Au-delà de colère et de l’indignation qu’elle a suscitées en France en l’occurrence, Sophie Petronin alias Mariam doit inspirer une autre réaction au Mali : non celle d’une méditation sabbatique, mais de véritables interrogations. D’abord l’on comprend déjà mieux pourquoi qu’il y a désormais tant de Sophie Petronin, hommes et femmes dans les rangs des jihadistes. Aussi, c’est visiblement notre approche et conception de la lutte contre ce phénomène qui semble en cause. La preuve par Mariam Petronin.
Ses premières déclarations ont fait l’effet d’une bombe dans son pays et dans le monde judéo-chrétien extrémiste où le phénomène islamiste, voire le musulman est perçu avec beaucoup de préjugés.
«Je vais prier, implorer les bénédictions et la miséricorde d’Allah, parce que je suis musulmane. Vous dites Sophie, mais c’est Mariam que vous avez devant vous», a-t-elle lancé à la face des journalistes et des politiques français lesquels s’attendaient plutôt à un mot de remerciement à l’adresse des autorités françaises qui avaient justement besoin d’une reconnaissance paternaliste et protectrice de la part d’une compatriote effrayée, sauvée in extrémis des griffes de Jihadistes impitoyables et sanguinaires. C’est du moins l’image qu’aurait bien accueillie Paris. Mais au lieu de cela, c’est plutôt un laurier que l’ex-otage a dressé sur la tête de ses ravisseurs allant jusqu’à les assimiler à des victimes, des «groupes d’opposants armés».
«Pourquoi vous les appelez jihadistes», interroge-t-elle ainsi le confrère de RFI qui lui avait tendu son micro ? «Parce qu’ils font le jihad ? Vous savez ce que ça veut dire jihad en français ? Jihad, c’est la guerre».
A peine si elle n’annonce pas avoir séjourné au paradis en compagnie de ces «groupes d’opposants armés», déclarant avoir accepté sa détention, «comme une retraite spirituelle» ayant à sa portée de «l’air pur» et «l’eau fraîche». D’ailleurs, elle annonce s’être convertie à l’islam et s’appelle désormais Mariam et non «Sophie» !
Choquant ! Ce n’est pourtant pas la première fois qu’un français catholique abandonne sa foi d’origine et embrasse l’Islam. Aussi, il existerait à l’heure actuelle, plus d’une centaine de combattants jihadistes français ayant combattu en Irak, Syrie, Afghanistan et aujourd’hui au Sahel.
S’il est évident que Sophie… Pardon, Mariam ne saurait nullement justifier la présence de ces «opposants armés» si loin de leur pays d’origine, elle suscite cependant de véritables interrogations quant à la méthode en vigueur en vue de les combattre et tout d’abord, sur la nature et le statut des combattants en question.
Le GSIM d’Iyad Ag Ghali a-t-il changé de cap ?
Souvenez-vous ! C’est à partir de 2012 que la lutte contre le Jihadiste s’est intensifiée au Sahel en général et au Mali en particulier. Mais qu’on s’y arrête un instant ! Ces groupes armés seraient-ils apparus seulement à cette date (2012) ?
L’histoire retiendra qu’à la date indiquée (2012), c’est bien le MNLA (Mouvement National pour la Libération de l’Azawad- une entité séparatiste) qui a introduit les groupes jihadistes au Sahel. Les deux mouvements étaient même à deux doigts de signer une plateforme en vue de mener des opérations communes (si ce n’est d’ailleurs fait – on parle d’accords secrets signés entre certains belligérants).
Vu sous prisme, l’allusion de Mariam Petronin relative aux «groupes d’opposants armés» prend tout son sens étant entendu que ses interlocuteurs sont parvenus à la convaincre qu’ils sont de «simples» combattants de la liberté et non des jihadistes. Faut-il alors craindre un changement de cap de Jamat Nusrat al-Islam wal-Muslimine (Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans- GSIM) dirigée par Iyad Ag Ghali ?
Pour rappel, au contraire de l’Etat Islamique au Grand Sahara (EIGS ou DAECH au Sahara) qui mène une guerre spirituelle et territoriale en vue de s’implanter, le GSIM d’yad Ag Ghali entend plutôt islamiser son pays et contribuer à l’expansion de sa religion au-delà de ces limites. Les deux entités ont une approche totalement différente!
En assimilant donc ceux du GSIM d’yad Ag Ghali à de simples «groupes d’opposants armés» et non des Jihadistes, Sophie alias Mariam laisse perplexe plus d’un. Le GSIM d’yad Ag Ghali a-t-il changé d’orientation et, comme le MNLA ou DAECH au Sahara, cherchera-t-il désormais à s’implanter quelque part dans le Sahel ? Ou chercherait-il plutôt une reconnaissance politique ?
Signalons en tout cas que les récents et violents affrontements d’avec l’EIGS (DAECH) n’ont pas encore fini de susciter des interrogations sur ses véritables motivations. Et force est d’admettre qu’à l’heure actuelle, Iyad est incontestablement le seul maitre à bord après avoir presque anéanti l’Etat Islamique au Grand Sahara. Et du coup, il devient le seul interlocuteur des forces en présence et de la communauté internationale. N’oublions cependant que l’homme est sur la liste noire des Etats-Unis (USA) et que sa tête est mise à prix par l’Oncle SAM.
Notre approche antiterroriste est-elle la bonne ?
Les révélations de Mariam dite Sophie Petronin incitent en outre à repenser la méthode jusqu’à ce jour utilisée en vue de contenir les jihadistes (pardon, les «groupes d’opposants armés»). Quel résultat de 2012 à nos jours ? Des milliers de victimes, civiles et militaires et, malgré une débauche de moyens logistiques et humains, le phénomène se propage au-delà des limites du Sahel. A croire que la méthode utilisée a montré ses limites.
Et du coup, au regard de la persistance d’une méthode très faillible et contrastée, de bienpensants soupçonnent désormais l’existence d’un vaste complot entre les fameux groupes armés et certains régimes politiques en vue du maintien de ceux-ci avec, bien entendu, la bienveillance des armées étrangères sur place. D’où les manifs désormais au quotidien en vue de leur retrait pur et simple.
Si c’est un peu trop demander (ce départ) à l’heure actuelle, il importe cependant pour ces forces étrangères et nationales de changer de fusil d’épaule.
Ici, en effet, il existe beaucoup trop de zones d’ombres dans la lutte terroriste. Le Mali a récemment connu une de ses ambiguïtés.
Des Forces antiterroristes sont accusées d’avoir envahi une mosquée et tiré sur des manifestants désarmés. Des soldats de Barkhane pour leur part, ont interpellé de présumés suspects qu’ils ont ensuite remis aux autorités maliennes. Des prévenus ont été assimilés à de dangereux terroristes sans pourtant être jugés. Des opposants politiques ou tout empêcheur de tourner en rond sont taxés de dangereux terroristes est traités comme tels. Au nom de la lutte contre le phénomène, des actes de corruption et de détournements sont quotidiennement posés. Pour raison de menaces et risques d’attentats terroristes, les pouvoirs en place procèdent à de graves restrictions des libertés individuelles et collectives ; des manifestations des opposants sont alors interdites voire violemment réprimées. L’Institution judiciaire est dépouillée de toutes ses prérogatives…
Ces mesures suffisent-elle à contenir la menace ? Le doute est plus qu’autorisé. La preuve : de 2012 à nos jours, le phénomène gagne plutôt du terrain. Des zones jusqu’à ce jour épargnées sont désormais conquises et interdites d’accès aux autorités maliennes en l’occurrence mais ouvertes à de mystérieuses forces militaires. Nos armées nationales sont dépréciées et dévalorisées…
Ces mesures, loin de dissuader d’éventuels candidats au jihad, sont plutôt de nature à inciter les potentielles victimes à rejoindre le fameux «groupe d’opposants armés» dont fait allusion Mariam Pétronin.
Et les initiateurs et adeptes de la méthode forte trouvent-là des arguments justifiant leur approche. Et voilà la boucle ainsi bouclée ! Autant dire qu’avec cette méthode, c’est l’éternel recommencement. Mais à qui profite le crime ?
Certes des Jihadistes purs et durs, ça existe ! Il s’agit pour la plupart des hommes de forte conviction religieuse, des idéologues convaincus de pouvoir changer le monde en bouleversant le présent ordre mondial, de victimes de graves injustices sociales, de nationalistes, de trafiquants de tous genres, entre autres.
Au regard de la complexité du problème et surtout de sa persistance, le Nigéria a finalement décidé de changer d’approche. Les prisonniers faits dans les rangs de Boko Haram, au lieu d’être systématiquement exécutés ou servir de monnaie d’échange, sont internés dans un centre spécial créé pour les besoins de la cause et «désintoxiqués» avant d’être envoyés en mission auprès des leurs restés dans le maquis ou sur les dunes. Cette méthode a déjà porté fruits en maints endroits sur le territoire nigérian. Pourquoi ne serait-elle pas efficace au Sahel ?
L’on constate, en tout état de cause, que les présumés jihadistes se présentent ici, non comme des coupables mais plutôt comme des victimes d’un vaste complot d’une coalition mondiale. D’où les «groupes d’opposants armés».
Aussi, la dame Sophie alias Mariam Pétronin livre au moins un début de réponse et de réflexion sur le phénomène jihadiste au Sahel.