Pour sortir le Mali du marasme sécuritaire, économique et social, l’attelage Bah N’Daw-Moctar Ouane se doit de résoudre trois obstacles et principes. La stabilisation du pays en dépend.
Répondre à cette question, c’est d’abord franchir trois obstacles majeurs.
Le premier obstacle est d’ordre méthodologique. De façon consciente ou inconsciente, les ministres défendent davantage les intérêts de leur groupe d’appartenance (entourage, parti politique, communauté, association…) que les priorités du Mali : éducation, emploi, justice, santé, sécurité, rénovation institutionnelle, etc. Ignorer ces jeux d’intérêts, c’est courir le danger de cheminer vers une gouvernance partisane dans laquelle l’existence même des ministres peut devenir problématique. Autant dire que le président de la transition, Bah N’Daw et son Premier ministre, Moctar Ouane, doivent trouver une issue pour conserver et pérenniser le crédit récent que les Maliens leur accordent pour l’instant.
Le deuxième obstacle est d’ordre social. Pour influer sur les dispositifs de retour à la paix, le pouvoir de transition doit construire un deal social incluant les différents acteurs : associations, diaspora, partis politiques, société civile, syndicats, mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali. Là où il n’y avait jusqu’alors que du discours et des réunions sans fin, les Maliens espèrent trouver un exécutif qui sait débattre, défendre, protéger et proposer des solutions alternatives concrètes pour sortir le pays du trou de l’insécurité et de la mauvaise gestion.
Le troisième et dernier obstacle est d’ordre politique. Au moment où la formation du gouvernement du Premier ministre Moctar Ouane, devient officielle, l’image de son équipe renvoie à une place secondaire de la femme et de la jeunesse. Le gouvernement de Moctar Ouane donne le sentiment d’aller à contre-courant des évolutions sociétales qui doivent favoriser une égalité de traitement et une reconnaissance de tous les citoyens.
Pour surmonter ces trois obstacles précédemment présentés, trois principes de gouvernance.
Le premier principe est celui de l’impartialité. Bah N’Daw et Moctar Ouane doivent se montrer impartiaux vis-à-vis des ministres qui veulent se servir de l’Etat alors qu’ils sont censés servir ce dernier. Si d’aventure, Bah N’Daw et Moctar Ouane ne s’interdisent pas de sanctionner les ministres sans résultats, et impliqués dans des conflits d’intérêts, leur cote de popularité croitra inexorablement. A ce propos, la règle du jeu est de ne pas céder aux sirènes des arrangements entre amis et de la corruption, un des ingrédients de mauvaise gestion de la nation.
Le deuxième principe est celui de la réunification du Mali. Bah N’Daw et Moctar Ouane ont tout intérêt à veiller à ce que leurs ministres ne s’aventurent dans les impasses de l’amalgame Nord/Sud, Dogon/Peul. Par voie de conséquent, ils doivent rejeter toute idée d’une frontière séparant les communautés ou les régions. Parce que ces divisions sont le point de départ de nos problèmes actuels. Alors qu’il s’agit de nous unir pour œuvrer à l’émergence d’un Mali paisible et enviable. A ce sujet, le retour définitif des services sociaux de base à Kidal devra se faire sans contrepartie.
Le troisième et dernier principe, c’est de travailler ensemble (en équipe) pour poser les jalons d’une nation réinventée et laïque, et agir contre le terrorisme, les conflits de normes religieuses. Bah N’Daw et Moctar Ouane ont le défi de sortir les Maliens de ce sentiment d’inefficacité des dispositifs sécuritaires pour nous conduire vers la paix. Cela suppose pour eux de s’entourer d’intelligence humaine qui offre les meilleures garanties pour changer la donne sécuritaire. Cela peut être un des tremplins d’une paix durable dans un pays où la confiance dans l’Etat est mise mal à cause du paternalisme d’Etat.
L’application de ces trois principes peut concourir à stabiliser le Mali. Stabiliser implique une réduction des “… facteurs qui tendent à rompre l’équilibre”. Par exemple, le droit le plus élémentaire, celui de se sentir rassuré et protégé, n’est plus un acquis dans certaines parties du Mali à cause de l’insécurité. Et donc, stabiliser le Mali, c’est retisser les liens entre les communautés, rendre accessibles les soins, redorer le blason de la gouvernance, travailler à la souveraineté nationale, au retour des déplacés et des réfugiés. Il est enfin question d’un équilibre à trouver entre l’application des règles (sanction) et une vie économique et culturelle dynamique en vue d’offrir un meilleur avenir aux citoyens maliens. Bien sûr en s’ouvrant au reste du monde.
Des profonds sentiments d’injustice (conflit foncier, excès des élites…), ressentis et vécus par les Maliens, des traumatismes du terrorisme, devraient naitre un nouveau territoire où on ne sent plus que le Mali est en train de céder. Dans cette période transitoire de 18 mois, c’est un combat qui mérite d’être mené pour enraciner politiquement le Mali. Ainsi notre dignité sera retrouvée.