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Fonio : Au-delà de la consommation des ménages, la céréale ne perd pas sa place
Publié le samedi 17 octobre 2020  |  Mali Tribune
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Ses grains, son goût ou ses vertus multiples et diverses raisons le placent aujourd’hui devant plusieurs programmes de recherche pour sa transformation et sa valorisation. Au cœur des menus de fêtes des grandes villes, le fonio fait vivre de nombreuses femmes en milieu rural.


Aminata s’apprête à recevoir ce week-end leur rencontre périodique entre amis. Une journée qu’elle veut mettre à profit pour déguster en menu principal sa recette de coucous de fonio au poisson.

La boutique d’Abdoulaye Traoré, semi-grossiste de céréales à Korofina Fadjiguila, est vite repérée par la jeune femme ce matin. “Bonjour, est-ce que vous avez du fonio ? “, demande-t-elle. Le commerçant lui répond tout en présentant les variétés disponibles. Le kg en vrac est vendu entre 500 à 600 F CFA. Celui du Mali est plus abordable. Il est cédé à 500 F CFA. Le vendeur de céréales termine sa brève présentation en proposant des fonios précuits en sachet sur son comptoir. Bien qu’il soit plus cher, 1000 F CFA par sachet, c’est ce qu’Aminata choisit finalement.

La commodité d’emploi du fonio prêt à l’emploi fait de lui aujourd’hui le produit le plus acheté par les femmes aux marchés et centres commerciaux.



Émergence en 2000

Dans la zone industrielle de Bamako à l’Unité de transformation et de conditionnement des denrées alimentaires (Ucodal) se fabrique une grande partie des fonios précuits sur le marché. Mme Mariko Fadima Siby, promotrice de l’unité reçoit ce matin une nouvelle matière première pré décortiquée. La pionnière dans le secteur suit en même temps les travaux de finalisation de deux centenaires de fonios précuits pour le marché international.

“Solo, dis-leur de décharger rapidement ici et le couvrir avec une bâche. La météo a prévu qu’il va pleuvoir aujourd’hui”, instruit-elle.

Malgré ses 70 ans passés, la pionnière garde encore son physique d’athlète et les souvenirs de ses années de première femme à avoir créé une entreprise de transformation agroalimentaire. “On a commencé avec les condiments en 1992. Ça n’a pas marché. J’avais un choix à faire, soit fermer ou changer d’activité. Nous avons commencé le fonio sur le marché sans expérience. Il y avait très peu d’information parce que ça n’intéressait personne. Comme je suis technologue, j’ai imaginé des choses qui pouvaient attirer des gens, d’où mon choix sur le fonio prêt à l’emploi. Au début, on avait des mortiers, presque une cinquantaine de mortiers. Les femmes après une journée ne revenaient plus parce que c’était très pénible”.

Cette première expérience ouvre la voie à plusieurs entreprises agroalimentaires évoluant dans la transformation du fonio à Bamako quelques années après.

L’émergence des entreprises de transformation de fonio connait surtout une grande émergence au début de 2000 selon l’enquête du projet aval fonio réalisée de 2014 à fin 2016.

Dans son document, le projet montre un net accroissement du nombre de créations d’entreprises de transformation du fonio à Bamako. L’étude identifiera 71 entreprises de transformation du fonio dans la capitale malienne “soit 34 entreprises de plus que lors de l’inventaire réalisé en 2007 dans le cadre du projet Inco Fonio”.



Enlever le goulot d’étranglement

Consommée au Mali depuis très longtemps, la pénibilité de la transformation du fonio (encore appelé Digitaria exilis) a longtemps pesé sur son développement. Conséquences : très peu de producteurs se lançaient dans la production de cette activité et la grande majorité des quantités produites sont destinées pour la consommation de la famille pendant la période de soudure.

Depuis plus d’une décennie, le principal organisme du système national de recherche agricole au Mali, l’IER s’intéresse à ce problème majeur. Le laboratoire de technologie alimentaire (IER/LTA) du centre de recherche a participé à trois grands projets sous régional de recherche sur le produit. Mme Fanta Guindo chercheure à IER/LTA a pris part à ces recherches avec d’autres collègues.

Selon la chercheuse ces différents projets ont contribué à augmenter non seulement la production, l’aspect transformation et la productivité du fonio “la contrainte majeure que nous avions observée était l’aspect post-récolte, de l’abattage au décorticage jusqu’au blanchiment du fonio. Le décorticage était un goulot d’étranglement, demandait vraiment un effort de la part des femmes et on n’avait pas non plus la qualité qu’on voulait. Il s’agissait d’abord de concevoir une machine dans ce sens qui peut vraiment assurer tout ce travail tout en gardant ses valeurs nutritionnelles. L’IER était dans ce projet avec la France, la Guinée, le Sénégal”.

Le projet CFC a permis en effet d’améliorer la production du fonio notamment par le développement et l’équipement matériel de transformation post-récole du fonio “L’équipement qui a été conçu et qui est vraiment fonctionnel aujourd’hui est le décortiqueur blanchisseur GMBF c’est-à-dire Guinée, Mali, Burkina Faso, France. Il se trouve au niveau de beaucoup de producteurs”, dit-elle.

Les deux autres projets sur lequel l’institut a travaillé à savoir le projet Inco-Fonio et aval fonio se sont accentués sur l’amélioration des techniques de transformation et de stabilisation du fonio tout en boostant la production.



Plus de 100 tonnes exportées par an

L’Ucodal est l’une des bénéficiaires du projet aval fonio. Dans la mise en œuvre dudit projet sous régional elle a reçu le prototype de desableuse de fonio.

A l’unité, le produit pré décortiqué reçu est d’abord acheminé dans le magasin de matière première nouvellement construit. Ici, il est criblé et trillé avant d’être transporté dans la laveuse. L’appareil dessable la matière de son sable à 80 % voire 99 % de son sable. Ce processus est ensuite acheminé par les femmes. Après le produit est égoutté et étuvé à la vapeur avec des séchoirs solaires et à gaz avant mis en sachet.

Les longues journées de lavage et dessablage de Mme Yattara Awa Coulibaly sont maintenant dédiées au contrôle du produit fini dans les sachets avant leur fermeture. Un travail minutieux qu’elle a appris à faire durant ses vingt ans de services à l’unité. L’employée inspecte une dernière fois le sachet de 906 G posés sur la balance, “C’est correct” murmure-t-elle concentrée.

La réception de l’appareil a beaucoup contribué à booster leur activité reconnait la promotrice. De 20 kg l’unité au fil des années l’unité se voit traiter au minimum 500 kg par jour. “C’est le jour où on n’a rien fait sinon on peut aller jusqu’à une tonne par jour. On est toujours handicapé parce que la capacité des machines est limitée. Il nous faut plus de machines”.

Ce changement a aussi un impact sur la quantité de produits finis destinés à l’exportation. La société dit exporter 100 à 120 tonnes de fonio précuit par an aux Etats-Unis, France, Espagne et au Sénégal…

Dans sa nouvelle ligne directrice, l’unité s’est lancée un nouveau challenge : faire uniquement du fonio bio



Besoins des petites et moyennes entreprises

Si un goulot d’étranglement important a été levé aujourd’hui dans le processus de la transformation de fonio, deux grands défis majeurs se posent au Mali encore estime la chercheure de l’IER. “On doit mettre en place un dessableur miniaturisé qui peut correspondre aux besoins des petites et moyennes entreprises. Il faut essayer de valoriser davantage le fonio au Mali. C’est vrai que le fonio précuit en “Djouka” est le produit phare du Mali, mais on peut faire d’autres produits à valeur nutritionnelle assez riches à base du fonio qui peuvent intéresser le Mali aussi bien que les pays de la région et l’international”.

Augmenter les micronutriments des aliments c’est exactement ce que fait Dr. Yara Koureichi Dembélé depuis son bureau au premier étage à Sotuba.



Fonio précuit aux feuilles

La nutritionniste dans la recherche en nutrition depuis 25 ans au laboratoire de l’IER a commencé à travailler sur le fonio en 2008.

De 2008 à 2015, la cheffe de l’unité fruits et légumes et produits de nos cueillettes a focalisé toutes ses activités de recherche sur plusieurs types de fonio non traité et lavé,

“Le fonio est très riche en vitamine essentielle telle que la méthionine, cystine glucides, des acides très importants pour l’organisme de l’homme par rapport aux autres aliments ou le fonio est très nutritif. Le taux de méthionine contenu dans le fonio double que celui contenu dans les œufs. Par contre, le taux de fer est quand même faible 1,5 % comparé à 9 % qui a été dit de l’autre côté la FAO dans la table de composition au début de notre recherche”.

Pour augmenter ses micro nutriments du fonio, la nutritionniste a procédé à des travaux avec d’autres chercheurs de l’institut “appelés fonio aux feuilles”.

Ici, il s’agit d’ajouter au fonio d’autres produits qu’on trouve ici pour aider à améliorer la valeur nutritive de la céréale, “on a pensé aux légumes feuilles tel que les feuilles moringa, d’épinard, de corcorus, fakoye, patate pour augmenter la teneur en fer, en vitamine C ou A. On a fait d’autres produits qu’on a appelé le fonio royal. C’est à base des légumes et fruits à chair jaune ou orage. On les mélange avec du fonio pour avoir le royal. Ici, on a essayé de mettre beaucoup en valeur la vitamine A”.





Dans ses perspectives, la chercheuse compte développer d’autres stratégies pour l’introduction du fonio semi-décortiqué auprès de vendeuses fonio en “Djouka” plus bénéfique que celui blanchi. En attendant la chercheuse se voie exposer quelques échantillons de ses fonios aux feuilles et royal sur une table posée à l’angle dans son bureau. Pour l’heure, les produits ne sont pas encore sur le marché pour faute de financement.

“Loin de Bamako, l’amélioration des travaux de décorticage du fonio encourage beaucoup de femmes de la Commune de San à se consacrer à la transformation primaire”.





Sur les 10 tonnes de matière première déchargées à l’Ucodal 4,5 tonnes proviennent de l’unité de traitement du groupement “Fisina”.

A 20 minutes de route de San, dans la Commune rurale de Somo, le groupement de femmes tient son unité de prétraitement. C’est tout un processus complexe de transformation primaire qui s’effectue, avant que le fonio pré décortiqué n’arrive sur le marché des grandes villes pour Kadia Traoré, présidente du groupement, “nous achetons de la matière première auprès des producteurs et petits collecteurs dans les marchés des villages environnants de San dont Niasso et au Burkina Faso souvent. Après l’achat, nous traitons le fonio pour enlever les impuretés avant de l’envoyer”.

Grâce à l’accompagnement de plusieurs projets dont WAP et Elvetas, le groupement assure la transition de cette transformation primaire semi mécanisée, qui consiste à nettoyer et décortiquer le produit.

Dans leur programmation de cette année, le groupement devait livrer à Ucodal 10 tonnes “Nous avons pu lui livrer plus que ça. En plus, on a aussi vendu 1,5 tonne de fonio lavé à un autre client de Sikasso. En plus de cet objectif, on a pu semer cette année 1 hectare de fonio”, souligne la présidente, engagée sur leur objectif pour la campagne prochaine, traiter 20 tonnes.

Avec ses revenus générés, le groupement dit prendre en charge les frais de scolarité de leurs enfants et leur autonomie financière.

De Bamako à San les petits grains jusqu’à présent “marginalisés” par rapport aux autres céréales, moins de 2 % en termes de volume de production, ne perd pas sa place de céréale d’espoir pour assurer la sécurité alimentaire et l’autonomisation de nombreuses femmes.



Réalisé par

Kadiatou Mouyi Doumbia
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