, a souligné notre interlocuteur. Le concept était de préparer la mentalité, l’ordre et discipline, chose qui n’était pas facile à l’époque. C’était comme un saut dans l’inconnu. Cependant, le nouveau président Modibo Keita a pu prendre les choses en main. Il était un leader non seulement nationaliste, mais panafricaniste. C’est par lui que le Soudan a désormais été appelé la République du Mali quand il proclamé l’indépendance, a laissé entendre le DG. Le drapeau avec les couleurs : vert, jaune, rouge, était celui de la fédération, après l’éclatement de la fédération, le président Modibo décida d’enlever le logo et garda les couleurs. Nos frères du Sénégal ont mis à la place du logo une étoile. La devise un peuple-un but-une foi, on le doit aussi à Modibo Keita. Nos frères du Sénégal malgré la proclamation de leur indépendance ont gardé cette devise. Il a trouvé l’hymne national pour le Mali en mettant, Seydou Badian Kouyaté à la tête d’une commission de rédaction de l’hymne national.

Pour le directeur, le modèle de Modibo Keita continue à inspirer les nouvelles générations. Il affirmera que l’homme a fait son devoir de génération. A l’entendre, “quand on conduit son pays à l’Indépendance, choisi un nom pour son pays, trouve un drapeau, une devise et un hymne national pour son pays, cela est suffisant pour dire que l’homme est une référence”.

Ibrahima Ndiaye

Dr. YAYA TRAORÉ, POLITOLOGUE, COMMUNICANT, CONSULTANT, ÉCRIVAIN, ÉDITEUR



“Je retiens le projet d’unification du continent”



Selon Dr. Traoré, les pères des indépendances se sont battus pour un idéal, celui d’une Afrique unie, respectée, paisible et stable, maîtresse de son destin. Ce combat, dit-il, est à placer et à lire dans le double contexte mondial des luttes de décolonisation et africain pour prendre justement en compte la particularité de l’Afrique. Si ces luttes pour les indépendances ne se limitaient pas à l’Afrique et concernaient d’autres parties du monde comme l’Asie et l’Arabie, il faut ajouter que la situation africaine était la poursuite d’une tragédie commencée par la traite des noirs, vers l’Arabie d’abord, ensuite vers l’Europe, explique-t-il. A ses yeux, la colonisation poursuit ces crimes par d’autres moyens et sous d’autres formes. La balkanisation du continent obéissait donc aux stratégies de domination et d’exploration par les puissances coloniales. “Si je dois donc retenir quelque chose d’important, en plus de la lutte contre la colonisation et pour l’indépendance, c’est le projet d’unification du continent. Ce qu’on a appelé en d’autres termes le projet panafricain”, dit-il. Dr Traoré estime cependant que, c’est important de préciser la fracture entre les leaders africains de l’époque en matière de vision, d’un côté ceux qui voulaient l’unité sans attendre dont Nkrumah, Haïlé Sélassié, Modibo Keita et d’autres et de l’autre côté les gradualistes tirés par Félix Houphouët Boigny qui estimaient que l’unité devait se construire progressivement. “C’est dommage que le premier groupe n’ait pas pu triompher, or de mon point de vue, ils avaient raison”, a-t-il déploré. On peut tout de même dire que les pères des indépendances visionnaires qui voulaient l’unité immédiate ont fait de leur mieux. Leur échec est donc à relativiser. D’après lui, les indépendances et les marches solitaires ont montré leurs limites au regard du bilan après 60 ans. Et pourtant, des intellectuels lucides comme Cheick Anta Diop et d’autres n’avaient pas manqué de prôner l’urgence vitale de l’unité. Après 60 ans, quel est le pays africain parvenu seul à s’arracher des chaînes de la domination, à mettre en place des systèmes sanitaires, éducatifs dignes de ce nom ? S’interroge-t-il.

Le secteur agricole suffit pour souligner l’échec des marches solitaires. Des pays comme le nôtre, importe du riz et d’autres denrées alimentaires. Nous n’avons pas un secteur sanitaire performant et efficace. Plus grave, beaucoup de pays, à l’instar du Mali, se retrouvent en proie à des guerres, or sans sécurité et stabilité, des préalables essentiels, aucun développement digne de ce nom n’est possible. Pour lui, nous devons donc tirer les leçons de ce que j’ai appelé tantôt les marches solitaires, c’est-à-dire chaque pays croyant inventer seul son destin et revenir à l’idéal et au projet panafricain. Il a aussi souligné que si après 60 ans, l’Afrique n’est pas unie, l’idéal panafricain n’est pas mort. C’est pourquoi il a jugé important de souligner qu’après les pères des indépendances, des dirigeants audacieux comme Thomas Sankara, Jerry Rawlings, Mandela et d’autres ont tenté, en leurs manières, d’incarner les idéaux des pères des indépendances car en plus de l’unité, l’enjeu est aussi de se battre pour se prendre en charge, compter d’abord sur nous.

Il existe aussi de nombreux mouvements panafricains sur le continent et dans la nombreuse diaspora africaine à travers le monde. Il estime qu’il ne faut donc pas désespérer même s’il fallait cette analyse généalogique et mettre le doigt sur l’étiologie (causes) du mal. Il croit fort que le mal africain, en dépit du néocolonialisme et des visées de l’Occident sur le continent, qui ne sont pas à nier, se nomme la désunion. Toutefois, dit-il, il revient à nous, malgré les contraintes, de nous battre pour la liberté, la dignité du continent. Cela n’empêche, avant l’unité globale, d’œuvrer dans nos pays pour plus de bonne gouvernance. Il rappellera également que la situation actuelle du Mali ne peut s’expliquer par les seuls facteurs géopolitiques et géostratégiques (terrorisme…). Elle s’explique en grande partie par notre propre faillite dont l’échec des élites dirigeantes et la faiblesse de la société civile. “Il faut donc œuvrer pour plus de citoyenneté active et de bonne gouvernance mais l’essentiel doit être le combat pour l’unification du continent”, a conclu, Dr. Traoré.

Ibrahima Ndiaye

Mali Tribune
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