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Comprendre : le conflit du Nord-Mali en 2012, est-il ethnique ?
Publié le mercredi 21 octobre 2020  |  L’Inter de Bamako
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© Autre presse
Carte du mali
Le pays fait partie de la Communauté économique des États de l`Afrique de l`Ouest (CEDEAO) et de l`Union africaine
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Les Touaregs sont-ils une minorité écartée des bénéfices du pouvoir par Bamako ? Ce serait difficile à soutenir. Les Touaregs au sens strict ,qui ne représentent que 1,7% de la population malienne (de 20 millions) ou 3,2% en y agglomérant leurs anciens esclaves, les Bellahs,noirs de même langue tamachèque, bénéficiant plutôt d’une certaine surreprésentation politique, au niveau local, régional et parlementaire. Ils sont également très minoritaires dans la région que certains d’entre eux ont appelée Azawad.

Il aurait été bien difficile de démontrer qu’une minorité était menacée ou opprimée (c’était néanmoins le cas pendant la brutale répression des Touaregs, en 1962-1963) ou même l’inverse, délaissée, contrairement aux idées reçues à l’étranger. Une autre conception erronée est de considérer que les Touaregs forment un ensemble homogène. Seule une fraction minoritaire d’entre eux s’est rebellée et les autres s’y sont fortement opposés en constituant soit des groupes armés opposés aux rebelles, comme le Groupe d’autodéfense touareg imghad et alliés (GATIA), favorables à Bamako, soit des associations pacifiques de Touaregs loyalistes.

Ainsi, a été créée, en 2013, la Plate-forme des cadres et des leaders  kel-tamasheq. Cette association rassemblait notamment un ancien Premier ministre, d’anciens ministres et d’actuels députés du Nord, maires ou conseillers municipaux, tous Touaregs et opposés aux rebelles. Elle était présidée par le plus haut dignitaire traditionnel touareg du Mali, Bajan ag Hamatou, l’amenokal (chef) des Oulliminden, communauté qui dominait naguère le septentrion malien et qui, en 1916, a résisté à la colonisation et s’est opposée aux Touaregs Ifoghas, alors collaborateurs des envahisseurs français.

Pour comprendre  la dernière rébellion touarègue de 2012, il faut d’abord se rappeler qu’elle a commencé avec le retour forcé au Mali de plus d’un millier de militaires touaregs devenus arabophones, expatriés, depuis parfois des décennies dans l’armée libyenne de Kadhafi. Non désarmés au Mali, pays devenu quasiment l’irrédentisme touareg, ils ont pris le commandement militaire de la rébellion en s’associant à des leaders traditionnels Ifoghas de la région de Kidal. Ces derniers ont surtout été les porte-parole et les propagandistes très efficaces de leur cause sécessionnistes, puis «autonomiste». Mais quelle cause exactement ?

Avec l’indépendance du Mali, les Touaregs de la région de Kidal voient s’affaiblir ou se dissoudre les liens sociaux de dépendance entre l’aristocratie ifogha et la majorité non noble, tributaire, constituée par les imghads. Ces derniers, étant majoritaires, bénéficient de la démocratisation des institutions maliennes qui dessaisit  progressivement l’aristocratie (les Ifoghas) de ses prérogatives ancestrales «naturelles».

Dans ce contexte, les imghads tendent à former une communauté distincte solidaire, loyaliste, «pro-Bamako». Si ces derniers avaient soutenu les rebelles Ifoghas minoritaires, cela n’aurait pu en effet que conduire les Imghads à se repositionner dans une relation de dépendance à l’égard de l’ancienne aristocratie ifogha tribalisée et rebelle, dominant le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). La volonté des chefs rebelles d’échapper au contrôle d’un État central s’explique aussi par les trafics illicites divers, surtout de drogues, dans lesquels ils étaient impliqués.

Rappelons enfin qu’il n’y a jamais eu de territoire nommé «Azawad» et formant une chefferie quelconque ou un royaume. Les populations du septentrion malien sont d’ailleurs majoritairement non touaregs et, historiquement, ont beaucoup souffert des razzias opérées par les  nomades touaregs de diverses tribus, s’affrontant aussi entre elles.

La rébellion du MNLA était enfin un véritable «syndicalisme de la  kalachnikov» consistant à arracher par la force des avantages matériels et statutaires, sachant que chaque rébellion se termine par un accord avantageux pour les anciens rebelles, piège dans lequel s’est à nouveau précipité tête baissée la communauté internationale qui n’a cessé d’évoquer le besoin d’une pseudo-réconciliation nationale ou de «dialogue Nord-Sud» de nature politique avec les Touaregs soi-disant opprimés et en réalité oppresseurs.

En revanche, le mouvement rebelle touareg djihadiste Ansar Dine de Iyad Ag Ghali (grand féodal ifogha au «prestigieux» passé de chef de la rébellion de 1990) avait une motivation à la fois religieuse et féodale: étendre la charia et être le chef d’un émirat au nord du Mali, en opposition aux autres leaders Ifoghas.

En bref, ce qu’on appelle «la question touarègue» relève d’abord d’un amalgame entre une minorité turbulente et une majorité tout aussi touarègue mais loyaliste vis-vis de Bamako. Il s’agit aussi d’un ensemble de peuples caractérisés par une culture nomade très spécifique (avec son écriture, le tifinagh), mais clairement séparés en tribus ou en  communautés rivales, et même opposées les unes aux autres depuis des temps immémoriaux, et en castes distinctes, désormais en conflit entre elles, dans le contexte moderne de l’érosion du pouvoir féodal et de la loi du nombre.

Les Touaregs sont en effet la dernière communauté malienne à avoir conservé une structure sociale encore très hiérarchisée en castes (nobles ou «Imagerens», «vassaux» ou «Imghads», artisans, et anciens esclaves ou «Bellahs»). Le djihadisme a, beaucoup plus récemment, introduit une nouvelle cause de division dans le Nord du Mali.

Extrait de «Le Grand livre de l’Afrique»

Source : L’Inter de Bamako
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