Journaliste, administrateur, écrivain, Daouda Tékété est tout cela à la fois. Modeste jusque dans son habillement, il a tissé sa toile dans la discrétion, mais avec efficacité partout où il est passé : l’ORTM, le ministère de l’Education nationale. Au terme de 32 ans de service, il a fait valoir ses droits à la retraite en 2018. De l’Ecole normale supérieure en 1976, il s’est retrouvé en ex-URSS, après 2 ans passés à l’Ecole supérieure de journalisme de Paris. L’on comprend qu’il était plutôt prédestiné à donner des cours, et lui-même s’était inculqué l’amour du métier noble pour enseigner la sociologie. Mais les choses prendront une autre tournure. Son avis sur le pluralisme médiatique est univoque parce qu’il estime que la multiplicité des voix d’expression pour une meilleure résonnance a un côté positif, c’est-à-dire que la population a la possibilité d’être informée par d’autres canaux autre que les canaux officiels. Si, cela est évident, l’arbre ne doit pas cacher la forêt. En ce sens, il conseille la formation continue pour d’éviter les écueils liés à l’exercice de la profession de journaliste. Pourquoi et comment Daouda Tékété a préféré la plume à la craie ? Sa migration dans l’édition des livres ? Le journaliste confirmé, l’administrateur chevronné et l’écrivain attitré est notre héros de la semaine dans le cadre de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”
L’habitude pour animer la rubrique “Que sont-ils devenus ?”, nous nous défaisions de tout complexe. Mais face à Daouda Tékété, nous avons dû revoir notre copie au vu de l’accueil et de la discipline de l’homme. Cet éminent journaliste nous a reçus à son domicile à Lafiabougou et nous profitions dès l’entame pour lui demander pourquoi il accorde une importance particulière à l’ex-président Modibo Kéïta (paix à son âme) ?
“Toute sa vie, le président Modibo a œuvré pour les autres, essentiellement les déshérités, pas seulement au Mali, mais l’homme en général. Il a fait de la dignité humaine son combat, toute sa vie. Il ne s’est pas arrêté au verbiage.
La lutte pour la souveraineté nationale et contre la balkanisation de l’Afrique a été le fondement du combat qu’il a mené toute sa vie, toute sa carrière. Au-delà du Mali et de l’Afrique, le président Modibo s’est engagé résolument pour la paix dans le monde. Il a été de tous les combats de son époque, pour la paix et l’amitié entre les peuples. Ce sont des éléments essentiels qui ont fait que je me suis intéressé à la vie du président Modibo Kéïta”, nous a-t-il répondu.
Que pense-t-il d’une éventuelle réhabilitation de l’ancien président ? Daouda Tékété affirme sans ambages qu’il doit être réhabilité à travers des funérailles nationales, pour honorer sa mémoire par rapport à tout ce qu’il a fait pour le Mali, l’Afrique et le monde entier. Il est réconforté dans cette conviction par la proposition de Béchir Ben Yahmed, fondateur et directeur de publication de Jeune Afrique. Le chroniqueur dans le n°2233 de J.A demandait en 2003, à l’Union africaine de créer un Prix africain pour la paix, et que ce prix soit donné pour la première fois à l’ex-président Modibo Kéïta pour son engagement pour la paix en Afrique et dans le monde et son œuvre au Mali.
Après l’école fondamentale de Yélimané, les lycées Askia Mohamed et de Badalabougou, Daouda Tékété est orienté à l’Ecole normale supérieure (EN Sup) en 1974, pour être professeur de philosophie. Mais son professeur de lettres, l’ancien ministre de la Jeunesse, des Sports, des Arts et de la Culture, N’tji Idriss Mariko sous Moussa Traoré lui conseille la série lettres. Et en deuxième année, il usera de toute son influence pour que Daouda Tékété soit dans cette filière.
Contrarier son professeur qui lui vouait une grande estime n’était pas un comportement bien indiqué. Daouda Tékété montera alors dans sa tête un plan B, qui a consisté à économiser sur ses bourses (la somme de 15 000 francs maliens soit 7500 F CFA). Chaque fois, il remettait 10 000 francs maliens à son ami Moussa Bagaga qui partageait le même local que lui. En deux ans, il a pu économiser de quoi acheter le billet Bamako-Paris. L’heure de quitter le Mali sur la pointe des pieds avait sonné. Daouda Tékété s’est envolé pour la France.
Dans l’avion, il croise Cheick Pléa, un étudiant malien en URSS, également un ami de son grand frère. Celui-ci se rassure qu’il veut bien étudier en Union soviétique. Oui, répond-il. Mais comment ? Son bienfaiteur fixe un rendez-vous à Paris, où Tékété devait se munir des documents de demande de bourse.
Et en attendant d’avoir la suite du côté de la Russie, il s’inscrit à l’Ecole supérieure de journalisme de Paris.
Au service de huit ministres de l’Education
Au moment d’entamer la deuxième année, la bonne nouvelle vient de la ville de Leningrad où il va entreprendre des études de journalisme à l’Université. En 1979, Daouda Tékété débarque en URSS. Il y reste huit ans, avant de rentrer au pays pour passer le concours d’entrée à la fonction publique. Admis avec brio, il est affecté à la Radiodiffusion télévision du Mali (RTM), après sa formation militaire au Service national des jeunes (SNJ). Alors débute pour lui une longue carrière de 32 ans de service, entrecoupés de passages au ministère de l’Education nationale.
Certes, il n’est pas resté dans le giron éducatif de façon discontinue, mais il faut retenir qu’il a servi huit ministres de l’Education nationale. A son tableau de chasse 113 reportages sur l’éducation, 97 magazines et débats sur le système éducatif et 1018 conseils de cabinet.
Il a couvert 700 audiences que les différents ministres ont accordées aux personnalités, associations, corporations nationales et étrangères. Il a participé à 57 séminaires et fora nationaux et internationaux. Sur différentes problématiques du système éducatif africain, Daouda Tékété a animé 587 débats à l’ORTM.
En plus de ce travail d’Hercule entre la télé et l’administration de l’éducation, il décide de partager ses expériences, en signant des billets sur l’éducation et les médias, notamment à l’ORTM dans un journal de la place.
Au-delà de l’appréciation de sa plume, l’homme politique et l’écrivain Seydou Badian Kouyaté relève dans ses écrits, les mêmes idéaux que l’US-RDA envisageait de développer avant d’être fauchée par un coup d’Etat en 1968. Il l’invita et le rassura de son soutien à tout moment et en tout lieu.
Au fil du temps, il conseillera à Daouda Tékété de faire une compilation de ses billets sous la forme d’un livre, en février 2016. Seydou Badian lui a fait l’honneur de préfacer cette première œuvre. Le vieux politicien n’a pas baissé les bras pour encourager Daouda Tékété, dans sa nouvelle option : l’édition des livres.
Convaincu que les problèmes de l’école sont fondamentaux pour toutes les sociétés. Certes le régime de Modibo Kéïta n’a pas eu le temps pour matérialiser ses projets, mais ils collent à la démarche de Daouda Tékété.
Alors ce fut le déclic pour une série de livres, dont l’un des éléments déclencheurs aura été ce discours que Tékété a rédigé pour Seydou Badian, à l’occasion du centenaire de la naissance du président Modibo Kéïta. Systèmes éducatifs en Afrique : forces et faiblesses (novembre 2016), Modibo Kéïta : Portrait inédit (mai 2018), Recueil de proverbes africains (avril 2019), Recueil de devinettes africaines (juin 2020), le sixième livre est déjà à l’imprimerie et le septième est à la phase rédactionnelle.
Pilier central d’un foyer uni
Il est admis que la vie de retraite doit être consacrée à sa famille, et comment Daouda Tékété parvient à concilier sa vie d’écrivain et la gestion de sa famille ? Quand est-ce qu’il écrit ? “C’est l’occasion pour moi de rendre hommage à mon épouse, Oulemata Bathily, ophtalmologiste à l’Iota, pour sa volonté sans faille de créer des conditions autour de moi. Et cela pour faciliter ma concentration sur les recherches. J’écris pendant que les enfants sont à l’école ou dorment. Je travaille de 21 h à 5 h du matin.
A ce niveau aussi ma femme m’assiste dans l’organisation des documents, pendant que mes neveux professeur Bréhima Tékété, Boubacar Tékété, Abdoul Moumouni Bocoum, Mohamed Dembélé et mes fils Abdoul Kadri et Abdramane Tékété font la saisie. Qu’ils trouvent tous ici, l’expression de ma profonde gratitude et de mes sincères remerciements”.
S’il devait faire l’état des lieux de sa carrière, qu’est-ce qu’il retiendrait ? La connaissance des hommes, du président de la République à l’homme de la rue, répond-t-il. Bref, c’est le plus grand avantage qu’il a tiré de toute sa carrière professionnelle tant à l’ORTM que dans l’administration générale.
De sa carrière, il retient un mauvais souvenir, lié au saccage de sa maison et la clinique de son épouse par des manifestants lors d’un mouvement de casse orchestré par l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM). Parce que tout simplement il était le conseiller à la communication du ministre de l’Education nationale à l’époque, Adama Samassékou.
Dans la vie Daouda Tékété en plus de la lecture, aime le sport. Il n’apprécie pas les hommes faux.