Dans le cadre de la préparation de la campagne agricole 2020-2021, à travers un partage de l’information et une forte implication de l’ensemble des acteurs et partenaires de la filière coton, d’une part et des activités de la deuxième journée mondiale du coton (JMC) d’autre part, la Compagnie Malienne pour le Développement du Textile (CMDT), a organisé, le 1er octobre 2020, à l’attention de la presse locale, une visite de terrain dans les filiales Centre et Sud, notamment à Ouélessébougou et à Bougouni. La Délégation a été conduite par le Directeur national de la production agricole (DPA) de la CMDT, Ousmane N Traoré. Dans ces deux localités, les hommes de média ont été briffés sur les conséquences de la pandémie de la Covid-19 sur la filière coton, notamment : le niveau des stocks des balles de la campagne agricole 2019-2020 ; le faible niveau des réalisations de semis de la campagne agricole 2020-2021 ; le niveau inédit des stocks reports d’intrants de la campagne 2020/2021; le niveau prévisible de la production de coton graine et le fonctionnement subséquent des usines. Le constat, à l’issu de la journée, est que des pertes énormes sont enregistrées par la CMDT et pour l’économie nationale.
Youssouf Bamba, chef service filiale centre CMDT de Fana affirme : «le stock, présentement dans notre filiale, on a à peu près 99 000 balles de fibre qui représentent 32% de notre production. Donc c’est un handicap réel pour commencer la campagne d’égrainage. Ces stocks font partie de nos difficultés aujourd’hui. L’an passé, à la même période, on avait à peine 100 balles de fibre. Cette année, à l’usine de Ouélessébougou on a à peu près 42900 balles de fibre de coton. Et si vous imaginez une usine de Ouélessébougou qui fait à peu près 800 balles, dès qu’on veut démarrer cette usine on risque d’avoir des problèmes de stockage. Donc c’est le problème de la fibre qui est posé, car la COVID-19 ayant tout arrêté. La campagne d’égrenage va forcement prendre du temps». Issa Sidibé, coordinateur CMDT de Bougouni, a dit : « on avait prévu cette année 195000 hectares. Mais à cause de la crise socioéconomique, on n’a pu faire que 16510 hectares, soit 8% sur lesquels on ambitionne une production de 16660 tonnes. Pour cela, on a mis un accent particulier sur le suivi des producteurs (traitements grosses exploitations, entretien des cultures, etc.). Mais des solutions doivent être trouvées à l’évacuation des balles dans les deux sites de Bougouni (95975 balles, soit 21950 tonnes de fibre stockés. L’année dernière à la même date, on avait zéro balle dans les deux cours». Selon Ousmane N Traoré, Directeur de la production agricole à la CMDT, l’objet de la présente sortie à Ouélessébougou et à Bougouni avec la presse, est d’échanger avec les journalistes sur les effets de la Covid-19 et sur l’activité cotonnière au Mali. On peut, indique Traoré, classer les conséquences de cette pandémie par campagne. Par rapport à la campagne 2019-2020, dit-il, au moment de terminer l’égrenage, la pandémie est venue ; au moment où nous n’avions pas encore terminé de commercialiser la fibre du coton qui a été produite. Donc, une partie était vendue, l’autre partie, pas encore. L’impact négatif qui a eu sur cette activité de la campagne 2019-2020, ajoute O.N Traoré, a été que l’évacuation du coton vers nos clients a été stoppée parce que tous les pays avaient fermé leurs frontières. Deuxièmement, dit-il, les usines qui transforment le coton à l’extérieur étaient également fermées. «Donc nos clients ne pouvaient acheminer les balles de coton qu’ils avaient déjà achetées avec le Mali vers ces usines », explique O.NT. La deuxième partie qui n’était pas encore vendue, poursuit O. N Traoré, a coïncidé avec l’effondrement des cours mondiaux en appui de 30%, rendant donc difficile la vente de ces stocks. «A Ouélessébougou et ici, vous avez vu qu’il y a des balles qui ne sont pas évacuées. Alors que traditionnellement, à cette période de l’année, on prépare les aires pour recevoir la nouvelle production. En clair, l’impact de la COVID-19 sur la campagne 2019-2020, va se traduire par des pertes de revenues au niveau de la CMDT et créer une tension de trésorerie très énorme », a fait savoir O.NT
Par rapport à la campagne cotonnière 2020-2021, poursuit Ousmane N Traoré, au début, il n’y a pas eu de problème d’approvisionnement, mais le problème est apparu au moment de la fixation du prix. Comme les cours mondiaux de la fibre de coton se sont effondrés alors que le mécanisme qui est au Mali dit qu’en fixant le prix du coton au niveau des producteurs, dit-il, on tient compte du cours mondial du coton. Le cours mondial étant effondré donc, explique Ousmane N Traoré, obligatoirement il y aura un impact négatif sur le prix producteur. «A titre comparatif, à la campagne 2019-2020, le coton a été acheté à 275 Fcfa le kg. A cause de la pandémie et la chute des prix, le prix était à 200 Fcfa le kg. Là, je vais donner une clarification. Même avec les 200 Fcfa, à l’issu de la campagne, la CMDT faisait un déficit de 3 milliards de Fcfa. Mais la direction générale a accepté, pour accompagner les producteurs. A l’issu de ces discussions avec les producteurs et l’appui que l’Etat a eu à faire, se traduisait à 15 F de bonus, soit 215 du programme coton grain. Malheureusement ce message a été mal accueilli par les producteurs. D’où le mouvement de boycott qui s’est enclenché», a indiqué O.N T. Mais, ajoute-t-il, l’Etat n’est pas resté les bras Croisés. « Il y a eu un échange entre le premier ministre et les producteurs eux-mêmes le 7 juin dernier. A l’issue de cette rencontre, l’Etat a apporté le bonus 50 Fcfa. Donc au lieu de 275 Fcfa le coton devrait être acheté à 250 Fcfa. Mais malheureusement on avait laissé échapper les premières pluies. Et au moment où les producteurs acceptaient la proposition de l’Etat, il y a eu une sécheresse de longue durée (de mi-juin jusque vers le 10 juillet 2020). C’est la période optimale de semi coton qui est passée. Car on n’a pas su profiter des premières pluies pour semer. Et au moment où on acceptait, il n’y avait pas de pluie. D’où la faiblesse des superficies parce qu’aux premières évaluations on est autour de 30%. Mais l’évaluation finale est en cours d’ici la fin d’octobre, pour voir ce qu’on a réellement fait par rapport aux 810000 hectares qui étaient prévus pour semer», a développé O.N T.
Donc, cette chute de niveau de production du coton aura un impact direct sur les céréales. Car au moment où on a évalué les superficies coton, dit Ousmane N Traoré, on était en dessous de 30%. Au même moment pour le maïs qui est la principale culture céréalière de la zone cotonnière, c’était en dessous de 60%. Cela veut dire que la production globale des céréales dans la zone cotonnière, indique Ousmane, va baisser. D’où une crainte de notre part qu’il y ait un déficit céréalier dans notre zone d’intervention. Car au niveau de la zone CMDT d’habitude, a fait savoir Traoré, on produit au-delà de 2 millions de tonnes et on dégage plus d’un million de tonnes de surplus pour le reste du pays. Lors de cette campagne, précise Traoré, il sera très difficile qu’on dégage un tel niveau parce que la superficie qui est liée au coton a chuté. Car, note Traoré, le coton finance tous les intrants qui vont sur le maïs. Donc, il y a eu cette difficulté cette année.
Cette chute de production, dit N Traoré, ce n’est pas seulement la CMDT. Mais il y a l’économie nationale qui sera écorchée. « Si nous prenons les acteurs cotons, je veux dire les transporteurs qui nous aident à transporter 59% de notre production, le coton de la campagne vers les usines, sont aujourd’hui privés des transports. Donc la production ayant chuté, leur temps de travail sera très réduit. Le profit qu’ils devraient tirer est réduit. Avec la faiblesse de la production également, il y a un certain nombre d’usines ou des saisonniers venaient travailler pour avoir l’argent et aider leurs familles à préparer la nouvelle campagne. Mais certains n’auront pas de travail cette année. Donc, ça c’est une difficulté aussi. L’autre difficulté est la graine qu’on vendait aux huiliers nationaux (plus de 200 milles tonnes de graines). Cette année, ça ne sera pas le cas. Cela va se traduire par un déficit d’approvisionnement en huile par nos usines locales; ça va se traduire par la chute de production d’aliments bétails pour nos cheptels. Donc pour combler ça, on sera obligé d’aller importer. Donc ça sera de l’argent déplacé du Mali vers d’autres pays. Ce qui est une perte pour le pays. Toujours au niveau de l’économie nationale, la fibre coton vendue est une crainte source d’entrée de devise pour le pays. Le volume étant faible, cette entrée sera très faible cette année. Voici en gros, l’impact de la Covid-19 sur la filiale coton au Mali», a-t-il conclu
A 25 Km de Bougouni, la caravane s’est rendue dans le champ de Kassim Koné qui a produit 20 hectares de coton cette année. Ce dernier prie pour que la pluie aille à terme afin que la récolte soit bonne.
Hadama B. Fofana