Cette Dame élancée avec un charme étincelant est originaire de Markala, à 35 km de Ségou. Née de Dramane et Oumou Souko, elle est à la fois artiste et griotte. Elle est en effet la fille adoptive des griots (Tadeya). De nos jours peu de gens le savent à part les vielles de la société.
“Si tu nais devant un griot, il te prend et dis que tu seras rien d’autre qu’un griot. Il te prend et met sa salive dans ta bouche. Dorénavant tu seras toujours appelé par ses origines. Elle te perce les oreilles si c’est une femme”. C’est ce que symbolise l’expression “Tadeya” qui fait de Maïmouna Dembélé une griotte.
“Il n’y a pas de griots dans ma lignée. Et mon père était très connu de Ségou à Markala où tout le monde l’appelle Dramane Djan”, a précisé Maïmouna. Et d’ajouter, “je suis la seule personne dans notre famille à être artiste. Je ne suis pas noble non plus, je suis Wolosso (caste). Être griot est venu du fait que les griots eux-mêmes l’ont adopté pour être l’une des leurs (Tadeya). La preuve en est même que si je me retrouve dans un même évènement que les griots, je parle d’abord avant qu’ils ne prennent la parole. C’est une vielle tradition que presque tout le monde connaît ici chez nous”.
Dans le pays, elle est plutôt très connue comme artiste, chanteuse. «“Je chante beaucoup de styles de chansons. J’interprète les chants griotiques, des chansons en différentes langues tel que Bomou, bamanakan… “, nous confie-t-elle.
“J’ai fait 5 albums et effectué beaucoup de tournées dans presque tout le Mali, à travers l’Afrique et le monde grâce à des contrats à l’extérieur du pays”, nous explique la diva de Markala qui habite dans les 759 logements (Bamako). Pour l’artiste, les difficultés font partie de son travail. “J’ai eu des difficultés qui m’ont permis de réussir… Dans la vie, être riche dépend de ta destinée. Dieu merci, ce que j’ai eu durant mon parcours artistique m’a permis d’être ce que je suis”, se réjouit-elle, très reconnaissante.
“Aujourd’hui, j’ai ce que je mérite avec Dieu durant ma vie sur terre. Je suis connue en Afrique et à travers le monde et ma musique est très écoutée et appréciée. Être reconnue par ma musique est important. Cela me fait des relations sans que je ne sois pas riche. En tout cas, je rends grâce à Dieu pour cela”, affirme avec une foi manifeste.
A propos du coronavirus, Maïmouna Rappelle que “cette maladie a trouvé beaucoup d’autres maladies dans le monde. De nos jours, la vie n’est pas facile ni pour les peuples ni pour les dirigeants. Seule l’humilité et la compréhension peuvent nous permettre de mieux vivre”. Si les temps sont durs pour tout le monde, ils le sont davantage pour les artistes. “Ce n’est pas facile pour les artistes parce qu’avant s’était les K7. Tu bénéficiais des retombées de la vente ainsi que ton droit d’auteur. Les pirates ont gâté ce marché. Aujourd’hui, la carte mémoire et les clés ont fait que les gens ont oublié les pirates même si c’est aussi une forme vicieuse de piratage de nos œuvres”, rappelle l’artiste-griotte.
“Aujourd’hui ont chante par amour et non pour de l’argent. Je passe peu à la télé et pourtant je me porte très bien par la grâce de Dieu. Je continue toujours de chanter et on m’invite à des évènements sociaux (baptême, mariage, animation de tontines…). Ce que je gagne c’est ma chance. A part cela je ne connais pas autre chose”, nous dit la diva de Markala. Pour la jeune dame, le milieu artiste est devenu autre chose.
“Si tu n’es pas dans un certain milieu, tu ne peux avoir des villas, des grosses voitures… Moi je ne sais que chanter. Je rends donc grâce à Dieu, à mes parents et remercie mes bons Diatigui (hôtes, bienfaiteurs) comme les voisins, les parents, les amies qui m’aiment et m’invitent à leurs évènements. D’autres aussi, en dehors des manifestations et cérémonies sociales, me font des gestes”, nous confie-t-elle.
Actuellement, elle est en train de composer de nouvelles chansons avec comme thèmes le monde, la vie. Mais, elle a un autre projet qui lui tient à cœur : “Hami ban kan”, c’est-à-dire “on a des soucis” ! Quels soucis ? “Le mariage de nos enfants filles et garçons avec des traditions qui rendent difficile la situation”, assure-t-elle. Le projet vise donc à faciliter les démarches du mariage. Malheureusement, la crise sanitaire liée à la Covid-19 a retardé le lancement officiel de cette initiative prévue à Markala.
Le projet est porté par une association pour le bonheur des mères, des filles et des garçons. “Il y a beaucoup de mères qui refusent les traditions par peur du regard des autres. Pourquoi faire comme les autres aussi et si tu n’as pas les moyens alors ? Cela se traduit par le retard du mariage. Il y a beaucoup de choses qu’on s’impose dans le mariage alors qu’ils ne sont pas une obligation, ni pour la constitution, ni pour le maire, ni pour nos religions. J’ai eu à participer à des débats à la télé concernant le projet”, déclare Maïmouna Dembélé.
“Je prie beaucoup pour le Mali… Nous sommes frères et sœurs du même père et mère. Que la paix règne dans tous les pays du monde, surtout au Mali. Que Dieu nous préserve de toute sorte de conflit, de la Covid-19… Que Dieu nous donne longue vie et bonne santé”, conclut Maïmouna Dembélé. Même si elle baigne dans un certain anonymat aujourd’hui, elle n’a pas pourtant baissé les bras et compte bientôt relancer sa carrière !