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Mali. Face à la menace planant sur leurs intérêts, les Etats-Unis accentuent la pression sur le gouvernement de transition
Publié le mercredi 7 octobre 2020  |  www.revolutionpermanente.fr
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© aBamako.com par AS
Le président de la transition, Bah N`Daw, reçoit le représentant spécial des Etats-Unis pour la région du Sahel
Bamako, le 1er Octobre 2020, le président de la transition Bah N`Daw a reçu le représentant spécial des Etats-Unis pour la région du Sahel, Dr J. Peter PHAM.
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Après le putsch du 18 août contre le président Ibrahim Boubacar Keïta – allié de Paris – les puissances impérialistes, à commencer par la France, et leurs États « clients » régionaux, ont immédiatement condamné le coup d’État. En jeu, des conséquences internes et régionales incertaines pouvant mettre en péril les intérêts économiques des grands puissances dans la région. Face à ce scénario, les États-Unis accentuent la pression sur le gouvernement de transition malien.


Le 18 août, le président du Mali Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) annonçait sa démission et la dissolution de l’assemblée nationale sur la chaîne de télévision publique ORTM, peu après que le Premier ministre Boubou Cissé et lui-même aient été arrêtés par des soldats mutinés. Dans la foulé, Ismaël Wagué, chef d’état-major adjoint de l’armée de l’air, annonçait lui la création d’un Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP) et le colonel de l’armée malienne Assimi Goita se proclamait président du CNSP et ainsi « l’homme fort » du Mali.

D’où on venait ?

L’effondrement des arsenaux gadafistes en 2011 après la chute de Gadaffi suite à l’intervention des puissances étrangères comme la France, a permis à divers groupes de s’armer, et la guerre civile s’est intensifiée avec l’arrivée de groupes djihadistes tels qu’Al Qeda et Boko Haram (allié de l’État islamique) dans la région du Sahel, riche en ressources naturelles.

Sous prétexte de cette situation, la France a fait irruption militairement avec les opérations Serval et Barkhane en 2012 pour lutter contre les groupes "terroristes", mais seulement pour aggraver la situation, en armant les tribus alliées qui ont ensuite pointé leurs armes les unes sur les autres, une région qui contient d’anciennes disputes territoriales et ethniques.

À cette époque, face à un État faible, l’armée a organisé un coup d’État en 2012, puis a appelé à des élections et à des pourparlers de paix. Ce processus a amené Keita au pouvoir en tant que président en 2013. En 2015, il a accordé aux Touareg et à d’autres tribus une autonomie relative et des accords de paix établissant un équilibre interne faible mais durable dans le pays. Cependant, la corruption endémique, les problèmes structurels de pauvreté, les relations avec l’impérialisme français et la crise de la pandémie de coronavirus ont généré d’énormes fissures internes.

La prolifération des groupes terroristes et les combats avec les forces françaises et locales ont déplacé environ 3,5 millions de personnes dans tout le Sahel. Là, l’impérialisme français ne cherche pas à stabiliser ou à protéger la population harcelée par les djihadistes ; sa présence vise à garder toute une région riche en or, en uranium et en ressources minérales diverses comme le pétrole et le gaz, où les intérêts de ses multinationales françaises sont dispersés dans ces pays africains.
Le harcèlement des djihadistes, l’extrême pauvreté qui touche 50 % de la population et la présence française ont généré suffisamment de frustration chez une jeunesse contre un État qui ne lui garantit pas l’accès à l’éducation, à la santé et aux autres services de base au milieu d’un processus de désertification qui dévaste la région.
En effet, la contestation du gouvernement d’IBK qui a émergé avec force en avril dernier puise sa force dans la corruption endémique, dans la situation économique dégradée, qui s’est encore aggravée avec la pandémie de Covid-19 mais aussi dans la situation du nord du pays. La guerre que l’armée malienne mène, aux côtés de forces impérialistes, depuis près de 8 ans contre des organisations islamistes dans l’Azawad a provoqué un grand mal-être parmi la population et au sein de l’armée, dont certains soldats estiment être envoyés à la mort pour rien.

Où on est aujourd’hui ?

Si le coup d’État a été accueilli dans un premier moment avec des scènes de liesse dans les rues de Bamako c’était parce que le groupe de militaires disait vouloir « une transition politique civile conduisant à des élections générales crédibles » dans un « délai raisonnable ». Les putschistes disaient avoir pris la décision d’agir car « le Mali sombre de jour en jour dans le chaos, l’anarchie et l’insécurité par la faute des hommes chargés de sa destinée »

En effet le Mali a connu d’importantes manifestations et grèves contre le gouvernement qui partent de la misère structurelle qui connaît le pays et qui se sont aggravés depuis les élections législatives d’avril dernier. L’opposition réactionnaire du M5-RFP mais aussi une grande partie de la population dénonçaient ces élections comme ayant été organisées pour favoriser le gouvernement en place et exigeaient sa démission.

Cependant, malgré les promesses, ni l’armée qui a mené le coup d’État, ni l’opposition politico-religieuse du M5-RFP qui s’est rangé derrière les militaires représentent une réelle alternative à l’ancien président. Tous les deux ne cherchent qu’à bloquer le développement de la vague de luttes et de grèves menées par les travailleurs de la santé, de l’éducation et des transports contre le gouvernement de Keita.

De leur côté, les puissances impérialistes, devant la chute d’IBK, allié de Paris et garant des intérêts des multinationales françaises sur le sol Malien, ont immédiatement condamné le coup d’État, à commencer par la France. Le jour même du putsch le ministre des Affaires Étrangères français, Jean-Yves Le Drian a « condamné avec la plus grande fermeté cet évènement grave » et a appelé « au maintien de l’ordre constitutionnel » et exhorté « les militaires à regagner sans délai leurs casernes ». Dans la même ligne, les États-Unis ont également condamné le putsch. Tel que le déclarait début septembre Peter Pham, l’envoyé spécial des États-Unis pour la région du Sahel, la transition devait être « dirigée par des civils et doit mener à la restauration de l’ordre constitutionnel ».

Dans la même ligne, sans manquer à l’appel et aux dictés de puissances occidentales, les pays voisin du Mali, organisés dans la « Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest » (CEDEAO) ont fermé leurs frontières et suspendu les échanges économiques et politiques avec le pays. Ce qui aggrave encore plus les conditions de vie d’une population déjà fortement frappe par la misère .
L’énorme pression économique et politique pour aller rapidement vers une transition dirigée par les civils menant à des élections, tel que l’a exigé CEDEAO, a été maintenue et accentué malgré le fait que les militaires n’ont pas visé à rompre avec les interets impérialistes dans la région. En effet ils ont annoncé qu’ils maintendraient les accords de paix, des partenariats avec les casques bleus de l’ONU et la puissante force militaire française stationnée dans le pays avec 5 400 unités qui composent l’opération Barkhane.

Dans ce contexte de pression s’aggravant à fur et mesure, le CNSP annonçait le 13 septembre la volonté de s’engager dans la mise en place d’un gouvernement provisionnel pour aller vers la célébration d’élections d’ici 18 mois à compter du 15 septembre. Quelques jours après, le 21 septembre, le CNSP nommait l’ancien ministre de la défense Ba N’Daou comme président intérimaire du pays et le colonel Assimi Goita comme vice-président de ce gouvernement provisionnel. Des nominations qui ne s’accordent pas complètement à la « transition civil » exigé par Washington et Paris.

Ce jeu de tensions, d’avertissements et de coups de pression qui se succèdent depuis le putsch d’août, a été encore une fois renouvelé du côté des États-Unis. Tel qu’on pouvait le lire dans le Courrier du Soir, l’ambassade américaine a Bamako a exigé « du gouvernement de transition qu’il tien ses engagements à l’endroit de la CEDEAO en organisant des élections dans un délai de 18 mois ». L’empressement du gouvernement des États-Unis vis-à-vis de la situation instable au Mali n’est pas dû à un souci de démocratie – en témoigne largement l’appui américain au putsch récent en Bolivie – mais tel que le rappel le Courrier du Soir, a une crainte vis-à-vis de ses intérêts économiques et politiques dans la région.

Au fond la France, les États-Unis et ses alliés craignent que le coup d’État au Mali n’ouvre la voie à des situations similaires dans d’autres pays de la région qui sont traversés par les mêmes problèmes politiques, sociaux et économiques. Ce qui explique aussi la pression exercé par ses états clients de la CEDEAO. En effet une déstabilisation de cette zone très riche en ressources naturelles pourrait fait reculer les intérêts impérialistes de la France et les USA dans la zone en détriment d’acteurs internationaux concurrents comme la Russie ou la Chine qui gagnent du terrain dans le continent.

La crise économique et la contraction du marché internationale a accéléré la concurrence entre puissances pour une partie toujours majeur des ressources et des marchés. Cela se joue d’une manière très visible dans des phénomènes comme la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis mais aussi d’une manière moins évidente à travers la pression accru sur les pays sous domination économique et politique. Ces pays deviennent à fur et mesure que la crise s’aggrave, le terrain de choc des puissances mondiales.
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