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Putsch militaire au Mali: Trois mois après…
Publié le jeudi 21 juin 2012   |  lefaso.net


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© Getty Images
Le capitaine Amadou Haya Sanogo
Le chef de l’ex-junte malienne, le capitaine Amadou Haya Sanogo


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Retranchés au camp militaire de Kati, quartier excentrique de Bamako, le chef de la junte militaire, Amadou Haya Sanogo et « ses hommes » continuent de peser sur le processus de transition politique. Ensuite, il y a le palais présidentiel de Koulouba abandonné par son locataire, Dioncounda Traoré, en convalescence à Paris, dont le retour semble redouté. Il y a également le Premier ministre, Cheick Modibo Diarra qui est en train de parcourir la zone CEDEAO pour faire reconnaître la légitimité et la légalité de son gouvernement « en sursis ». A côté de ces centres d’intérêt, il y a la population malienne, indifférente et éprouvée par une crise politico-militaire dont la solution finale tarde à venir.

Kati, 4 juin 2012. Quartier général de la junte militaire avec à sa tête, le capitaine Amadou Haya Sanogo, arrivé au pouvoir au Mali, suite à un putsch, le 22 mars. Un impressionnant cortège présidentiel en positon de départ : motards de gendarmerie, véhicules dernier cri, haute sécurité maximum… « Son excellence voyage-t-il ? », question à un proche du capitaine Sanogo. « Non… il se rend à Bamako », répond laconiquement l’interlocuteur qui ne donne pas les raisons du déplacement du « président ». De fait, Kati est une ville dans la ville. C’est un quartier excentrique situé à quelque 15 km de Bamako (c’est comme si l’on quittait le centre-ville de Ouagadougou pour se rendre à Kamboinsin).

Zone de haute sécurité abritant, entre autres, une garnison et la célèbre école, le Prytanée militaire, elle est située à quelques encablures du palais présidentiel de Koulouba. Au lendemain du putsch militaire, le mythe de cette ville-quartier a été encore renforcé aux yeux des populations bamakoises : barrages militaires, fouilles discrètes et courtoises de véhicules, tags d’un certain âge dissimulés dans les coins de rue du quartier… Après renseignements, l’on se rend compte que le chef de la junte se rendait ce matin du 4 juin 2012 à l’état-major général des armées. En réalité, depuis trois semaines, le capitaine Amadou Sanogo, affectueusement appelé « Haya » par les populations, se fait très discret. «

Moi, je n’ai vu qu’une seule fois le capitaine Sanogo à Bamako, c’était le 12 avril dernier lors de l’investiture de Dioncounda Traoré comme président intérimaire de la république du Mali », se rappelle un confrère malien. En ville, les Bamakois approchés affirment, en effet, qu’il « parle de moins en moins et ne sort plus trop à la télé comme avant ». « Il ne vient pas assez souvent à Bamako, il me semble qu’il se sent à Kati parmi les siens », constate Ibrahim Cissé, un cadre de banque rencontré à Bozala, le quartier du grand marché de Bamako. Du reste, cette omerta a été confirmée par les services de presse du chef de la junte militaire qui ont confié que le capitaine Amadou Haya Sanogo a décidé de se faire très discret « pendant un certain temps ». « Depuis qu’il a consenti de lâcher les leviers du pouvoir, il ne souhaite plus s’exprimer dans la presse pour ne pas gêner le processus de transition politique auquel lui-même adhère pleinement », explique une source proche du capitaine Sanogo.

Plusieurs présidents à Bamako !

Auréolé de son statut d’ancien président de la République avec tous les avantages y afférents, le chef de la junte militaire semble bien en profiter pour se mettre particulièrement en vedette à Kati. Une présence si marquée au point que la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (CEDEAO) et l’Union africaine (UA) ont exigé, le 6 juin dernier à Abidjan, la « dissolution immédiate » du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDRE), comité au nom duquel et au sein duquel le chef de la junte militaire et ses hommes agissent à Bamako. Jusqu’au 8 juin 2012, le capitaine Sanogo n’avait pas encore réagi à ce haussement de ton de l’organisation ouest-africaine.

Quelques jours plus tôt, le Premier ministre malien de la transition, lui, parcourait les pays membres de la CEDEAO pour prêcher « sa bonne parole ». En effet, pendant notre séjour, Cheick Modibo Diarra était successivement au Bénin et au Togo. Quant au chef de l’Etat, Dioncounda Traoré, plus son séjour parisien se prolonge, plus les Maliens semblent l’oublier. A tous ces « présidents intérimaires de la transition politique », vient s’ajouter la nouvelle palabre politique entre l’Alliance pour la démocratie au Mali (ADEMA, le parti ayant porté l’ancien président Alpha Omar Konaré au pouvoir en 1992) et l’Union pour la République et la démocratie (URD) qui se battent, elles aussi, pour contrôler la présidence de l’Assemblée nationale laissée vacante suite à la désignation constitutionnelle de Dioncounda Traoré à la tête de l’Etat malien. Le président de l’Assemblée nationale malienne était Dioncounda Traoré, issu de l’ADEMA, qui s’est empressé, fulmine l’autre parti allié, de proposer encore maître Kassoum Tapo au poste de la présidence de l’Assemblée. Quant à l’URD, elle estime que la présidence de cette auguste institution doit lui revenir de droit, ce d’autant qu’elle a en charge la 1re vice-présidence. Aussi, ce parti a-t-il jugé légalement opportun, de proposer son candidat, en la personne de Younoussi Touré qui assure déjà l’intérim de l’Assemblée nationale. Ces moments difficiles pourraient fragiliser ces deux grandes formations politiques-alliées, majoritaires à l’Assemblée. En attendant, le Mali a plusieurs présidents aux multiples destins.

L’incertitude demeure à Bamako

Le climat est doublement lourd à Bamako. D’abord, il y fait très chaud comme à Ouagadougou. Ensuite, il y a cette indifférence des Maliens face à cette crise politico-militaire dont ils ne semblent détenir, pour l’instant, ni les moyens, ni les solutions. La preuve : le capitaine Amadou Haya Sanogo « gouverne » à Kati, le Premier ministre « tient » à Bamako, le président Dioncounda Traoré est « coupé » de la realpolitik. D’ailleurs, le 6 juin dernier, le ministre de la Justice, Maick Coulibaly, est apparu à la télévision malienne pour souligner qu’une information judiciaire a été ouverte contre X pour « tentative d’assassinat sur la personne du président de la République, Dioncounda Traoré ». Beaucoup d’inconnues se cachent dans cette crise majeure au Mali. Selon un confrère malien, la zone de l’ORTM est en état de siège permanent depuis le putsch militaire. On se rappelle, en effet, que le programme de ce média d’Etat a été, dans un premier temps, perturbé par le putsch du 22 mars. Dans la nuit du 30 avril au 1er mai dernier, l’ORTM a été encore l’objet de contrôle entre les hommes du chef de la junte militaire (symbolisant le béret vert) et les éléments de la garde présidentielle (appelés bérets rouges) restés fidèles au président déchu, Amadou Toumani Touré.

Selon un officier proche du capitaine Sanogo, il n’existe plus de bérets rouges au Mali. « Ils ont été neutralisés… Après enquête, ceux qui n’étaient pas mêlés dans cette guerre de la honte, ont été affectés dans les différents camps militaires du pays ». Selon toujours la même source, de nombreuses personnalités politiques et militaires ont quitté le Mali après le putsch militaire mené par le capitaine Sanogo et ses « camarades ». En attendant, toutes les personnalités les plus en vue, semblent faire profil bas présentement. La classe politique, la société civile, la junte militaire…font modus vivendi et bouche cousue. Quant à la population, elle a repris son train-train quotidien marqué par la cherté de la vie. Un plat de riz accompagné de poisson coûte à peu près 1500 FCFA. Du centre-ville à l’aéroport, le prix du taxi varie entre 3 000 et 5 000 FCFA.

Entre Bamako et Kati, il est « négocié » entre 3 000 et 5 000 FCFA. Si vous optez pour la Sotrama, les « gbaka » maliens, ils sont moins cher (150 FCFA), mais soyez patients car ces « woro-woro », pleins comme un œuf avec une chaleur étouffante à l’intérieur, s’arrêtent en chemin à tout instant, à la recherche du client. Comme au Burkina, les Maliens vivent des périodes infernales de délestage d’électricité de jour comme de nuit. Le fondateur d’un bihebdomadaire malien confiait que si la crise perdure, l’Etat ne pourra pas honorer les prochains salaires des fonctionnaires.

Par Idrissa NOGO (de retour de Bamako au Mali)

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